Introduction
Pourquoi certaines entreprises peuvent-elles fixer leurs prix alors que d’autres doivent se plier à la concurrence ? Dans un marché concurrentiel, les producteurs sont preneurs de prix : ils s’alignent sur celui déterminé par l’offre et la demande. Mais dans le cas du monopole, une seule entreprise domine le marché et devient faiseuse de prix. Elle choisit le prix et la quantité qui maximisent son profit, ce qui entraîne souvent un équilibre inefficace.
Dans cette leçon, nous allons d’abord définir le monopole et en présenter les principales formes (naturel, institutionnel, innovation). Ensuite, nous montrerons, à l’aide d’un exemple chiffré, pourquoi l’équilibre du monopole est moins efficace que celui de la concurrence parfaite. Enfin, nous verrons comment la politique de la concurrence et la régulation publique interviennent pour limiter les effets négatifs de ces situations.
Le monopole, une entreprise faiseuse de prix
Un monopole existe lorsqu’une seule entreprise fournit la totalité d’un marché. Elle n’a pas de concurrent direct et fixe elle-même son prix en fonction de la demande. On dit qu’elle est faiseuse de prix.
Contrairement à la concurrence parfaite, où le prix d’équilibre maximise les gains à l’échange, le monopole réduit la quantité produite pour maintenir un prix élevé. Cette stratégie accroît son profit mais réduit le bien-être collectif.
Les formes de monopole
On distingue plusieurs formes de monopoles :
Le monopole naturel apparaît lorsque les coûts fixes sont très élevés et que les rendements d’échelle sont croissants. Il est productivement efficace qu’une seule entreprise couvre tout le marché, car les coûts moyens diminuent avec la production, comme pour la distribution d’eau ou les réseaux ferroviaires. Mais il peut rester allocativement inefficace si l’entreprise fixe des prix trop élevés. En France, les tarifs d’EDF ont ainsi été longtemps encadrés pour garantir l’accès de tous à l’électricité. Autre exemple : les concessions publiques de l’eau, confiées à un seul opérateur sous contrôle municipal.
Le monopole institutionnel résulte d’une décision de l’État ou de la loi. La Française des Jeux, avant 2019, détenait un monopole légal sur les jeux d’argent. Depuis l’ouverture à la concurrence, elle reste dominante mais n’est plus en monopole strict.
Le monopole d’innovation découle d’un brevet qui protège temporairement une invention. Un laboratoire pharmaceutique ayant mis au point un nouveau médicament détient un monopole temporaire et peut fixer ses prix librement jusqu’à l’expiration du brevet.
Il faut distinguer ces situations de l’entente en oligopole. Dans ce cas, plusieurs entreprises coopèrent pour limiter la concurrence et se comporter comme un monopole collectif. Cela ne crée pas un monopole au sens strict, mais en reproduit les effets : prix élevés et quantités réduites. Certaines ententes sont illégales, comme le cartel des camions sanctionné par la Commission européenne en 2016 (plus de 3 milliards d’euros d’amendes). D’autres, comme l’OPEP, relèvent d’un accord intergouvernemental entre pays producteurs de pétrole : il ne s’agit pas d’un cartel illégal au sens du droit européen, mais ses décisions influencent fortement les prix mondiaux.
Enfin, il existe l’abus de position dominante, lorsqu’une entreprise très puissante profite de son poids pour évincer ses concurrents ou imposer ses conditions. C’est différent d’une entente, car il s’agit d’un comportement unilatéral.
À retenir
Le monopole peut être naturel, institutionnel ou d’innovation. Certaines ententes d’oligopole, comme l’OPEP, reproduisent ses effets sans être des monopoles stricto sensu. L’abus de position dominante est un autre cas de pouvoir de marché.
Un équilibre inefficace : illustration chiffrée
En concurrence parfaite, imaginons qu’un marché de tablettes s’équilibre à 300 € pour 1 000 unités échangées. Le surplus des consommateurs et celui des producteurs sont maximisés : tous les gains à l’échange sont réalisés.
En monopole, l’entreprise choisit de réduire la production à 600 tablettes pour vendre à 400 €. Elle accroît ainsi son profit, mais de nombreux consommateurs renoncent à l’achat. Le prix est plus élevé, la quantité plus faible et une partie des gains à l’échange disparaît.
Cette disparition est une perte sèche : ce sont des échanges qui auraient pu être profitables à la fois aux consommateurs et aux producteurs mais qui n’ont pas lieu. Contrairement à la concurrence parfaite, l’équilibre du monopole est donc inefficace du point de vue allocatif.
À retenir
Le monopole fixe un prix plus élevé et réduit la quantité échangée. La perte sèche correspond à la disparition d’une partie des gains à l’échange.
Le rôle de la politique de la concurrence et de la régulation publique
La politique de la concurrence vise à limiter les abus liés au pouvoir de marché. Elle poursuit deux objectifs : garantir l’efficacité économique (favoriser l’innovation et le dynamisme des marchés) et protéger le bien-être des consommateurs (prix justes, diversité de l’offre).
Elle agit de plusieurs manières : sanction des ententes illégales (cartel des camions en 2016), lutte contre les abus de position dominante (condamnation de Google par la Commission européenne), contrôle des fusions-acquisitions pour éviter la création de géants trop puissants.
Dans le cas particulier des monopoles naturels, l’État peut réguler directement. En France, les tarifs réglementés d’EDF assurent un accès universel à l’électricité, et les municipalités gèrent les concessions d’eau pour éviter des abus tarifaires. Ces régulations visent à concilier efficacité productive (grâce aux économies d’échelle) et accessibilité pour les consommateurs.
À retenir
La politique de la concurrence limite les abus de pouvoir de marché et encadre les monopoles naturels par la régulation directe, pour protéger à la fois l’efficacité économique et les consommateurs.
Conclusion
Le monopole est une situation où une entreprise est faiseuse de prix. Qu’il soit naturel, institutionnel ou lié à l’innovation, il entraîne un équilibre inefficace : prix trop élevé, quantité réduite, perte sèche. Les ententes en oligopole et les abus de position dominante produisent des effets similaires, même sans monopole strict.
C’est pourquoi la politique de la concurrence et la régulation publique jouent un rôle essentiel : préserver la concurrence quand c’est possible et encadrer directement certains secteurs stratégiques comme l’énergie ou l’eau, afin d’assurer une allocation plus efficace et plus équitable des ressources.
