Introduction
L’Afrique australe, au sens strict, désigne la partie méridionale du continent africain, comprenant principalement l’Afrique du Sud, la Namibie, le Botswana, le Zimbabwe, la Zambie, l’Angola, le Mozambique, le Lesotho et l’Eswatini. Si l’on prend en compte l’ensemble de la Communauté de développement d’Afrique australe (Southern African Development Community, SADC), la région regroupe 16 États membres et environ 380 millions d’habitants en 2024.
Cette vaste région connaît des mutations rapides : croissance démographique soutenue, urbanisation accélérée, dégradation environnementale et ouverture croissante à la mondialisation, c’est-à-dire aux flux d’échanges économiques, humains et culturels à l’échelle planétaire. Ces transitions se déroulent toutefois à des rythmes inégaux selon les pays et révèlent de fortes inégalités de développement.
Une transition démographique inachevée : jeunesse, santé et inégalités
La population d’Afrique australe croît d’environ 2 % par an, avec des différences marquées. L’Angola, la Zambie ou le Mozambique conservent une fécondité élevée (autour de 5 enfants par femme), tandis que l’Afrique du Sud et le Botswana, plus développés, sont déjà engagés dans un ralentissement démographique (environ 2,3 enfants par femme). Cette évolution illustre une transition démographique partielle, freinée par les inégalités sociales et l’accès limité à la santé reproductive dans certaines zones rurales.
La mortalité liée au VIH/Sida demeure un obstacle majeur. Dans plusieurs pays comme le Lesotho, le Botswana ou l’Afrique du Sud, la prévalence du virus dépasse encore 15 % de la population adulte, malgré les progrès des traitements antirétroviraux. Ce fléau réduit l’espérance de vie et fragilise les systèmes de santé.
La région reste marquée par une jeunesse nombreuse — environ 60 % de la population a moins de 25 ans — qui représente à la fois un atout et un défi. Le chômage des jeunes, souvent supérieur à 30 % au Zimbabwe ou en Afrique du Sud, accentue les frustrations sociales et les migrations vers les villes.
À retenir
L’Afrique australe connaît une croissance démographique rapide et une jeunesse majoritaire. Mais la mortalité liée au VIH/Sida et le manque d’emplois freinent la valorisation de ce potentiel humain.
Une urbanisation rapide et contrastée
Le taux d’urbanisation moyen dans la SADC se situe entre 40 % et 43 %, mais il augmente rapidement. Les grandes métropoles — Johannesburg (Afrique du Sud), Luanda (Angola), Maputo (Mozambique), Lusaka (Zambie) et Windhoek (Namibie) — concentrent les fonctions économiques et administratives.
L’agglomération de Johannesburg, cœur économique de l’Afrique du Sud, compte environ 6 à 7 millions d’habitants (près de 11 millions si l’on inclut la région métropolitaine du Gauteng). Elle illustre le contraste entre la modernité des quartiers d’affaires et la persistance des townships, anciens quartiers ségrégués issus de l’apartheid. Depuis les années 2000, le pays met en œuvre des politiques de rénovation urbaine pour moderniser ces espaces et réduire les inégalités d’accès au logement et aux services publics.
À Luanda, capitale de l’Angola, des plans d’aménagement urbain visent à moderniser les infrastructures et à limiter l’habitat informel, conséquence d’une urbanisation anarchique après la guerre civile. Maputo (Mozambique) connaît une situation similaire, marquée par la coexistence d’un centre moderne et de vastes périphéries précaires.
Dans toute la région, l’économie informelle — c’est-à-dire les activités économiques non déclarées comme le commerce de rue, l’artisanat ou les petits services — occupe une place essentielle. Elle emploie jusqu’à 60 % de la population active urbaine et assure la survie d’une majorité de ménages modestes.
À retenir
L’urbanisation de l’Afrique australe progresse rapidement mais reste inégalitaire. Les métropoles modernes côtoient des périphéries pauvres, où l’économie informelle compense les manques du secteur public.
Une transition environnementale sous tension : sécheresses, énergie et adaptation
L’Afrique australe est une région très exposée au changement climatique. Les températures y augmentent deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Le Botswana, la Namibie et le sud de l’Afrique du Sud connaissent des sécheresses récurrentes, qui réduisent les rendements agricoles et aggravent la rareté de l’eau. Les cultures de maïs, de sorgho et de canne à sucre sont particulièrement menacées.
Des initiatives d’adaptation agricole se développent, notamment la diffusion de semences résistantes à la sécheresse et des projets d’irrigation au Mozambique et en Namibie. Ces stratégies visent à sécuriser la production alimentaire dans les zones rurales les plus vulnérables.
L’Afrique du Sud, puissance industrielle régionale, traverse une crise énergétique profonde. La compagnie publique Eskom, chargée de la production d’électricité, dépend à plus de 80 % du charbon. Les délestages fréquents (coupures planifiées d’électricité) freinent la croissance économique et la vie quotidienne. Depuis 2020, le gouvernement investit dans le solaire et l’éolien, notamment dans la région du Cap-Nord, pour réduire cette dépendance et favoriser la transition vers des énergies renouvelables.
Les programmes régionaux soutenus par la SADC et l’Union africaine (UA) encouragent la restauration des terres dégradées et le reboisement. Ces politiques remplacent l’idée d’une hypothétique « Grande Muraille Verte du Sud », inexistante : la Grande Muraille Verte officielle se limite à la bande sahélienne de l’Afrique.
À retenir
Le changement climatique accentue les sécheresses et les crises énergétiques. Les pays de la région tentent de diversifier leurs sources d’énergie et de renforcer leur résilience agricole face à ces défis.
Mondialisation et inégalités : des trajectoires nationales différenciées
L’intégration à la mondialisation varie fortement selon les pays. L’Afrique du Sud reste la puissance économique régionale, dotée d’infrastructures modernes et d’un fort ancrage commercial international. Elle attire de nombreux investissements directs étrangers (Foreign Direct Investment, FDI) dans l’automobile, l’énergie et les technologies.
La Namibie et le Botswana profitent d’une bonne gouvernance et d’une stabilité politique, mais demeurent dépendants des exportations minières (diamants, uranium). Le Mozambique attire depuis peu d’importants investissements étrangers dans le gaz naturel liquéfié, tandis que l’Angola bénéficie d’un financement chinois massif pour ses chemins de fer et ses ports. En Zambie, les mines de cuivre sont exploitées par des groupes chinois et canadiens, montrant la dépendance aux capitaux extérieurs.
Cependant, la mondialisation n’est pas seulement Nord-Sud ou Chine-Afrique : de grandes entreprises africaines régionales jouent aussi un rôle moteur. Le groupe sud-africain MTN, spécialisé dans les télécommunications, et la chaîne de distribution Shoprite, présente dans une quinzaine de pays africains, participent à l’intégration économique du continent.
Les inégalités internes, issues du passé colonial et de l’apartheid, se prolongent : les grandes métropoles connectées profitent de la mondialisation, tandis que les espaces ruraux et périphériques restent marginalisés.
À retenir
L’Afrique australe s’insère dans la mondialisation à travers les investissements étrangers et les firmes régionales. Cette ouverture renforce la croissance mais accentue les contrastes entre territoires gagnants et laissés-pour-compte.
Conclusion
L’Afrique australe vit une période de transitions multiples : démographique, urbaine et environnementale. Sa jeunesse dynamique, son urbanisation rapide et ses ressources naturelles abondantes en font une région stratégique du continent africain. Mais les inégalités sociales, la crise énergétique, les sécheresses et les déséquilibres territoriaux freinent un développement équitable.
L’avenir dépendra de la capacité des États à coopérer dans le cadre de la SADC, de l’Union africaine (UA) et du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (New Partnership for Africa’s Development, NEPAD). Ces organisations jouent un rôle essentiel pour harmoniser les politiques de développement durable, renforcer la résilience climatique et bâtir une Afrique australe intégrée, solidaire et durable face aux grands défis du XXIe siècle.
