L'homme et l'animal : la question de l’âme

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Légende de la leçon

Vert : définitions

Introduction

Le mot « âme » vient du latin anima qui signifie « vent, souffle, air », lui-même issu du grec anemos qui veut dire « vent ». L’âme désigne donc un principe de vie qui « souffle » et anime les êtres. Quel est donc ce souffle ? Est-ce le même souffle qui anime les hommes, les animaux et les plantes ? Nous verrons que ces questionnements se sont exprimés depuis l’Antiquité.

Objectif : Cette leçon montre que la notion d’âme est au cœur des débats portant sur la définition de l’homme et de l’animal. La leçon donne des exemples philosophiques de ces débats, puis déplace la question de l’âme vers celle de la souffrance animale et des droits des animaux.

I. L’âme animale

1) Zôon : l’âme est commune aux êtres vivants

Le mot grec zôon signifie l’ensemble du vivant. Le zôon désigne l’ensemble hiérarchisé des êtres animés, c’est-à-dire pourvu d’une âme et d’un corps dans lequel elle s’incarne.

Le philosophe grec Platon (427 avant J.-C. - 348 av. J.-C.) ne fait pas de distinction entre l’homme et l’animal. Les hommes, les animaux, les plantes et même les dieux font partie du vivant, du zôon. Il y a une infinité de différences de degré dans le vivant.

Dans son œuvre du Timée, un dialogue qui interroge l’origine du monde, Platon classe les êtres vivants mais il ne distingue pas l’animal comme un être à part. Le dialogue se compose de trois parties : le mythe de l’Atlantide, la formation du monde et la formation de l’âme et du corps de l’homme.

De même que Platon, le philosophe grec Porphyre (234-305) soutient qu’il n’y a pas de séparation de nature entre l’homme et l’animal et que l’âme est commune aux êtres vivants. Il écrit vers 270 dans De l’abstinence que « c'est par gloutonnerie que les hommes refusent la raison aux animaux ». Il s’appuie sur l’observation des comportements animaux pour montrer qu’ils raisonnent et sentent, et que le végétarisme serait souhaitable pour l’homme.

2) L’animal est une machine sans âme

Selon le philosophe Descartes (1596-1650), l’homme et l’animal sont comparables à des machines. Mais contrairement à l'animal qui n’est qu’un corps, l'être humain possède une âme. Cette distinction entre corps et âme est ce que l’on a nommé par la suite le dualisme cartésien, un dualisme qui a exercé une grande influence sur la pensée en Occident. Ainsi, selon Descartes, l’animal est un simple corps. Il n’est doté ni de parole ni de raison, et il ne pense pas. Son comportement est similaire aux mécanismes des machines.

Cette théorie, que Descartes énonce d’abord dans son Discours de la méthode (1637), a eu un grand succès, bien qu’elle ait été réfutée dès sa publication. Ce sont les opposants de Descartes qui vont créer l’expression « animal-machine ».

À l’époque de Descartes, les automates sont très populaires. Ce sont des appareils mus par un mouvement intérieur et imitant des êtres vivants. L’observation de ces automates, tout comme celle de nombreuses dissections humaines et animales, influence sa pensée.

II. Les droits animaux

1) L’empathie de l’homme pour l’animal

Au XVIIIe siècle, l’animal de compagnie devient de plus en plus présent. C’est un animal qui n’apporte pas de profit matériel à son propriétaire. Des relations d’affections peuvent se développer. L’animal de compagnie contribue à faire reconnaître la sensibilité des animaux. Le 3 janvier 1889, sur une place à Turin, le philosophe allemand Friedrich Nietzsche est pris d’une soudaine crise d’empathie pour un cheval battu par son cocher : il se jette à son cou et s’effondre en sanglots. Après cet épisode, le philosophe deviendra fou et ne retrouvera plus la raison jusqu’à sa mort en 1900.

Cet événement connu dans l’histoire de la philosophie peut vous servir de point de départ pour une réflexion sur la nature du lien entre l’homme et l’animal.

Définition

Empathie. Capacité de s’identifier à autrui ou à un autre être vivant, et d’éprouver ce qu’il éprouve.

2) La question n’est pas « ont-ils une âme ? » mais « peuvent-ils souffrir ? »

Dans son ouvrage Introduction aux principes de morale et de législation (1789), le philosophe anglais Jérémy Bentham (1748-1832) pose les bases des droits des animaux. Il écrit à leur sujet : « La question n'est pas “peuvent-ils raisonner ?”, ni “peuvent-ils parler ?”, mais “peuvent-ils souffrir ?” »

Plus tôt, il dénonce la tyrannie humaine et rappelle que celle-ci s’est aussi exercée et s’exerce encore sur certains hommes, réduits en esclavage : « Autrefois, et j'ai peine à dire qu'en de nombreux endroits cela ne fait pas encore partie du passé, la majeure partie des espèces, rangées sous la dénomination d’esclaves, étaient traitées par la loi exactement sur le même pied que, aujourd’hui encore, en Angleterre par exemple, les races inférieures d’animaux. Le jour viendra peut-être où il sera possible au reste de la création animale d’acquérir ces droits qui n'auraient jamais pu lui être refusés sinon par la main de la tyrannie. »

Ainsi, la loi se doit de limiter la violence dont l’homme est capable. Pour Bentham, l’homme peut certes manger les animaux et se défendre contre eux, mais il devrait être interdit de les faire souffrir gratuitement, car ils sentent et souffrent.

Définition

Tyrannie. Pouvoir arbitraire et absolu d'un souverain, d'une personne ou d'un groupe de personnes détenant l'autorité suprême, caractérisée par un gouvernement d'oppression, d'injustice et de terreur.