Introduction
Les historiens situent la fin du Moyen Âge entre le XVe et le début du XVIe siècle, selon plusieurs jalons majeurs. La prise de Constantinople par les Ottomans en 1453 bouleverse les routes commerciales traditionnelles. L’invention de l’imprimerie par Gutenberg vers 1450 permet une diffusion inédite des savoirs.
Enfin, la découverte de l’Amérique en 1492 par Christophe Colomb marque une rupture géographique et culturelle décisive. Certains historiens considèrent aussi la Réforme protestante (1517) comme un moment fondateur des Temps modernes, mais elle n’est plus à proprement parler un repère de la fin médiévale.
Dans ce contexte, l’Europe élargit ses horizons grâce aux explorations maritimes, soutenues par les progrès techniques et scientifiques et par l’essor de l’humanisme, qui valorise l’observation et l’expérience. Ces bouleversements nourrissent une nouvelle vision du monde et inaugurent une première mondialisation, reliant durablement l’Europe, l’Afrique, l’Asie et l’Amérique.
Les progrès techniques et scientifiques au service des explorations
À partir du XVe siècle, les navigateurs européens disposent d’innovations qui rendent possibles les grandes traversées. La caravelle, mise au point au Portugal au XVe siècle, est un navire léger, maniable et capable de remonter le vent grâce à ses voiles triangulaires. La boussole, venue de Chine, facilite l’orientation en haute mer, tandis que l’astrolabe, hérité du monde gréco-arabe et perfectionné par des savants arabes au Moyen Âge, permet de calculer la latitude en observant les astres. Les portulans, cartes marines très détaillées, et l’essor de l’imprimerie diffusent rapidement récits de voyages et nouvelles cartes.
Ces progrès techniques sont liés aux mutations intellectuelles de l’époque. L’humanisme incite à observer directement le monde et à confronter les textes anciens à l’expérience. Les explorateurs rapportent des données nouvelles qui bousculent les savoirs hérités de Ptolémée. En 1543, Nicolas Copernic publie son De revolutionibus orbium coelestium, où il défend l’idée que la Terre tourne autour du Soleil : une révolution scientifique qui s’inscrit dans la remise en cause des autorités antiques.
À retenir
Caravelle, boussole, astrolabe, portulans et imprimerie offrent aux Européens les moyens techniques et intellectuels de franchir les océans, tandis que l’humanisme et Copernic bouleversent les représentations héritées.
Explorer et cartographier : une nouvelle vision du monde
Les grandes expéditions élargissent la représentation de la Terre. En 1492, Christophe Colomb, génois au service de l’Espagne, atteint les Antilles. En 1498, Vasco de Gama ouvre une route maritime directe entre l’Europe et l’Inde en contournant l’Afrique. Entre 1519 et 1522, l’expédition de Magellan, achevée par Elcano, réalise le premier tour du monde, prouvant concrètement la rotondité de la Terre et révélant l’immensité du Pacifique.
Ces voyages transforment la cartographie. En 1507, Waldseemüller publie une carte qui nomme pour la première fois le Nouveau Monde « America », même si les contours restent approximatifs. Quelques décennies plus tard, en 1569, Mercator propose une nouvelle projection cartographique qui permet de représenter la surface sphérique de la Terre sur un plan, outil précieux pour la navigation à longue distance. Ces avancées renforcent l’idée d’un monde désormais unifié par les océans et de plus en plus accessible à l’exploration.
Mais ces explorations ne sont pas neutres : elles s’accompagnent de conquêtes. En 1519-1521, Cortés soumet l’Empire aztèque, et en 1532-1533, Pizarro renverse l’Empire inca. Ces conquêtes violentes, marquées par le travail forcé (encomienda, mita), s’ajoutent au choc microbien : la diffusion de maladies comme la variole, inconnues des Amérindiens, provoque un effondrement démographique majeur, de 40-60 millions d’habitants vers 1500 à environ 10 millions vers 1600.
À retenir
Les grandes expéditions transforment la cartographie et confirment la rotondité de la Terre. Mais elles s’accompagnent de conquêtes brutales et du choc microbien, qui dévastent les sociétés amérindiennes.
Vers une première mondialisation : intensification des échanges
Les découvertes maritimes déclenchent une première mondialisation, c’est-à-dire une mise en relation durable de tous les continents. L’Atlantique devient un espace central. L’Europe reçoit du Nouveau Monde le maïs, la pomme de terre, le cacao, le tabac, tandis qu’elle y exporte ses plantes (blé, vigne) et ses animaux (cheval, bœuf). L’Asie reste une source d’épices, de soieries et de porcelaines, désormais accessibles par les Portugais. L’Afrique est intégrée par la traite esclavagiste : dès le XVIe siècle, des milliers d’Africains sont déportés dans les colonies ibériques.
Au XVIe siècle, ce système reste encore dominé par le commerce ibérique bilatéral (Espagne-Amériques, Portugal-Afrique-Asie), avant que l’Angleterre et les Provinces-Unies ne contestent cette domination au XVIIe siècle en instaurant un commerce triangulaire organisé. Une économie coloniale prend déjà forme : dans les îles atlantiques portugaises et au Brésil, les plantations de sucre reposent sur l’esclavage africain, amorçant le système esclavagiste atlantique qui se développera pleinement plus tard.
Enfin, l’arrivée massive d’or et surtout d’argent des mines américaines, comme celle de Potosí (actuelle Bolivie), déclenche en Europe la « révolution des prix », c’est-à-dire une hausse générale des prix liée à l’afflux de métaux précieux. Ce phénomène enrichit l’Espagne et certains marchands, mais fragilise aussi les économies traditionnelles et contribue à des tensions sociales.
À retenir
L’Europe, l’Afrique, l’Asie et l’Amérique sont reliées par de nouveaux circuits d’échanges. Au XVIe siècle, le commerce ibérique domine encore, mais plantations sucrières et révolution des prix annoncent le système esclavagiste atlantique et la première mondialisation.
Conclusion
Les progrès techniques et intellectuels du XVe et du XVIe siècle permettent aux Européens d’élargir leur vision du monde. Les explorations de Colomb, Vasco de Gama et Magellan ouvrent de nouvelles routes maritimes, tandis que la cartographie de Waldseemüller puis de Mercator traduit les transformations des savoirs.
Les conquêtes espagnoles, associées au choc microbien, provoquent un effondrement démographique en Amérique. Les métaux précieux, les denrées coloniales et l’esclavage nourrissent un système d’échanges global qui inaugure une première mondialisation, enrichissant l’Europe mais reposant sur la violence, la domination et les inégalités.
