Introduction
En Chine, les campagnes connaissent depuis plusieurs décennies de profondes mutations. L’exode rural massif, amorcé à la fin des années 1970 avec les réformes économiques, a déplacé des centaines de millions de personnes vers les villes, laissant dans de nombreux villages une population vieillissante. Parallèlement, la modernisation agricole, l’industrialisation locale et l’essor d’activités non agricoles ont transformé les paysages et les modes de vie ruraux. Ces évolutions s’accompagnent de politiques publiques visant à réduire les écarts persistants entre villes et campagnes.
Effets de l’exode rural et du vieillissement de la population
L’exode rural en Chine est l’un des plus importants de l’histoire contemporaine : selon le Bureau national des statistiques chinois, plus de 280 millions de travailleurs migrants vivaient et travaillaient hors de leur lieu d’enregistrement (hukou) en 2022. Ce chiffre inclut aussi bien les migrants interprovinciaux que ceux qui se déplacent à l’intérieur de leur propre province, ainsi que les migrants saisonniers. Ce phénomène a vidé certains villages d’une grande partie de leurs jeunes actifs. Le vieillissement est accentué par la faible natalité et par le départ des jeunes générations vers les villes. Dans certaines provinces intérieures, plus d’un tiers de la population rurale a plus de 60 ans. Cette évolution pose des défis en matière de main-d’œuvre agricole, de soins aux personnes âgées et de maintien des services publics locaux.
À retenir
L’exode rural massif et le vieillissement de la population transforment profondément la démographie des campagnes chinoises et fragilisent leur tissu social.
Modernisation agricole et industrialisation des campagnes
Depuis les années 1980, la modernisation agricole s’appuie sur la fin des communes populaires et l’instauration du système de responsabilité familiale (1978-1984), qui confie aux familles la gestion des terres tout en conservant leur propriété collective. Cette libéralisation partielle a favorisé la mécanisation, l’usage d’intrants modernes et la spécialisation des cultures. Les grandes plaines céréalières du Nord produisent blé et maïs à grande échelle, tandis que certaines régions se sont orientées vers des cultures de rente comme le thé, les fruits ou les légumes destinés à l’exportation.
Parallèlement, l’industrialisation rurale s’est développée grâce aux entreprises villageoises et collectives (TVE) qui, dans les années 1980 et 1990, ont fabriqué des biens de consommation et des pièces industrielles pour les marchés nationaux et internationaux. Leur rôle a cependant décliné à partir des années 2000, nombre d’entre elles ayant été remplacées ou absorbées par des entreprises privées ou par des investissements venus de l’extérieur.
Aujourd’hui, certaines zones rurales accueillent des usines, des entrepôts logistiques et des parcs éoliens ou solaires, intégrant pleinement l’économie rurale aux circuits productifs nationaux.
À retenir
Les campagnes chinoises combinent agriculture modernisée et activités industrielles ou énergétiques, mais les formes d’organisation ont évolué, avec un recul des entreprises villageoises au profit d’acteurs privés.
Transformations des paysages et des modes de vie
La modernisation et l’industrialisation ont profondément modifié les paysages ruraux. Les maisons traditionnelles en briques ou en terre sont souvent remplacées par des constructions en béton, parfois regroupées dans de nouveaux villages planifiés dans le cadre de politiques de regroupement ou fusion des hameaux, visant à concentrer la population dans des zones mieux desservies, parfois à la suite de déplacements volontaires ou imposés.
Les infrastructures routières et ferroviaires relient davantage les campagnes aux villes, favorisant les échanges de biens et de main-d’œuvre.
Les modes de vie évoluent également : les revenus ruraux dépendent de plus en plus d’activités non agricoles, et l’accès à internet et aux services numériques transforme la consommation, l’éducation et les loisirs, tout en renforçant l’intégration aux réseaux urbains.
À retenir
Les campagnes se transforment physiquement et socialement, avec des paysages modernisés, des regroupements villageois et des modes de vie de plus en plus connectés aux villes.
Politiques de développement rural et réduction des écarts
Face aux inégalités territoriales, les autorités chinoises ont mis en place plusieurs stratégies. La stratégie de revitalisation rurale, annoncée en 2017, vise à moderniser l’agriculture, améliorer les infrastructures, soutenir les services publics et encourager le tourisme rural.
Des programmes de lutte contre la pauvreté ont ciblé des millions de ménages dans les zones montagneuses ou isolées, combinant aides financières, formation professionnelle et projets locaux (par exemple, développement de cultures spécialisées ou d’artisanat).
En 2020, la Chine a déclaré avoir éradiqué l’extrême pauvreté rurale selon ses critères officiels, qui sont inférieurs aux standards internationaux de la Banque mondiale, ce qui change la portée de l’affirmation. Des chercheurs et ONG soulignent ainsi la persistance de poches de pauvreté.
L’objectif est de réduire l’écart de revenus et de conditions de vie entre villes et campagnes, même si les différences restent importantes.
À retenir
Les politiques de revitalisation et de lutte contre la pauvreté cherchent à rendre les campagnes plus attractives et à réduire les inégalités territoriales, avec des résultats contrastés.
Conclusion
Les espaces ruraux chinois, longtemps perçus comme figés, sont désormais au cœur de transformations rapides. L’exode rural et le vieillissement bousculent la démographie, tandis que la modernisation agricole et l’industrialisation modifient l’économie et les paysages. Les politiques publiques, ambitieuses mais confrontées à de fortes disparités régionales, visent à faire des campagnes des territoires dynamiques, intégrés au développement national tout en conservant leurs spécificités, comme les rizières en terrasses du Yunnan, les villages traditionnels du Guizhou ou les fêtes rurales ancestrales. Le défi sera, dans les prochaines décennies, de concilier modernisation, cohésion sociale et préservation des ressources rurales.
