Introduction
Depuis les réformes économiques de la fin des années 1970, la Chine a vu s’accélérer un phénomène ancien mais devenu central : la littoralisation, c’est-à-dire la concentration des activités, des populations et des infrastructures sur les façades maritimes. Ce processus existait déjà au XIXe siècle, mais sous une forme contrainte : les traités inégaux imposés après les guerres de l’Opium avaient ouvert certains ports au commerce étranger sans transformer l’ensemble du pays. Après 1978, la littoralisation devient au contraire le fruit d’une politique nationale, inscrite dans les réformes économiques et tournée vers l’intégration aux flux commerciaux mondiaux. Aujourd’hui, une part essentielle de la richesse nationale se concentre sur quelques régions côtières, creusant un déséquilibre marqué avec l’intérieur du pays.
Les causes de la littoralisation
La principale cause est l’ouverture économique initiée par Deng Xiaoping en 1978. Elle s’est traduite par la création de zones économiques spéciales (ZES) dans des villes côtières comme Shenzhen ou Xiamen, qui offraient avantages fiscaux et réglementaires pour attirer les capitaux étrangers. Le commerce maritime est décisif : selon la CNUCED (2022), plus de 95 % du volume des échanges extérieurs de marchandises de la Chine transitent par la mer. Les littoraux, connectés aux grandes routes maritimes reliant l’Asie à l’Europe, à l’Afrique et à l’Amérique du Nord, disposent de ports modernes, d’infrastructures efficaces et d’un accès privilégié aux marchés asiatiques. Les investissements directs étrangers se sont donc massivement concentrés sur ces zones.
À retenir
La littoralisation récente repose sur une ouverture économique volontaire, l’intégration aux flux maritimes mondiaux et la concentration des investissements étrangers dans les provinces côtières.
Les pôles majeurs de la façade maritime chinoise
Trois ensembles dominent. Le delta du Yangzi, autour de Shanghai, concentre industries, services financiers et logistiques, ainsi que le premier port à conteneurs mondial. Le delta de la rivière des Perles rassemble Guangzhou, Shenzhen, Hong Kong et Macao : il s’agit de l’un des espaces industriels et urbains les plus dynamiques au monde, spécialisé dans l’électronique, la logistique et les services financiers. Enfin, la région Pékin-Tianjin, ou Jing-Jin-Ji, intégrant la province du Hebei, s’appuie sur le port de Tianjin pour combiner fonctions décisionnelles, industries lourdes, automobile, aéronautique et activités logistiques.
À retenir
Les deltas du Yangzi et de la rivière des Perles, ainsi que la région Jing-Jin-Ji, concentrent l’essentiel de l’industrie, de l’innovation et du commerce international.
Les contrastes croissants avec les régions intérieures
Cette concentration de richesses sur le littoral a creusé les écarts avec les provinces de l’intérieur. Le Gansu, le Guizhou ou le Yunnan restent dominés par l’agriculture et connaissent un développement plus lent, même si leurs capitales provinciales se modernisent et s’urbanisent rapidement. Les écarts de revenus sont marqués : en 2022, le PIB par habitant dépassait 26 000 USD à Shanghai contre environ 6 500 USD au Gansu. Les infrastructures de transport y sont moins développées et l’intégration aux chaînes de valeur mondiales reste limitée.
À retenir
L’écart de développement entre littoral et intérieur se mesure en plusieurs milliers de dollars de PIB par habitant, traduisant un déséquilibre territorial persistant.
Les stratégies d’aménagement pour rééquilibrer le développement
Pour réduire ces déséquilibres, les autorités ont lancé en 2000 la stratégie de développement de l’Ouest, qui vise à moderniser les infrastructures, diversifier l’économie et attirer les investissements dans l’intérieur. Des corridors économiques et des lignes de train à grande vitesse relient désormais les provinces enclavées aux grands ports. Depuis 2013, l’initiative des Nouvelles routes de la soie (Belt and Road) inclut des projets intérieurs pour renforcer les liaisons vers l’Asie centrale et l’Europe. Ces politiques améliorent l’intégration mais n’effacent pas la domination du littoral.
À retenir
Les politiques d’aménagement soutiennent l’intégration de l’intérieur du pays, mais la façade maritime reste le principal moteur économique de la Chine.
Conclusion
La littoralisation contemporaine a fait des côtes chinoises un véritable moteur économique mondial, concentrant ports, industries, métropoles et richesses. Elle diffère radicalement de celle du XIXᵉ siècle, limitée et imposée par les puissances étrangères, car elle est aujourd’hui le fruit d’une stratégie nationale volontaire. Le défi pour la Chine sera de conserver cette puissance tout en réduisant les fractures territoriales : intégrer davantage les provinces de l’intérieur et promouvoir un développement à la fois équilibré et durable.
