Les trajectoires de développement des économies émergentes

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Dans cette leçon, tu découvres comment les pays émergents, comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, sont devenus des acteurs majeurs de la mondialisation. Leur croissance rapide repose sur l’industrialisation, les investissements étrangers et des politiques volontaristes, mais elle s’accompagne d’inégalités, de dépendances et de défis environnementaux. Mots-clés : pays émergents, mondialisation, industrialisation, Chine, BRICS, développement durable.

Introduction

Depuis la fin du XXe siècle, un groupe de pays émergents s’impose comme un acteur majeur de la mondialisation. Ces États — comme la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie, l’Afrique du Sud, la Turquie ou encore l’Indonésie — connaissent une croissance rapide et cherchent à réduire l’écart avec les économies avancées. Leur essor repose sur une industrialisation accélérée, l’ouverture aux investissements étrangers et des politiques publiques volontaristes.

Selon le Fonds monétaire international (FMI), l’ensemble des pays émergents et en développement représente aujourd’hui plus de la moitié du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat, ce qui illustre leur poids économique croissant. Toutefois, les trajectoires sont contrastées : certaines réussites, comme celles de la Chine et de l’Inde, s’opposent à des situations plus fragiles, comme celles de la Turquie ou de l’Afrique du Sud.

Des stratégies fondées sur l’industrialisation et l’ouverture économique

Les pays émergents ont choisi de s’appuyer sur une industrialisation rapide pour s’intégrer à la mondialisation. Ce modèle, inspiré des pays développés, repose sur la création d’infrastructures, la formation de la main-d’œuvre et l’ouverture au commerce international.

La Chine est le cas le plus emblématique. Depuis les réformes de Deng Xiaoping à partir de 1978, elle a ouvert son économie tout en gardant un fort contrôle étatique. Les zones économiques spéciales (ZES), comme Shenzhen ou Shanghai, ont attiré massivement les investissements directs étrangers (IDE) grâce à des avantages fiscaux et une main-d’œuvre peu coûteuse. Ce modèle a permis à la Chine de devenir le 2e récepteur mondial d’IDE depuis 2020, derrière les États-Unis, et la première puissance industrielle du monde.

L’Inde a adopté un modèle plus hybride. Après des décennies d’économie planifiée, les réformes de 1991 ont ouvert le pays aux capitaux étrangers. En 2023, l’Inde a reçu environ 71 milliards de dollars d’IDE, concentrés dans les technologies, la pharmacie et les énergies renouvelables. Des métropoles comme Bangalore ou Hyderabad sont devenues des symboles de la croissance du secteur numérique et des services à forte valeur ajoutée.

Le Brésil, première puissance d’Amérique latine, a fondé son développement sur la diversification industrielle (automobile, aéronautique, agroalimentaire) et sur l’exploitation de ses ressources naturelles (soja, fer, pétrole). Le pays reste le premier récepteur d’IDE en Amérique latine, mais sa dépendance aux matières premières expose son économie aux crises mondiales.

Enfin, certains pays connaissent des trajectoires plus difficiles. La Turquie a longtemps profité d’une croissance tirée par la construction et les exportations, mais elle est aujourd’hui fragilisée par une inflation galopante, une crise monétaire et une instabilité politique. L’Afrique du Sud, membre des BRICS, reste minée par des inégalités extrêmes et un chômage supérieur à 30 %, malgré un secteur minier et financier puissant.

À retenir

L’industrialisation et l’ouverture économique ont favorisé la croissance des pays émergents, mais leurs trajectoires diffèrent selon leurs choix politiques, leur stabilité et leur insertion dans la mondialisation.

Le rôle des investissements étrangers et des politiques publiques

Les investissements directs étrangers (IDE) jouent un rôle moteur dans le développement des pays émergents. Ils apportent des capitaux, des emplois et des transferts de technologie, mais peuvent aussi accentuer la dépendance vis-à-vis des multinationales.

La Chine et le Vietnam ont su attirer massivement les IDE tout en maintenant un contrôle étatique. Cette stratégie a permis une modernisation industrielle et la constitution d’un tissu productif solide. L’Inde, de son côté, utilise les IDE pour développer des secteurs stratégiques (énergies vertes, numérique, automobile). Le Brésil, avec un flux annuel d’IDE oscillant entre 60 et 80 milliards de dollars, reste une destination privilégiée pour les investisseurs en Amérique latine.

À l’inverse, la Russie affiche une faible attractivité depuis 2014, en raison des sanctions économiques consécutives à l’annexion de la Crimée. Les IDE y ont chuté de manière durable, limitant les efforts de modernisation technologique et agricole amorcés au début des années 2010. Ces projets ont été freinés par l’isolement économique du pays et la dépendance croissante au secteur énergétique.

Les politiques publiques orientent également les trajectoires nationales. En Inde, le programme « Make in India » (2014) encourage la production nationale et l’innovation industrielle. En Chine, l’État planifie les orientations économiques à travers des programmes comme « Made in China 2025 », qui vise à faire du pays un leader des hautes technologies. En Russie, la stratégie économique reste largement centrée sur les hydrocarbures, malgré quelques initiatives de diversification limitées.

Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), créés en 2009, symbolisent la volonté collective des pays émergents de peser davantage dans la gouvernance mondiale. Leur Banque de développement, fondée en 2015, finance des projets d’infrastructures dans les pays du Sud, cherchant à proposer une alternative au FMI et à la Banque mondiale.

À retenir

Les IDE stimulent la croissance et favorisent la modernisation, mais ils renforcent la dépendance aux capitaux étrangers. Les politiques publiques nationales restent essentielles pour orienter le développement et préserver la souveraineté économique.

Les limites du modèle : inégalités, dépendances et vulnérabilités environnementales

Malgré leurs succès, les pays émergents demeurent fragiles face aux déséquilibres internes et aux crises mondiales.

Sur le plan social, la croissance a souvent creusé les écarts de richesse. En Inde, au Brésil ou en Afrique du Sud, les mégapoles concentrent la prospérité et les opportunités, tandis que les zones rurales ou périurbaines restent marquées par la pauvreté et le manque d’accès aux services essentiels.

Sur le plan économique, la dépendance aux chaînes de valeur mondiales reste forte. Ce terme désigne l’organisation internationale de la production d’un bien : chaque pays se spécialise dans une étape spécifique. Ainsi, un iPhone est conçu en Californie, ses composants viennent d’Asie du Sud-Est, et il est assemblé en Chine, où la valeur ajoutée locale représente à peine 3 à 5 % du prix final. Cet exemple illustre la position souvent subalterne des pays émergents dans la production mondiale.

Sur le plan écologique, la croissance rapide s’accompagne de graves déséquilibres : pollution, déforestation, émissions massives de gaz à effet de serre. Au Brésil, la politique du président Lula depuis 2023 vise à ralentir la déforestation en Amazonie, mais les résultats restent fragiles face à la pression agricole et minière. Il ne s’agit pas encore d’une véritable reforestation. La Russie, pour sa part, ne dispose pas d’une politique écologique affirmée et continue de privilégier la rente énergétique au détriment des enjeux climatiques.

À retenir

La croissance des économies émergentes s’accompagne d’inégalités sociales, de dépendances productives et de fortes pressions environnementales. Leur développement reste vulnérable aux crises mondiales et aux limites écologiques.

Vers des modèles plus durables et inclusifs

Face à ces défis, plusieurs pays émergents tentent de réorienter leur modèle de croissance vers une plus grande durabilité et justice sociale.

La Chine investit massivement dans les technologies vertes (véhicules électriques, énergies renouvelables) et dans les Nouvelles routes de la soie, un vaste réseau d’infrastructures reliant l’Asie, l’Afrique et l’Europe. L’Inde mène une transition énergétique ambitieuse à travers l’Alliance solaire internationale (2015), visant à développer les énergies propres tout en assurant une croissance inclusive : une croissance qui profite à l’ensemble de la population.

Le concept de transition juste est également au cœur des réflexions internationales. Il désigne un changement écologique qui préserve l’emploi et les revenus des travailleurs les plus vulnérables. Cette idée, promue par l’Organisation internationale du travail (OIT) et certaines institutions onusiennes, reste cependant davantage un objectif discuté qu’une réalité appliquée à grande échelle dans les pays émergents.

Enfin, certains pays d’Asie du Sud-Est, comme le Vietnam ou l’Indonésie, réussissent mieux à combiner industrialisation et transition énergétique. Le Vietnam attire les entreprises en quête d’alternatives à la Chine, tout en développant ses capacités de production d’énergie solaire et éolienne.

À retenir

Les économies émergentes cherchent à rendre leur croissance plus durable et plus équitable. La réussite d’une transition juste dépendra de leur capacité à concilier justice sociale, innovation technologique et préservation de l’environnement.

Conclusion

Les économies émergentes, parmi lesquelles la Chine, l’Inde, le Brésil et la Russie, occupent désormais une place essentielle dans la mondialisation. Selon le FMI, l’ensemble des pays émergents et en développement concentre plus de la moitié du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat, traduisant un basculement du centre de gravité économique vers le Sud et l’Est du globe. Mais cette réussite demeure contrastée : la Chine et l’Inde poursuivent leur ascension, tandis que la Turquie, l’Afrique du Sud ou la Russie subissent des ralentissements ou des crises structurelles. Leur avenir repose sur leur capacité à inventer un modèle de développement autonome, durable et socialement juste, capable d’assurer la prospérité sans aggraver les fractures sociales ni épuiser les ressources naturelles.