Les sources du chômage structurel

icône de pdf
Signaler
Dans cette leçon, tu découvres les causes profondes du chômage structurel et les raisons pour lesquelles il persiste même en période de croissance. Tu comprendras comment les frictions, les inadéquations de compétences, les asymétries d’information et la rigidité des salaires entretiennent ce déséquilibre durable sur le marché du travail. Mots-clés : chômage structurel, Pissarides, inadéquation des compétences, rigidité salariale, marché du travail, politiques de l’emploi.

Introduction

Le chômage structurel désigne une forme de chômage persistante, qui perdure même lorsque l’économie est en croissance. Contrairement au chômage conjoncturel, lié aux ralentissements économiques temporaires, il résulte de déséquilibres profonds et durables sur le marché du travail.

Ces déséquilibres peuvent provenir de frictions, d’inadéquations entre les compétences et les emplois, d’asymétries d’information, ou encore de la rigidité des salaires. En s’appuyant sur les grands apports théoriques de l’économie, cette leçon propose d’identifier les principales sources du chômage structurel et d’examiner les leviers susceptibles d’y remédier.

Les frictions sur le marché du travail

Les frictions désignent les délais ou obstacles qui freinent la rencontre entre l’offre et la demande d’emploi. Même lorsque des postes sont disponibles, des chômeurs peuvent rester sans travail faute d’une coordination efficace.

Ces frictions prennent différentes formes : elles peuvent être géographiques, lorsque les emplois proposés ne sont pas accessibles aux demandeurs en raison de leur localisation ; institutionnelles, lorsqu’elles découlent de lenteurs administratives ou d’un suivi insuffisant ; ou encore informationnelles, quand les employeurs et les candidats ignorent mutuellement leurs besoins respectifs.

Le modèle de matching développé par Christopher Pissarides et Dale Mortensen, tous deux économistes et lauréats du prix Nobel d’économie en 2010, formalise ces frictions. Pissarides, d’origine chypriote, et Mortensen, chercheur américain, ont montré que la création et la destruction d’emplois dépendent du processus d’appariement entre les entreprises et les travailleurs, un processus lent, coûteux et imparfait.

En France, selon la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques : est un service du ministère du Travail qui produit et analyse les données sur l’emploi, le chômage et les politiques de travail en France), environ 350 000 emplois sont vacants chaque trimestre en moyenne (2023), malgré un taux de chômage d’environ 7,5 %. Ce paradoxe illustre bien l’existence de ces décalages persistants.

À retenir

Les frictions ralentissent l’ajustement du marché du travail. Elles expliquent l’existence d’un chômage frictionnel durable, même lorsque des emplois sont disponibles.

L’inadéquation entre compétences et emplois

Une autre cause majeure du chômage structurel réside dans l’inadéquation entre les qualifications des travailleurs et les besoins des entreprises.

Cet écart, appelé mauvais appariement, se manifeste lorsque les formations initiales ne correspondent pas aux compétences recherchées ou lorsque les métiers évoluent plus vite que les capacités d’adaptation des travailleurs.

Les transformations technologiques, comme la numérisation ou l’automatisation, modifient profondément les exigences des emplois. Par ailleurs, certains secteurs souffrent d’un manque d’attractivité, notamment ceux de la restauration, de la santé, du bâtiment ou du transport.

En 2023, près de 60 % des entreprises déclaraient rencontrer des difficultés de recrutement, preuve de l’ampleur du phénomène. Ce désajustement entre offre et demande de travail limite la capacité d’embauche, même lorsque l’économie se porte bien.

À retenir

Le chômage d’inadéquation résulte d’un écart entre les compétences disponibles et les besoins des entreprises. Il est amplifié par la transformation rapide des métiers et la faible attractivité de certains postes.

Les asymétries d’information

Les asymétries d’information apparaissent lorsque l’un des acteurs du marché du travail dispose de plus d’informations que l’autre. Les employeurs ne connaissent pas toujours les compétences réelles des candidats, tandis que les demandeurs d’emploi ignorent parfois les conditions exactes d’un poste. Ces déséquilibres peuvent provoquer des phénomènes de défiance ou de sélection adverse, limitant les embauches.

L’économiste Michael Spence, prix Nobel d’économie en 2001, a développé la théorie du signal, selon laquelle les diplômes servent à signaler la compétence et la fiabilité d’un individu aux employeurs.

De son côté, Joseph Stiglitz, également prix Nobel en 2001, a étudié les effets de la sélection adverse : les employeurs, craignant de recruter de mauvais profils faute d’informations suffisantes, préfèrent parfois ne pas embaucher du tout. Ces analyses montrent comment l’information imparfaite peut désorganiser le marché du travail et pénaliser certains groupes, notamment les jeunes sans expérience, les seniors ou les personnes issues de quartiers défavorisés.

À retenir

Les asymétries d’information freinent la rencontre entre employeurs et demandeurs d’emploi. Elles contribuent à l’exclusion de certaines catégories de travailleurs.

La rigidité des salaires

Selon la théorie néoclassique, le marché du travail devrait naturellement s’équilibrer grâce à la flexibilité des salaires : une baisse des rémunérations devrait, en principe, favoriser l’embauche.

En pratique, les salaires sont souvent rigides à la baisse pour plusieurs raisons. Le SMIC fixe un seuil minimal de rémunération, les conventions collectives encadrent les grilles salariales et les entreprises hésitent à réduire les salaires, au risque de démotiver leurs salariés ou d’accroître le turnover.

Cette rigidité empêche l’ajustement complet du marché du travail. Elle peut exclure certains travailleurs, notamment les moins qualifiés, lorsque leur productivité est jugée inférieure au salaire plancher imposé.

À retenir

La rigidité des salaires freine l’équilibre du marché du travail. Elle peut entretenir un chômage structurel, surtout dans les secteurs à faible productivité ou à faible valeur ajoutée.

Conclusion

Le chômage structurel ne découle pas d’un manque global d’emplois, mais d’un mauvais fonctionnement durable du marché du travail. Les frictions, les inadéquations de compétences, les asymétries d’information et les rigidités salariales empêchent la rencontre rapide entre offre et demande. Ces explications, mises en lumière par des économistes comme Christopher Pissarides, Dale Mortensen, Michael Spence et Joseph Stiglitz, montrent les limites des politiques économiques purement conjoncturelles.

Pour agir efficacement, il est nécessaire de mettre en œuvre des politiques actives de l’emploi : formation professionnelle adaptée, accompagnement personnalisé des demandeurs, transparence accrue des offres et soutien à la mobilité géographique. En améliorant l’appariement entre compétences et besoins, ces leviers permettent de réduire durablement le chômage et de renforcer la cohésion sociale.