📚 Objectif
Entre 1815 et 1870, la France change plusieurs fois de régime politique. À chaque transition, le droit de vote devient un enjeu majeur : qui peut voter, comment et dans quelles conditions ? Cette période montre que la conquête du suffrage est un processus lent, fragile et souvent contesté, qui prépare les bases de la démocratie moderne.
Comprendre les régimes successifs et les limites du droit de vote (1815-1848)
Après la chute de Napoléon, la Restauration rétablit une monarchie sous Louis XVIII puis Charles X. Le droit de vote reste réservé à une minorité très réduite : seuls les hommes capables de payer un impôt élevé, le cens, c’est-à-dire un impôt minimum exigé pour devenir électeur, peuvent voter. On parle alors de suffrage censitaire, un système où l’accès au vote dépend de la richesse. En 1817, on ne compte qu’environ 90 000 électeurs sur plus de 30 millions d’habitants.
En 1830, la Monarchie de Juillet élargit légèrement ce droit de vote. Le cens est abaissé et l’âge requis pour être électeur est réduit, ce qui augmente le corps électoral, c’est-à-dire l’ensemble des personnes ayant légalement le droit de voter. Malgré cela, en 1847, seuls 240 000 électeurs votent : moins de 1 % de la population. Le débat sur la représentation politique s’intensifie : faut-il ouvrir le vote à davantage de citoyens ou maintenir un suffrage réservé aux propriétaires ?
🤔 Question pour toi : Pourquoi le suffrage censitaire exclut-il presque tous les Français avant 1848 ?
✅ Réponse : Parce qu’il impose un impôt élevé, le cens, que la plupart des hommes ne peuvent pas payer.
À retenir
Avant 1848, le vote est un privilège social réservé aux hommes les plus riches. Le corps électoral s’élargit très lentement.
1848 : un suffrage universel… masculin
La révolution de février 1848 fonde la Deuxième République, qui instaure le suffrage universel masculin. Tous les hommes français de plus de 21 ans peuvent voter, sans condition de fortune. Le nombre d’électeurs passe à plus de 9 millions.
Cependant, ce suffrage n’est pas totalement « universel ». Les femmes sont exclues, car on considère qu’elles appartiennent encore à la sphère domestique. Les domestiques logés chez leur employeur ne peuvent pas voter, jugés trop dépendants pour exercer un choix libre. D’autres limitations existent : les condamnés et les personnes privées de droits civiques ne peuvent pas voter. Pour les militaires, il n’y a pas d’exclusion de principe : ils disposent du droit de vote, mais certains ne peuvent pas voter matériellement lorsqu’ils sont en déplacement le jour du scrutin.
En 1850, la loi du 31 mai impose une condition de résidence de trois ans dans la même commune, excluant environ trois millions d’électeurs, surtout des ouvriers et travailleurs saisonniers. Ce choix n’est pas neutre : l’Assemblée conservatrice entend limiter le vote des classes populaires jugées trop favorables aux républicains.
🤔 Question pour toi : Pourquoi le suffrage universel masculin de 1848 constitue-t-il une rupture mais reste-t-il imparfait ?
✅ Réponse : Parce qu’il permet à tous les hommes de plus de 21 ans de voter, mais exclut les femmes, les domestiques, les condamnés et certains électeurs empêchés matériellement comme des militaires en déplacement.
À retenir
En 1848, le suffrage universel masculin transforme la vie politique, mais il reste limité et peut être restreint pour des raisons politiques, comme en 1850.
Le Second Empire : un suffrage universel mais un vote contrôlé (1852-1870)
En 1852, Louis-Napoléon Bonaparte fonde le Second Empire. Le suffrage universel masculin est maintenu, mais le régime reste autoritaire et plébiscitaire : l’Empereur concentre l’essentiel des pouvoirs. Les plébiscites, votés massivement oui ou non, servent surtout à légitimer sa politique, et non à exprimer un choix réellement libre ou pluraliste.
Les assemblées n’ont que des pouvoirs limités : elles ne peuvent ni renverser le gouvernement ni contrôler vraiment l’Empereur. Le suffrage universel ne débouche donc pas sur un régime représentatif équilibré.
Le contrôle électoral est omniprésent.
Les préfets soutiennent les candidats officiels, c’est-à-dire les candidats choisis ou approuvés par le pouvoir. Ils publient des circulaires, exercent des pressions locales ou orientent les maires pour favoriser ces candidats.
La presse est strictement encadrée. Les journaux d’opposition sont surveillés ou interdits. La libéralisation est progressive : les décrets de 1860 n’assouplissent pas la presse mais permettent au Corps législatif de publier ses débats, ce qui rend la vie politique plus visible. La véritable ouverture provient des lois de 1868, qui assouplissent à la fois la presse (loi du 11 mai 1868) et les réunions publiques (loi du 6 juin 1868).
La pratique du vote n’est pas libre. L’électeur remet souvent un bulletin ouvert, c’est-à-dire un bulletin non plié, permettant aux autorités locales de voir pour qui il vote. Le secret du vote n’est donc pas garanti.
À partir de 1860 puis surtout après 1868, les débats deviennent plus vifs, des journaux d’opposition apparaissent, des réunions publiques émergent : les Français commencent à expérimenter des pratiques électorales plus modernes.
🤔 Question pour toi : Pourquoi le suffrage universel n’est-il pas synonyme de liberté politique sous le Second Empire ?
✅ Réponse : Parce que l’Empereur concentre les pouvoirs, le vote est contrôlé, les candidats officiels dominent les élections, la presse est encadrée et le bulletin ouvert empêche le secret.
À retenir
Le Second Empire conserve le suffrage universel mais limite la liberté politique. À partir de 1868, lois et débats publics ouvrent progressivement l’espace électoral.
💪 Entraînons-nous !
🗺️ Pourquoi le vote est-il très limité avant 1848 ?
✅ Réponse : Parce qu’il dépend du cens, un impôt élevé réservé aux plus riches.
🕰️ Quelles limites subsistent dans le suffrage universel masculin instauré en 1848 ?
✅ Réponse : Les femmes, les domestiques, les condamnés et certaines personnes privées de droits civiques sont exclues ; certains militaires ne peuvent pas voter s’ils sont en déplacement.
⚖️ Pourquoi la loi du 31 mai 1850 réduit-elle le nombre d’électeurs ?
✅ Réponse : Parce qu’elle exige trois ans de résidence dans la même commune, ce qui exclut surtout les ouvriers et les travailleurs mobiles, pour affaiblir le vote républicain.
🌍 Comment le Second Empire contrôle-t-il les élections ?
✅ Réponse : Grâce aux candidats officiels soutenus par les préfets, à la surveillance de la presse, aux limitations des opposants et au bulletin ouvert qui supprime le secret du vote.
Conclusion
De 1815 à 1870, les Français apprennent progressivement à voter. La conquête du droit de vote est marquée par des avancées majeures, comme le suffrage universel masculin en 1848, mais aussi par des reculs et des contrôles. La démocratisation véritable se construit plus lentement : par exemple, le secret du vote ne devient obligatoire qu’en 1913, étape essentielle pour garantir la liberté électorale. Cette période prépare donc les bases de la démocratie représentative qui se consolidera sous la Troisième République.
