Les obligations comptables : le principe de prudence

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Vert : définitions

Objectifs

Comprendre le principe de prudence, mais aussi la continuité de l’exploitation et la permanence des méthodes à respecter pour atteindre l’objectif important d’image fidèle.

Notions

  • Exercices comptables,
  • clôture de l’exercice,
  • valeur nette comptable.

I. Le principe de prudence lié à l’activité d’exploitation

L'état d'esprit du comptable doit être caractérisé par des principes fondamentaux, notamment la prudence dans l'évaluation des actifs et des passifs, l'indépendance des exercices, et la rigueur dans l'application des procédures comptables, afin de garantir l'intégrité des informations financières. Il y a aussi le principe de continuité de l’exploitation pour le rattachement des produits et les charges de l'exercice, et le principe de permanence des méthodes nécessaires pour l’établissement des comptes annuels.

Le principe de prudence selon l’art. 121-4 du PCG 2014.

La prudence consiste à ne pas transférer sur des exercices futurs les incertitudes présentes susceptibles de grever le patrimoine et le résultat de l’entreprise. La mise en œuvre de ce principe en comptabilité participe à l’objectif d’image fidèle des comptes annuels.

La mise en œuvre des principes comptables : le principe de prudence.

1) La notion d’amortissement comptable (amortissement économique)

Définition : L’amortissement est une charge calculée pour autofinancer des futurs investissements de l’entreprise. Il s’agit ici de l’amortissement comptable (appelé aussi amortissement économique).

Exemple 1 : SA PIÈCE AUTO est une entreprise commerciale dont l’activité consiste en la vente de pièces mécaniques, son exercice comptable coïncide avec l’année civile (01-01-N au 31-12-N) et son patrimoine comporte des actifs amortissables – tels que le matériel de bureau et le matériel informatique (c’est-à-dire un ordinateur), des matériels de transport (camion), etc. Chacun de ces actifs amortissables, selon leur catégorie ou leur usage, a une durée de vie ou d’utilisation permettant de calculer le taux d’amortissement applicable à la clôture de l’exercice pour calculer l’amortissement de ces actifs.

À la clôture de l’exercice, chaque actif amortissable fait l’objet du calcul de son amortissement et de sa valeur nette comptable est égale à : (valeur d’acquisition – amortissements cumulés durant l’exercice comptable) dont valeur d'acquisition = coût d’acquisition = prix d’achat de l’actif amortissable + frais d’installation…

Cette partie permet d’apprécier l’impact des principes comptables sur la formation du résultat et sur l’élaboration des documents de synthèse (à savoir le compte de résultat, le bilan et les annexes).

Reprenons l’exemple 1 SA PIÈCE AUTO ci-dessus, admettons que cette entreprise commerciale de pièces mécaniques achète le 30-06-2023 un ordinateur à 5 000 € hors taxes (HT) et mis en service à la même date, sa durée de vie est de 5 ans et amortissable en mode linéaire.

À la clôture de l’exercice au 31-12-2023 :

  • Analyse comptable : L’achat d’ordinateur selon le plan comptable général (PCG) représente pour l’entreprise l’acquisition du matériel de bureau et du matériel informatique (élément d’actif).
    Évaluation du montant de l’amortissement linéaire du matériel de bureau et matériel informatique :
    • Le taux de l’amortissement linéaire = (100 / durée de vie) = (100/5) × 100 = 20 % = 0,2
    • Le montant de l’amortissement linéaire de ce matériel à la clôture de l’exercice au 31-12-2023 :
      Ce matériel de bureau et matériel informatique : du 30-06-2023 au 31-12-2023, 6 mois d’utilisation.
      La formule : Amortissement = (valeur d’acquisition × taux d’amortissement × durée d’utilisation).
      L’amortissement économique pratiqué pour l’exercice 2023 au 31-12-2023 : (5 000 × 0,2 × 6/12) = 500 €
      C’est une opération d’inventaire à comptabiliser en application de la règle de prudence (principe de prudence).
  • L’écriture comptable au 31-12-2023

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2) Les notions : les dépréciations et les provisions

Définition : La constatation comptable d’une diminution de valeur d’un élément d’actif ou d’une augmentation du passif exigible précise, quant à sa nature incertaine par rapport à sa réalisation, que des événements survenus ou en cours deviennent prévisibles à la date d’établissement de la situation.

Cela peut donc correspondre :

  • Soit à la diminution de valeur d’un élément d’actif autre qu’une immobilisation corporelle ou incorporelle et les stocks, résultant de causes dont les effets ne sont pas jugés irréversibles, et qui nécessite de constater une dépréciation (selon PCG-322-9).
  • Soit à un passif. Ce sont des provisions pour risques et charges, qui correspondent à des risques ou des charges nettement précisés quant à leur objet et que les événements survenus rendent probables (art. 8 du décret comptable 8361020).

Une provision est un passif dont l’échéance ou le montant n’est pas fixé de façon précise (PCG-212-3).

Le terme « provision » est également utilisé pour les montants portés dans les comptes 14 provisions réglementées, qui en général sont une fraction du bénéfice imposable placée sous un régime d’exonération fiscale provisoire et qui constitue en réalité, non pas des provisions, mais des réserves qui ne sont pas libérées de l’impôt. Les provisions réglementées font partie des capitaux propres. Les principes comptables relatifs à la comptabilisation des provisions et des dépréciations sont : image fidèle et sincérité, prudence.

➜ Aspect comptable des dépréciations et provisions (principe de prudence, image fidèle et sincérité)

a) Les dépréciations

À l’inventaire, lors de l’établissement des comptes annuels, les entreprises doivent faire le point sur leurs créances, et tenir compte d’informations remettant en cause la solvabilité de certains clients, afin de ne pas présenter des créances douteuses dans le bilan sans tenir compte du risque de non-encaissement que celles-ci représentent (application du principe de prudence). On va étudier aussi la réversibilité de la dépréciation.

Exemple 1 : La dépréciation des créances clients. Reprenons l’exemple 1 SA PIÈCE AUTO, l’entreprise commerciale, dans le cadre du suivi de ses comptes clients réalisé à partir du grand livre et la balance auxiliaire client (balance âgée si possible), l’entreprise va donc procéder régulièrement : à la surveillance des retards éventuels de paiement ; aux relances personnalisées ; aux mises en recouvrement, voire aux contentieux qui s’avèrent nécessaires. Malgré cela, certaines créances sont remises en cause par la défaillance des clients.

b) Le traitement comptable des créances clients

Exemple 2 : Le client Dupont n’a toujours pas payé une facture de 12 000 € (10 000 € hors taxes) du 22-05-N.

À la clôture de l’exercice au 31-12-N, l’entreprise établit ses comptes annuels et à des informations sur la situation du client Dupont qui lui font craindre que ce client ne puisse payer plus de 60 % de sa dette.

Travail à faire : analyser et enregistrer les opérations d’inventaire de la créance client au 31-12-N.

  • Analyse comptable de la créance client
    Le client Dupont devient un client douteux pour le montant de sa facture de 12 000 € TTC et la dépréciation se calcule sur le montant hors taxe (HT) de la créance à hauteur de (100 % − 60 %) = 40 %, car le risque d’impayé est estimé à 40 % de la créance HT : (10 000 × 40 %) = 4 000 €. Cette dépréciation sur créance client de 4 000 € sera comptabilisée comme une opération d’inventaire à la clôture de l’exercice.
  • L’écriture comptable au 31-12-N. Pour cette dépréciation (principe de prudence) :
    Enregistrer la dépréciation de la créance. Cette dépréciation est calculée sur le montant hors taxes de la créance, car la T.V.A. éventuellement non payée par le client pourra être récupérée auprès de l’État.

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La dépréciation s’ajuste chaque année en fonction de l’évolution de la situation de la créance.

L’année suivante, à la clôture de l’exercice : Le 31-12-N+1, la créance n’est toujours pas encaissée, lorsque la créance n’est toujours pas encaissée, on passe une écriture inverse pour la baisse de la dépréciation : Débit 4911        Crédit 781740.

Exemple : La dépréciation des titres.

c) L’évaluation des titres immobilisés à l’inventaire

L’évaluation se fait normalement par catégories de titres, par comparaison entre le montant d’achat et la valeur d’inventaire qui est constitué :

  • pour les titres cotés : du cours moyen de dernier mois (PCG 332-6) ;
  • pour les titres non cotés : de la valeur probable de négociation (PCG 332-6) ;
  • pour les titres de participation : de la valeur d’usage* ou valeur d’utilité* (PCG 332-6).

Aucune compensation n’est donc en principe pratiquée entre différents titres, sauf pour les titres cotés en cas de baisse anormale et momentanée où elle est possible (PCG 332-7).

La comparaison avec la valeur d’acquisition fait apparaître des plus ou moins-values latentes.

Les plus ou moins-values résultant de l’estimation sont toujours déterminées pour l’ensemble des titres de même nature, en fonction de la valeur globale des titres. Par application du principe de prudence :

  • plus-values latentes : non constatées comptablement ;
  • moins-values latentes : constatation de provision pour dépréciation.

Ainsi, à la clôture de l’exercice, lors de l’évaluation, le fait de constater la perte latente de la valeur des titres immobilisés engendre une opération d’inventaire, en l'occurrence celle de la dépréciation des titres immobilisés.

(*) La valeur d’usage d’un titre de participation est ce qu’un chef d’entreprise prudent et avisé accepterait de décaisser pour obtenir cette participation s’il avait à l’acquérir. Pour cette estimation, les éléments suivants peuvent être pris en considération, par exemple le cours en Bourse (cours moyen du dernier mois) pour les titres cotés, en l'occurrence les titres de participation. Autrement dit, (*)la valeur d’utilité  est une valeur de marché financier pour les titres de participation. Valeur actuelle : c’est la valeur probable de négociation.

Exemple 3 : Les dépréciations des titres immobilisés (éléments d’actifs).

Titre de participation (titres immobilisés)

La SA LARBIER, son exercice comptable : Du 01-01-N au 31-12-N, son capital est de 150 000 € (1 000 actions de nominal 150 €). Elle a une filiale dénommée « société DUMERCQ » et ayant pour objet la commercialisation de meubles de salon. Le 14 novembre 2023, la société LARBIER a vendu 50 actions DUMERCQ pour un prix total de 6 250 €. Au 31 décembre 2023, l’action DUMERCQ peut être évaluée comme suit : prix de vente probable, 125 € ; valeur d’utilité, 137,50 €.

Travail à faire : Analysez et calculez la provision pour dépréciation et passez les écritures au 31-12-2023.

La décomposition et le traitement des informations comptables des titres de participation :

  • Analyse comptable : La société DUMERCQ dispose de 1 000 actions. La valeur nominale est de 150 €.
    Les actions de la filiale DUMERCQ sont des titres de participation de la société mère SA LARBIER. Le 14 novembre 2023, la vente de 50 actions à 125 €, soit (50 × 125) = 6 250 €
        Valeur comptable des éléments d’actifs cédés (50 × 150)    7 500 €
        Produit des cessions d’éléments d’actifs    6 250 €
    Une moins-value constatée liée à la cession des 50 actions (7 500 − 6 250) = 1 250 € est une perte certaine et fera l’objet d’ajustement de dépréciation (en cas de baisse ou de la hausse de la valeur d’utilité du titre) si et seulement si une dépréciation plus ou moins importante a été constituée pour ce titre à la clôture de l’exercice (N−1), c’est-à-dire en 2022 (principe de la réversibilité).

À la clôture de l’exercice au 31-12-2023 : la cotation en Bourse des titres = 137,5 € est inférieure à la valeur nominale = 150 €.

Calculons les actions restantes : (1 000 − 50) = 950 actions ; et sa valeur d’acquisition = (950 × 150 €) = 142 500 €.

À la clôture au 31-12-23, leur valeur probable = (950 × 137,5€) = 130 625 €.

La moins-value latente : (130 625 − 142 500) = − 11 875 ou = (137,5 − 150) × 950 actions = (− 12,5 × 950) = − 11 875 € est la perte latente : la dépréciation des titres.

 

  • Comptabilisation de la dépréciation des titres au 31-12-2023

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Exemple : Les provisions.

d) Les provisions pour risques et charges

Les récentes modifications du plan comptable général (PCG) se sont traduites par un changement de dénomination : les provisions pour risques et charges au bilan se nomment désormais « provisions ». Elles se décomposent en provisions pour risques et provisions pour charges, et correspondent à une augmentation du passif exigible à plus ou moins long terme. Le Conseil national de la comptabilité et le Comité de la réglementation comptable précisent que la comptabilisation de ces provisions pour risques et charges sont effectuées lorsqu’à la clôture de l’exercice les deux conditions suivantes sont réunies :

  • il existe à la date de clôture une obligation à l’égard de tiers ;
  • il est probable ou certain qu’elle provoquera une sortie de ressources au bénéfice de tiers sans contrepartie équivalente attendue de ceux-ci après la date de clôture.

e) Le traitement comptable des provisions pour risques et charges

Exemple 4 : Provisions pour risques et charges.

Elles sont enregistrées pour couvrir les risques identifiés liés à l’activité de l’entité tels que ceux résultant des garanties données aux clients ou des opérations traitées en monnaies étrangères. Dans le compte 151 « provisions pour risques », on enregistre toutes les provisions destinées à couvrir les risques.

Comptabilisation des provisions pour risques et charges, lorsqu’elle concerne l’exploitation :

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II. Le principe de prudence lié à un avantage fiscal

Exemples : les provisions réglementées (voir exemple 5 : amortissement. Exceptionnel ; exemple 6 : provisions sur stocks).

C’est un dispositif permettant aux entreprises de réduire leur résultat fiscal qui est la base de calcul de leur impôt (optimisation fiscale) en baisse, car elles créent une provision qui n’est pas une charge (ou un risque) probable.

Il s’agit d’un avantage fiscal provisoire : au bout d’un certain temps, il faudra donc le réintégrer.

Le traitement comptable des provisions réglementées (amortissement exceptionnel, provision sur stock)

  • La comptabilisation des provisions réglementées

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Exemple 5 : amortissement exceptionnel sur un actif est pratiqué sur le plan fiscal (appelé amortissement fiscal), est en complément de l’amortissement économique pour ensuite aboutir à la détermination de l’amortissement dérogatoire = (amortissement fiscal – amortissement économique).

L’amortissement dérogatoire d'une part, contrairement à l’amortissement économique, ne correspond pas à l’objet normal pour la consommation économique procuré par le bien. En outre, l'amortissement dérogatoire est à comptabiliser en application de textes particuliers (selon PCG 322.2), car il correspond à l’excédent d’amortissement calculé par l’application des règles fiscales par rapport aux amortissements techniques (économiquement justifiés). Il résulte :

  • soit de l’utilisation de l’amortissement dégressif sur le plan fiscal, alors que l’amortissement comptable correspond à l’amortissement variable ou linéaire ;
  • soit de la pratique d’un amortissement exceptionnel sur certains types de biens dont l’administration fiscale souhaite encourager l’utilisation (tels que les logiciels, les matériels destinés à économiser l’énergie, l’investissement en faveur de l’environnement…).
  1. Hypothèse 1 : La société LANDA fabrique des pièces et vend de petits outillages. Elle achète le 1er avril N un matériel destiné à réduire le niveau acoustique, ce matériel est mis en service à la date d’acquisition. La durée de vie du matériel est de 5 ans et l'amortissement économique pratiqué est en mode dégressif.

    Le coût de l’acquisition est de 18 000 HT et les frais d’installation et de montage sont de 4 500 HT.

    Ce matériel a obtenu l’agrément et bénéficie donc de l’amortissement exceptionnel sur 12 mois.

    Travail à faire : Enregistrez les écritures d’amortissements nécessaires au 31/12/N.

    • Le traitement comptable au 31/12/N

    Calculons la valeur d’acquisition de ce matériel : (18 000 + 4 500) = 22 500 €.

    Au 31-12-N : L’amortissement fiscal (autorisé) = amortissement exceptionnel sur 12 mois, donc le taux d’amortissement exceptionnel = 100 % et l’amortissement exceptionnel (du 1er avril au 31-12-N : 270 jours) avec année commerciale 360 jours = (22 500 × 100 % × 270/360 jours) = 16 875 €.

    Calcul de l’amortissement économique dégressif, donc son taux = (100 / durée de vie) × coefficient = (100 / 5) × 1,75 = 35 % et l’amortissement économique = (22 500 × 35 %) × 9/12 = 5 906,25 €.

    Ainsi, l’amortissement dérogatoire = (16 875 −5 906,25) = 10 968,75 €.

    • Comptabilisation de divers amortissements au 31-12-N

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  2. Hypothèse 2 : provision pour dépréciation sur les stocks

    L’entreprise informatique DURANT a pour activité commerciale la vente de matériels et de fournitures informatiques (processeurs, micro-ordinateurs, encre et papier imprimante…).

    La clôture de son exercice comptable est au 30-04N. À partir de l’extrait de balance comptable avant inventaire ci-dessous et de l’état d’inventaire physique réalisé au 30-04, présentez les écritures d’inventaire, sachant que certains cartons de papiers d’imprimante semblent avoir pris l’humidité et que l’on prévoit une pertede 20 % du stock de papier. Par ailleurs, la provision pour dépréciation des matériels informatiques est évaluée à 1 803,85 € au 30-04-N.  

    Extrait de balance comptable au 30-04-N avant inventaire :

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    État d’inventaire physique au 30/04/N :

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    • Analyse comptable des stocks au 30-04-N

      L’évaluation de la perte probable de 20 % du stock de papier : Dans l’extrait « état d’inventaire physique au 30-04-N », la valeur d’inventaire des papiers imprimante : 1 385,75 HT dans le compte « achats ». Calculons le montant des 20 % de la perte probable sur la valeur des papiers imprimante : (1 385,75 × 20 %)= 277,15 €. C’est la dépréciation du stock des papiers imprimante après inventaire. La provision pour dépréciation du stock des matériels informatiques : 1 803,85 €.

      Tableau des provisions des stocks au 31-04-N :

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      (*) Reprise provision matériel informatique : (1 803,85 – 2 205,15) = − 401,30 €, car après l’inventaire : baisse de provisions. Dotation provision fourniture papiers imprimante : (110,50 – 277,15) =166,65 €, car après inventaire : hausse de provisions.
    • Les écritures comptables à la clôture de l’exercice au 31-04-N

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