L’oligopole et le dilemme du prisonnier

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Dans cette leçon, tu comprends le fonctionnement de l’oligopole, où quelques firmes dominent et hésitent entre s’affronter ou coopérer. Tu verras pourquoi les ententes, explicites ou tacites, réduisent le surplus du consommateur et comment la politique de la concurrence agit pour sanctionner ces pratiques et protéger l’efficacité des marchés. Mots-clés : oligopole, entente, cartel, dilemme du prisonnier, politique de la concurrence, surplus du consommateur.

Introduction

En 2019, une guerre des prix a éclaté dans le secteur de la téléphonie mobile en France : Free, SFR, Bouygues et Orange ont baissé leurs tarifs pour attirer des clients, et tous ont vu leurs marges diminuer. Cet épisode illustre bien les tensions propres à l’oligopole, une structure de marché où quelques grandes entreprises dominent et s’observent en permanence. Dans ce type de marché, les firmes disposent d’un pouvoir de marché, c’est-à-dire la capacité d’influencer le prix ou la quantité échangée, contrairement à la concurrence parfaite où chaque producteur est preneur de prix.

Elles hésitent alors entre baisser leurs prix pour gagner des parts de marché ou maintenir des prix élevés, parfois par des comportements de coopération. Mais il faut distinguer : les ententes explicites (cartels) sont illégales et sanctionnées, tandis que des comportements de coordination tacite peuvent exister sans accord formel.

L’oligopole et la tentation d’entente

Un oligopole est un marché où un petit nombre d’entreprises concentre l’essentiel de la production. Chacune dispose d’un pouvoir de marché important et doit anticiper les réactions de ses concurrentes avant de fixer ses prix ou d’investir. Cette interdépendance stratégique incite les firmes à chercher des moyens de limiter la concurrence.

Dans certains cas, elles concluent des ententes explicites, comme le cartel des camions, sanctionné par la Commission européenne en 2016 à plus de 3 milliards d’euros d’amendes pour avoir coordonné leurs prix pendant plus de dix ans. Mais il existe aussi des ententes tacites : sans accord officiel, les entreprises préfèrent suivre le comportement de la firme dominante et maintenir des prix élevés, plutôt que de se lancer dans une guerre des prix.

Dans les deux cas, le résultat est clair : les prix sont artificiellement plus hauts, la quantité vendue est plus faible, et le surplus du consommateur — la différence entre ce qu’un consommateur était prêt à payer et ce qu’il paie réellement — diminue.

Un petit calcul permet d’illustrer ce phénomène. En concurrence, un bien peut s’échanger à 10 € pour 1 000 unités. Si les entreprises d’un oligopole s’entendent pour fixer un prix de 15 €, la quantité chute à 700. Les consommateurs qui achètent encore paient plus cher, d’autres renoncent à consommer, et une partie des gains à l’échange disparaît : c’est la perte sèche, une perte de richesse qui ne profite à aucun acteur.

À retenir

L’oligopole est une structure où peu de firmes disposent d’un pouvoir de marché. Les ententes, explicites ou tacites, maintiennent des prix élevés mais réduisent le surplus du consommateur et provoquent une perte sèche.

Le dilemme du prisonnier : coopérer ou trahir ?

Pour comprendre pourquoi ces ententes restent instables malgré les gains apparents, on utilise le dilemme du prisonnier, issu de la théorie des jeux. Imaginons deux entreprises en situation d’oligopole. Elles peuvent coopérer en maintenant des prix élevés, ou trahir en baissant leurs prix pour attirer davantage de clients.

Si les deux coopèrent, elles réalisent des profits confortables. Si l’une trahit et l’autre coopère, la trahison rapporte beaucoup à court terme à celle qui baisse ses prix, tandis que l’autre perd lourdement. Si les deux trahissent, une guerre des prix éclate et leurs profits chutent. Dans un jeu joué une seule fois, la logique pousse donc à la trahison.

Mais dans la réalité, les oligopoles sont des jeux répétés. Les firmes se retrouvent régulièrement face à face, et la peur des représailles futures (comme le déclenchement d’une guerre des prix) peut inciter à maintenir une coopération tacite. Cette répétition rend donc certaines ententes plus durables, même sans accord explicite.

À retenir

Le dilemme du prisonnier montre que la coopération en oligopole est fragile : la tentation de trahir est forte, mais la répétition des interactions peut stabiliser des ententes tacites.La politique de la concurrence : protéger les consommateurs

La politique de la concurrence : protéger les consommateurs

Pour limiter les effets négatifs de ces comportements, l’État et surtout l’Union européenne mènent une politique de la concurrence. Elle poursuit deux objectifs : assurer l’efficacité économique en maintenant une concurrence qui stimule l’innovation, et protéger le bien-être des consommateurs en empêchant des prix excessifs.

Cette politique sanctionne les ententes illégales, comme le cartel des camions, lutte contre les abus de position dominante (par exemple Google condamné en 2017) et contrôle les fusions-acquisitions pour éviter la création de groupes trop puissants. En rapprochant les marchés d’une situation concurrentielle, elle contribue à augmenter le surplus du consommateur et à réduire les pertes sèches.

À retenir

La politique de la concurrence encadre les oligopoles, sanctionne les cartels et les abus, et protège le surplus du consommateur en rapprochant les marchés de l’équilibre concurrentiel.

Conclusion

L’oligopole est une structure de marché où un petit nombre d’entreprises détient un pouvoir de marché important. Les ententes, qu’elles soient explicites ou tacites, leur permettent de reproduire les effets d’un monopole : prix plus élevés, surplus du consommateur réduit, perte de gains à l’échange.

Le dilemme du prisonnier explique pourquoi ces coopérations sont instables, mais la répétition des interactions peut les rendre plus durables. Pour limiter ces effets et protéger les consommateurs, la politique de la concurrence est indispensable : elle sanctionne les pratiques anticoncurrentielles et veille à maintenir des marchés plus efficaces et plus justes.