L'homme et l'animal : bestiaire de grandes œuvres, de la Renaissance aux Lumières

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Vert : définitions

Introduction

La relation homme-animal peut être étudiée via les bestiaires littéraires. Un « bestiaire » est originellement un gladiateur qui combat les bêtes féroces à Rome. Au Moyen Âge, un bestiaire désigne un recueil de récits allégoriques et moraux sur les animaux, généralement écrit en vers. Par extension, un bestiaire peut désigner un ensemble d’œuvres d’art représentant des animaux. On peut parler par métonymie du « bestiaire » de tel auteur, qui met en scène des animaux dans ses œuvres.

Objectif : Cette leçon aborde la relation homme-animal telle qu’elle est traitée en littérature, en particulier au Moyen Âge et à la Renaissance. Mettre en scène des animaux est une manière détournée de s’adresser aux hommes.

Définition

Métonymie. Figure de style qui utilise un mot pour signifier une idée distincte mais qui lui est associée. Exemple : « Elle m’a invité à prendre un verre », où « un verre » est une métonymie pour le contenant de ce verre. On comprend que l’invitation ne concerne pas un simple verre vide !

I. La Belle et la Bête : une histoire maintes fois réécrite

1) Le conte La Belle et la Bête

La « Bête » est un être appartenant au règne animal autre que l’homme. Dans les récits, elle est parfois imaginaire, parfois dotée de traits physiques précis, qui l’apparente à un animal.

Le conte La Belle et la Bête, rendu célèbre par le film de Walt Disney en 1991, fut d’abord un long conte philosophique publié en 1740 par l’écrivaine Gabrielle de Villeneuve. Ce n’est qu’avec le film de Jean Cocteau en 1946 que la Bête prend la forme d’un animal couvert de poils, avec des crocs et des oreilles rappelant les ours et les félins. Avant, l’aspect physique de la Bête était peu décrit, afin de laisser le lecteur imaginer sa monstruosité.

Le thème de la jeune fille livrée au monstre (la pureté à la bestialité) est un motif récurrent de la littérature depuis la mythologie gréco-latine. Le conte philosophique La Belle et la Bête s’inspire d’un autre récit plus ancien.

2) La fable L’âne d’or d’Apulée

La fable est un récit allégorique, le plus souvent en vers, qui sert d'illustration à une vérité morale.

Composée au début du IIe siècle par Apulée (125-170), L’âne d’or raconte les aventures d’un jeune homme qui, trop curieux des mystères de la magie, se retrouve métamorphosé en âne.

La fable d’Apulée reprend notamment la fable mythologique de Psyché et Éros (Cupidon dans la mythologie latine), où Psyché est une belle princesse et le dieu Éros un amant surnaturel qui vient la trouver la nuit, tout en lui interdisant d’allumer une lumière, afin qu’elle ne puisse avoir aucune image de lui (bien sûr, elle bravera l’interdit).

Définition

Allégorie. Figure de style qui consiste à représenter une idée abstraite par une image ou un récit. Un animal peut, par exemple, représenter la sagesse.

II. Bêtes et monstres

1) Le bestiaire au Moyen Âge

Au Moyen Âge, le bestiaire est un recueil de fables dans lequel les personnages du récit sont des animaux réels ou imaginaires.

En Europe, les bestiaires servent à éduquer à la morale chrétienne. On prête aux animaux des caractères et des intentions humaines.

Vers 1180, la poétesse Marie de France (1154-1189) conçoit le premier recueil de fables en français ; les fables étant précédemment écrites en latin. Elle y dénonce les abus de pouvoir des puissants et met en scène la ruse des faibles en donnant la parole au chien, au renard, au loup, au rat, à la brebis… Elle s’inspire d’Ésope, écrivain grec auquel on prête les premières fables, et qui vécut environ sept siècles av. J.-C.

Ce n’est que bien plus tard que le célèbre Jean de La Fontaine (1621-1695) écrira ses propres fables mettant en scène les animaux.

2) Les monstres de la Renaissance

À la Renaissance, les monstres sont très présents dans les récits. Ils apparaissent dans un contexte de troubles politiques et religieux, entre autres les guerres d’Italie de 1494 à 1559.

Les récits sur les apparitions monstrueuses ont du succès dans toute l’Europe. Les monstres sont souvent mi-hommes, mi-animaux. L’écrivain français Pierre Boaistuau (1517-1566), dans ses Histoires prodigieuses et mémorables (1560) consacre ainsi une douzaine de chapitres aux animaux fantastiques, créatures marines, bêtes à deux corps, naissances multiples, et autres siamois monstres à tête d’animaux.

Une science de la malformation des êtres vivants se développe même alors : la tératologie, du grec teras qui veut dire monstre. Les monstres sont à la fois humains et animaux.

Le barbier-chirurgien Ambroise Paré (vers 1509-1590), dans son texte Des monstres et prodiges, décrit plusieurs figures monstrueuses en partie animales : « un monstre fort hideux ayant les mains et pieds de bœuf », « un monstre marin ayant la teste d’un Moyne armé et couvert d’écailles de poisson », « de la Prinse des crocodiles », « du Limaçon de la mer Sarmatique ».

Dès l’Antiquité, le terme teras, ou monstrum en latin, a un double sens : il peut relever de la science naturelle ou désigner un signe dans l’art de la divination. Les hommes doivent prêter attention au teras pour interpréter l’intention divine. Les monstres montrent littéralement quelque chose.

C’est pourquoi à la Renaissance, les monstres permettent d’interpréter les actions humaines. Ils sont révélateurs d’angoisses que traverse le continent au niveau politique et religieux. La forme animale que peut prendre l’homme est liée à sa conduite morale.