Les stratégies de développement des économies industrialisées et leurs limites

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Dans cette leçon, tu découvres comment les économies avancées, fondées sur deux siècles d’industrialisation et d’innovation, cherchent aujourd’hui à concilier prospérité et durabilité. Face aux inégalités sociales et à la crise climatique, elles inventent de nouveaux modèles fondés sur la croissance verte, la sobriété et la justice environnementale. Mots-clés : économies avancées, industrialisation, mondialisation, croissance verte, Green Deal, transition juste.

Introduction

Les économies avancées, comme les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, la France, la Suède ou le Canada, sont parmi les pays les plus riches et les plus puissants du monde. Leur prospérité repose sur plus de deux siècles d’industrialisation, d’innovation technologique et d’ouverture commerciale. Ces pays disposent d’un haut niveau de vie, de services publics performants et d’infrastructures développées. Leur modèle s’appuie sur la croissance du Produit intérieur brut (PIB), c’est-à-dire la valeur totale des richesses produites dans une année. Mais le PIB ne mesure ni la répartition des richesses ni les impacts environnementaux.

Pour cela, on utilise aussi l’Indice de développement humain (IDH), mis au point par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qui combine le revenu, la santé et l’éducation. Cependant, les économies avancées doivent aujourd’hui affronter de nouveaux défis : inégalités sociales, dépendances économiques mondiales, crise écologique et nécessité d’inventer un modèle plus durable et équitable.

Les révolutions industrielles : les fondations du modèle de croissance

Le développement des économies avancées s’explique d’abord par les révolutions industrielles, qui ont profondément transformé la production et la société.

La première révolution industrielle, amorcée à la fin du XVIIIe siècle au Royaume-Uni, repose sur l’usage du charbon et de la machine à vapeur. Elle entraîne la mécanisation du travail, l’essor des usines et la naissance des grandes villes industrielles.

La seconde révolution industrielle, à la fin du XIXe siècle, introduit de nouvelles énergies — électricité, pétrole et gaz — et fait émerger des secteurs comme la chimie, la sidérurgie et l’automobile. Les inventions comme l’ampoule, le téléphone ou le moteur à explosion révolutionnent les modes de vie et favorisent la mondialisation des échanges.

Au XXe siècle, le fordisme — production de masse et consommation de masse — s’impose comme le modèle dominant. Après la Seconde Guerre mondiale, les Trente Glorieuses (1945-1975) voient une croissance rapide fondée sur la reconstruction, le plein-emploi et l’essor du commerce international. Des institutions comme le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et le GATT (devenu Organisation mondiale du commerce, OMC) favorisent les échanges entre économies avancées.

À retenir

Les révolutions industrielles ont permis aux économies avancées d’atteindre une prospérité inédite, mais elles ont aussi fondé un modèle de développement dépendant des énergies fossiles et de la croissance continue.

Mondialisation, innovation et économie numérique : nouveaux moteurs de croissance

Depuis les années 1970, les économies avancées ont connu une nouvelle transformation avec la mondialisation et l’essor des nouvelles technologies. L’économie de la connaissance — fondée sur la recherche, la formation et l’innovation — devient la principale source de richesse.

Les États-Unis dominent ce modèle grâce à la Silicon Valley, berceau du numérique et du capitalisme technologique. Les entreprises comme Google, Apple, Amazon, Microsoft et Meta façonnent les modes de production, de communication et de consommation à l’échelle mondiale. L’Union européenne tente d’équilibrer compétitivité et protection sociale, tandis que le Japon et la Corée du Sud se spécialisent dans la robotique, l’électronique et l’automobile.

La mondialisation a aussi multiplié les chaînes de valeur mondiales. Ce terme désigne l’ensemble des étapes nécessaires à la fabrication d’un produit, réparties entre plusieurs pays. Par exemple, un smartphone peut être conçu aux États-Unis, assembler ses composants en Chine, utiliser du cobalt extrait au Congo et être vendu en Europe. Ces chaînes mondiales permettent une production efficace à moindre coût, mais rendent les économies très interdépendantes et vulnérables aux crises. La pandémie de Covid-19 a montré les risques de cette organisation, lorsqu’un blocage en Asie a paralysé la production en Europe et en Amérique du Nord.

Parallèlement, les Nouveaux pays industrialisés (NPI)Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong — ont bouleversé la hiérarchie économique mondiale dès les années 1980. La Chine, devenue la deuxième puissance économique mondiale, investit massivement dans les énergies renouvelables, l’intelligence artificielle et les semi-conducteurs. Cette stratégie ambitieuse intensifie la compétition technologique mondiale et pousse les économies avancées à renforcer leur autonomie stratégique.

À retenir

L’innovation et les chaînes de valeur mondiales ont accru la productivité et la richesse des économies avancées, mais elles ont aussi créé des dépendances économiques et des inégalités sociales croissantes.

Les limites du modèle : inégalités sociales et crise climatique

Le modèle des économies avancées a produit prospérité et confort, mais il atteint aujourd’hui ses limites.

Sur le plan social, la mondialisation et la révolution numérique ont creusé les inégalités. Les grandes métropoles concentrent les emplois qualifiés et la richesse, tandis que les anciennes régions industrielles subissent le chômage et la désindustrialisation. L’essor de l’économie des plateformes (Uber, Deliveroo, Airbnb) a créé de nouvelles formes de travail précaire, sans sécurité ni droits sociaux.

Sur le plan économique, les crises récentes ont révélé la fragilité du modèle. La crise financière de 2008 a montré les excès de la spéculation, et la pandémie de Covid-19 a mis en lumière la dépendance des économies aux importations, notamment pour les biens essentiels comme les médicaments ou les composants électroniques.

Sur le plan environnemental, la situation est critique. Les économies avancées sont responsables d’environ la moitié des émissions cumulées de CO₂ depuis la révolution industrielle. Cette responsabilité historique alimente les débats sur la justice climatique, qui consiste à répartir équitablement les efforts entre pays riches (grands pollueurs historiques) et pays pauvres (les plus exposés aux conséquences du réchauffement).

Lors de la COP21 (Conférence des Parties, Paris, 2015), les Nations unies ont adopté l’Accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C. Les pays signataires se sont engagés à réduire leurs émissions et à financer le Fonds vert pour le climat, destiné à aider les pays du Sud dans leur adaptation au changement climatique. Cependant, les progrès restent insuffisants, car la mise en œuvre dépend de la volonté politique et des capacités économiques des États.

À retenir

Les économies avancées font face à une double crise : sociale et écologique. Leur responsabilité historique les oblige à inventer un nouveau modèle de développement fondé sur la justice climatique et la durabilité.

Vers de nouveaux modèles : croissance verte, sobriété et transition juste

Face à ces défis, les économies avancées cherchent à repenser leur modèle de développement. En 2015, les Objectifs de développement durable (ODD) adoptés par les Nations unies ont fixé un cadre mondial pour éradiquer la pauvreté, réduire les inégalités et préserver la planète d’ici 2030.

Les politiques publiques actuelles privilégient la croissance verte, qui vise à concilier croissance économique et respect de l’environnement. L’Union européenne a lancé en 2019 le Pacte vert européen (Green Deal), avec l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Ce programme prévoit la rénovation énergétique des bâtiments, le développement des transports électriques, la réduction des déchets et le soutien à la recherche sur les énergies propres.

Aux États-Unis, le plan vert américain (Inflation Reduction Act, 2022) consacre plus de 370 milliards de dollars à la transition énergétique, en subventionnant la production d’énergie solaire, éolienne et de véhicules électriques. Au Japon, la stratégie nationale d’hydrogène vert vise à remplacer progressivement les énergies fossiles par cette source propre, en finançant la recherche et la construction d’infrastructures adaptées. Ces politiques montrent la volonté des grandes puissances de concilier compétitivité et transition écologique.

La sobriété, quant à elle, repose sur l’idée de réduire la consommation d’énergie et de ressources tout en maintenant le bien-être collectif. Elle encourage une production plus efficace, la réutilisation des matériaux et la lutte contre le gaspillage.

Enfin, la transition juste désigne une transformation écologique qui ne laisse personne de côté. Elle cherche à garantir que les travailleurs, notamment ceux des industries polluantes, soient accompagnés dans les reconversions professionnelles et que les territoires les plus fragiles bénéficient d’aides spécifiques. Cette approche associe justice sociale et transition écologique pour éviter une fracture entre gagnants et perdants de la transition.

Les pays nordiques, comme la Suède et le Danemark, montrent qu’un équilibre entre prospérité, égalité et durabilité est possible. Leur modèle repose sur les énergies renouvelables, la taxation carbone et une forte éducation environnementale. Ces pays prouvent qu’il est possible d’allier performance économique et responsabilité écologique.

À retenir

Les politiques publiques actuelles, comme le Green Deal européen, le plan vert américain ou la stratégie japonaise d’hydrogène, montrent que les économies avancées s’engagent vers une croissance plus verte et une transition juste, conciliant progrès social et écologie.

Conclusion

Les économies avancées ont construit leur puissance sur deux siècles d’industrialisation, d’innovation et de mondialisation. Si ce modèle a apporté richesse et confort, il est désormais remis en cause par les inégalités sociales, les dépendances économiques et la crise environnementale mondiale. Les politiques internationales comme les Objectifs de développement durable, l’Accord de Paris (COP21) et le Green Deal européen ouvrent la voie à une nouvelle ère : celle d’un développement responsable. Désormais, le défi n’est plus de croître sans limite, mais de croître autrement : une croissance plus verte, plus équitable et plus sobre, capable d’assurer la justice sociale, la protection du climat et la solidarité mondiale.