Introduction
L’Afrique australe désigne la partie méridionale du continent africain, dont la définition varie selon les sources. Au sens institutionnel, elle correspond à la Communauté de développement d’Afrique australe (Southern African Development Community, SADC, organisation régionale de coopération économique fondée en 1992), qui regroupe 16 États membres, de l’Angola à l’Afrique du Sud. Au sens large, on y inclut aussi le Mozambique et la Namibie. Selon les estimations de la Banque mondiale et de l’ONU (2024), cette région compte environ 350 à 370 millions d’habitants.
Riche en ressources naturelles et dotée d’un fort potentiel humain, l’Afrique australe reste pourtant marquée par des inégalités sociales et territoriales héritées de la colonisation et de l’apartheid (régime de ségrégation raciale appliqué de 1948 à 1991 et aboli lors des premières élections multiraciales de 1994). Si certains pays comme l’Afrique du Sud ou le Botswana s’intègrent activement à la mondialisation (ensemble des flux internationaux de biens, de capitaux, de personnes et d’informations), d’autres peinent à surmonter la pauvreté et la dépendance économique.
Des inégalités persistantes et des freins structurels au développement
Les inégalités constituent le principal frein au développement. En Afrique du Sud, le coefficient de Gini (indicateur mesurant les écarts de revenus sur une échelle de 0 à 1) dépasse 0,63, l’un des plus élevés du monde. Les inégalités raciales issues de l’apartheid se retrouvent encore dans la structure urbaine : les anciens townships (quartiers ségrégués créés pour les populations noires) concentrent la pauvreté et le chômage, tandis que les centres urbains modernes restent majoritairement peuplés de classes aisées.
Les inégalités territoriales opposent les zones urbaines connectées — comme Johannesburg ou Cape Town — aux régions rurales du Lesotho, du Zimbabwe ou du Malawi, où l’agriculture de subsistance domine.
Les inégalités de genre demeurent également fortes. Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), les femmes représentent environ 60 % de la main-d’œuvre agricole mais possèdent moins de 20 % des terres. Elles rencontrent des obstacles dans l’accès à l’éducation, à la santé et à la propriété foncière, ce qui limite leur contribution au développement économique.
Enfin, les contraintes environnementales aggravent ces disparités. Le Zimbabwe et le Botswana subissent régulièrement de longues sécheresses, tandis que le Mozambique a été ravagé par le cyclone Idai en 2019, causant plus de 1 000 morts et détruisant la ville portuaire de Beira. Ces catastrophes climatiques récurrentes ralentissent la croissance et accentuent la précarité.
À retenir
Les inégalités sociales, territoriales et de genre, combinées aux aléas climatiques, freinent le développement de l’Afrique australe. Les écarts hérités de l’histoire se renforcent face aux défis environnementaux.
Des politiques nationales contrastées : entre progrès et blocages
Les trajectoires économiques et politiques varient d’un pays à l’autre.
L’Afrique du Sud, puissance régionale, dispose d’une économie diversifiée (industrie, services, mines, agriculture). Son Plan national de développement (National Development Plan, PND, adopté en 2012) fixe des objectifs de réduction de la pauvreté, de création d’emplois et de renforcement de la compétitivité économique à l’horizon 2030. Cependant, son application est ralentie par la crise énergétique due à la vétusté du réseau de la société publique Eskom, responsable des coupures massives d’électricité appelées load-shedding (délestages planifiés). Les émeutes de juillet 2021, déclenchées après l’arrestation de l’ex-président Jacob Zuma, ont révélé l’ampleur des tensions sociales liées aux inégalités persistantes.
Le Botswana, souvent cité comme modèle de bonne gouvernance, tire sa richesse de l’exploitation du diamant en partenariat avec la société De Beers. Cette réussite repose sur une gestion prudente des revenus miniers, mais la rente minière (dépendance économique à une seule ressource) rend le pays vulnérable aux fluctuations du marché mondial.
Le Mozambique et l’Angola connaissent depuis les années 2010 une forte croissance grâce à leurs ressources énergétiques (gaz et pétrole). Ces richesses attirent des investissements directs étrangers (Foreign Direct Investment, IDE) venus notamment de Chine et d’Europe. Les entreprises TotalEnergies (France) et CNPC (Chine) participent par exemple à l’exploitation des gisements gaziers du nord du Mozambique. Cependant, la population bénéficie peu de ces revenus, et l’insécurité persistante dans la province du Cabo Delgado freine les investissements.
Le Zimbabwe, affaibli par une réforme agraire désordonnée et une hyperinflation massive dans les années 2000, peine encore à relancer sa production industrielle et agricole. L’émigration vers l’Afrique du Sud s’est accélérée, privant le pays d’une partie de sa main-d’œuvre qualifiée.
À retenir
Les politiques économiques de la région montrent des trajectoires contrastées : succès relatif du Botswana, difficultés structurelles du Zimbabwe, et dépendance énergétique et minière dans plusieurs États.
Intégration à la mondialisation : dépendances, coopération et diversification
L’Afrique australe s’intègre progressivement à la mondialisation grâce à ses ressources, ses infrastructures et ses entreprises régionales. L’Afrique du Sud est membre du G20 (groupe des principales économies mondiales) et des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), ce qui renforce son rôle sur la scène internationale. Elle exporte du platine, de l’or, du charbon et des produits manufacturés vers les grands marchés mondiaux.
Les IDE chinois financent de vastes projets : réseaux ferroviaires en Zambie et en Angola, corridor de Nacala (axe de transport reliant le Malawi et la Zambie au port mozambicain de Nacala) et One-Stop Border Post de Kazungula (poste-frontière unique entre le Botswana et la Zambie facilitant les échanges commerciaux). Ces initiatives modernisent la région mais accentuent la dépendance financière vis-à-vis de la Chine.
La SADC, en tant qu’organisation régionale, joue un rôle essentiel dans cette intégration. Elle coordonne de grands projets comme le Southern African Power Pool (SAPP, réseau d’interconnexion électrique reliant douze pays membres pour mutualiser la production d’énergie) et les corridors de transport régionaux facilitant la circulation des marchandises vers les ports de l’océan Indien et de l’Atlantique.
Les États tentent aussi de diversifier leurs économies. Le Botswana et la Namibie misent sur le tourisme durable, notamment dans le delta de l’Okavango ou le désert du Namib, tandis que l’Afrique du Sud développe un secteur numérique dynamique. Le pays est devenu un pôle africain des fintech (entreprises alliant finance et technologie) : TymeBank ou Paystack, par exemple, proposent des services bancaires numériques qui favorisent l’inclusion financière.
À retenir
La mondialisation stimule la croissance et les infrastructures, mais elle crée de nouvelles dépendances. Les projets de coopération énergétique et numérique montrent une volonté de diversification économique à l’échelle régionale.
Héritages ségrégatifs et défis de gouvernance
Les fractures spatiales issues de l’histoire coloniale et de l’apartheid continuent d’influencer la géographie du développement. En Afrique du Sud, les anciens townships restent souvent éloignés des centres d’emploi et mal desservis. Le programme de logement social RDP (Reconstruction and Development Programme) tente de corriger ces inégalités, mais la demande dépasse largement les capacités publiques.
Dans d’autres pays, comme l’Angola ou le Mozambique, la croissance urbaine rapide crée de nouvelles formes de ségrégation socio-spatiale : quartiers résidentiels fermés pour les élites, vastes zones informelles pour les plus pauvres.
La gouvernance reste un défi majeur : la corruption, les inégalités politiques et l’instabilité sociale freinent les réformes. Les politiques de coopération de la SADC visent à harmoniser les stratégies de développement et à renforcer la stabilité régionale, mais leurs effets demeurent limités face aux crises internes.
À retenir
Les fractures héritées de l’histoire se doublent de nouvelles inégalités urbaines. Une meilleure gouvernance et des politiques de cohésion régionale sont nécessaires pour construire un développement plus équilibré.
Conclusion
L’Afrique australe illustre les contrastes du développement dans un contexte de mondialisation sélective. Ses ressources minières, son capital humain jeune et ses infrastructures régionales constituent des atouts, mais les inégalités sociales, les tensions politiques et les vulnérabilités climatiques freinent une croissance inclusive. La réussite dépendra de la capacité des États à renforcer la coopération régionale au sein de la SADC, à diversifier leurs économies, à développer les énergies renouvelables et à améliorer la gouvernance.
En conciliant équité, résilience environnementale et innovation économique, l’Afrique australe pourra transformer ses contrastes en leviers d’un développement durable et solidaire.
