📚 Objectif
De 1969 à 1995, la Ve République entre dans une nouvelle phase : elle prouve sa solidité institutionnelle en résistant aux changements de majorité politique. Après la période fondatrice du général de Gaulle, les présidents Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand gouvernent tour à tour, marquant l’évolution de la France moderne. Comment la Ve République parvient-elle à rester stable malgré l’alternance et les cohabitations ?
La continuité gaulliste sous Georges Pompidou (1969-1974)
À la suite de la démission de De Gaulle, Georges Pompidou (né en 1911 à Montboudif, ancien Premier ministre du général, élu président en 1969) poursuit l’œuvre de modernisation engagée depuis 1958. Il cherche à concilier stabilité politique, développement économique et ouverture de la société. Sous sa présidence, la Ve République conserve son équilibre institutionnel : le président reste le centre du pouvoir exécutif, tandis que le gouvernement applique ses orientations.
Pompidou favorise la croissance économique et l’industrialisation avec la création de grands pôles technologiques, le développement du nucléaire civil et la construction d’infrastructures modernes comme les autoroutes ou le RER. Il lance également une politique de modernisation urbaine et culturelle, symbolisée par le Centre Beaubourg, futur Centre Pompidou, destiné à rendre la culture accessible à tous. Le premier choc pétrolier de 1973, provoqué par la hausse brutale du prix du pétrole, marque toutefois la fin de la période de forte croissance des Trente Glorieuses. Ses effets immédiats sont limités sous Pompidou, mais ils annoncent le ralentissement économique qui marquera la décennie suivante.
🤔 Question pour toi : Quel héritage politique Pompidou conserve-t-il du général de Gaulle ?
✅ Réponse : Il maintient la stabilité institutionnelle de la Ve République et poursuit la politique de modernisation et d’indépendance nationale.
À retenir
Georges Pompidou assure la continuité du gaullisme tout en préparant la France à affronter les défis économiques des années 1970.
Valéry Giscard d’Estaing : ouverture et réformes libérales (1974-1981)
Élu en 1974 après la mort de Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing (né en 1926 à Coblence, haut fonctionnaire et centriste) souhaite moderniser la société française et assouplir le pouvoir présidentiel sans remettre en cause la Constitution. Il incarne une droite libérale et européenne, plus jeune et tournée vers la modernité.
Dès son arrivée au pouvoir, Giscard d’Estaing entreprend d’importantes réformes sociales. La majorité civile et électorale est abaissée à 18 ans en 1974, marquant une reconnaissance de la place de la jeunesse dans la vie démocratique. L’année suivante, la loi Veil de 1975, portée par la ministre de la Santé Simone Veil, légalise l’interruption volontaire de grossesse (IVG), une avancée majeure pour les droits des femmes. Il encourage aussi la libéralisation de la presse et de la télévision, ouvrant la voie à une société plus libre et pluraliste.
Sur le plan économique, le président doit faire face aux conséquences du choc pétrolier de 1973 : le prix du pétrole quadruple, entraînant une hausse du chômage, une inflation importante et un ralentissement de la croissance. Pour rétablir la stabilité, il applique une politique de rigueur, c’est-à-dire une politique visant à réduire les dépenses publiques et à contrôler les salaires. Giscard d’Estaing participe activement à la construction européenne, définie comme le processus d’intégration politique et économique des pays d’Europe. Avec le chancelier allemand Helmut Schmidt, il fonde le Conseil européen en 1974 et lance le Système monétaire européen, qui préfigure la future monnaie unique. Enfin, il soutient le lancement du TGV (Train à grande vitesse), dont le premier train sera inauguré en 1981.
Son mandat montre que la Ve République est suffisamment souple pour évoluer sans crise : le président conserve une autorité forte tout en adaptant le pays à un monde en transformation. En 1981, il est battu par François Mitterrand, candidat de la gauche unie.
🤔 Question pour toi : Quelles grandes réformes sociales marquent la présidence de Valéry Giscard d’Estaing ?
✅ Réponse : L’abaissement de la majorité à 18 ans, la légalisation de l’IVG et l’ouverture de la société française aux libertés modernes.
À retenir
Valéry Giscard d’Estaing modernise la société française, soutient la construction européenne et démontre que la Ve République peut s’adapter sans fragiliser ses institutions.
François Mitterrand : alternance et cohabitations (1981-1995)
L’élection de François Mitterrand (né en 1916 à Jarnac, homme politique socialiste) en 1981 marque la première alternance de la Ve République. L’alternance désigne le passage du pouvoir d’un camp politique à un autre à la suite d’élections, sans changement de régime. Pour la première fois, la gauche accède à la présidence, prouvant la solidité démocratique du système.
Au début de son premier mandat, Mitterrand engage un vaste programme de réformes sociales et économiques. Les grandes entreprises et les banques stratégiques sont nationalisées, le SMIC (Salaire minimum interprofessionnel de croissance) est relevé pour soutenir le pouvoir d’achat et la durée légale du travail est abaissée à 39 heures hebdomadaires en 1982 (les 35 heures n’étant instaurées que plus tard, sous le gouvernement Jospin en 1998-2000). L’année 1981 est également marquée par l’abolition de la peine de mort, symbole du progrès humaniste voulu par le président. En 1982, il crée l’Impôt sur les Grandes Fortunes (IGF), supprimé par la droite en 1986, avant d’être rétabli sous le nom d’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) en 1989. Ces mesures traduisent la volonté de réduire les inégalités sociales et fiscales.
Mais la crise économique mondiale et la montée du chômage contraignent rapidement le gouvernement à changer de cap. En 1983, Mitterrand adopte le tournant de la rigueur, c’est-à-dire une politique visant à maîtriser les dépenses publiques et à freiner l’inflation, afin de stabiliser la monnaie et de renforcer la position de la France dans la construction européenne. Cette orientation aboutit à une relance de la coopération européenne avec l’Acte unique européen (1986) et plus tard le traité de Maastricht (1992), qui prépare la création de l’euro et approfondit l’intégration politique du continent.
En 1986, la gauche perd les élections législatives : débute alors la première cohabitation de la Ve République. La cohabitation est une situation où le président et la majorité parlementaire appartiennent à des camps politiques opposés. Mitterrand reste président, mais nomme Jacques Chirac (RPR, droite) comme Premier ministre. De 1986 à 1988, le partage du pouvoir entre les deux camps se déroule sans crise : le président conserve la politique étrangère et la défense, tandis que le Premier ministre conduit la politique intérieure. Réélu en 1988, Mitterrand reste à l’Élysée jusqu’en 1995. Il connaît une seconde cohabitation entre 1993 et 1995, cette fois avec Édouard Balladur (RPR). Là encore, les institutions démontrent leur capacité à garantir la stabilité du pays malgré des majorités divergentes.
🤔 Question pour toi : Pourquoi l’élection de François Mitterrand en 1981 est-elle un tournant politique ?
✅ Réponse : Parce qu’elle marque la première alternance de la Ve République, preuve de la solidité des institutions face au changement politique.
À retenir
Sous Mitterrand, la Ve République montre sa robustesse : elle supporte l’alternance et deux cohabitations (1986-1988, 1993-1995) sans crise, prouvant l’efficacité d’un régime capable d’assurer la continuité de l’État.
💪 Entraînons-nous !
🏛️ Que prouve l’alternance de 1981 ?
✅ Réponse : Que la Ve République fonctionne avec des majorités politiques différentes sans remise en cause de ses institutions.
🕊️ Qu’est-ce qu’une cohabitation ?
✅ Réponse : Une période où le président et le Premier ministre appartiennent à des camps politiques opposés, ce qui oblige à partager le pouvoir.
💶 Quelle mesure fiscale illustre les allers-retours politiques entre droite et gauche ?
✅ Réponse : L’Impôt sur les Grandes Fortunes (IGF) instauré en 1982, supprimé en 1986 et remplacé par l’ISF en 1989.
📉 Que signifie la rigueur économique adoptée en 1983 ?
✅ Réponse : Une politique de maîtrise des dépenses publiques et de lutte contre l’inflation pour stabiliser la monnaie.
⚖️ Quelle est la place de la France dans la construction européenne sous Mitterrand ?
✅ Réponse : Elle devient un moteur de l’unité européenne, avec l’Acte unique (1986) et le traité de Maastricht (1992).
Conclusion
Entre 1969 et 1995, la Ve République prouve sa stabilité et son adaptabilité. De Pompidou à Mitterrand, la France connaît plusieurs changements politiques majeurs — alternance, cohabitations, rigueur économique — sans rupture institutionnelle. Les présidences successives démontrent la force d’un régime capable d’accueillir des politiques opposées tout en assurant la continuité de l’État. La Ve République devient ainsi le symbole d’une démocratie solide, où l’autorité du président s’exerce dans le respect du pluralisme et du suffrage universel.
