Les conquêtes de la Chine et ses enjeux économiques et politiques

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Dans cette leçon, tu vas explorer comment la Chine déploie une stratégie globale pour renforcer sa puissance, en investissant des domaines clés comme les routes commerciales, la mer de Chine, l’espace et le cyberespace. Tu comprendras aussi les tensions et rivalités que cette ambition suscite sur la scène internationale. Mots-clés : stratégie chinoise, routes de la soie, puissance maritime, cyberespace, conquête spatiale, rivalités géopolitiques.

Introduction

Depuis les années 2000, la Chine met en œuvre une stratégie ambitieuse visant à affirmer sa position comme puissance économique, politique et stratégique mondiale. Cette montée en puissance s’appuie sur la conquête de nouveaux espaces — terrestres, maritimes, spatiaux et numériques — mais aussi sur sa capacité à façonner les règles du jeu international à son avantage.

Encadrée par le Parti communiste chinois, portée par une croissance continue et soutenue par une diplomatie volontariste, cette stratégie combine des moyens variés : développement d’infrastructures, montée en gamme technologique, renforcement militaire, mais aussi élargissement de ses partenariats dans le Sud global. Les conquêtes chinoises, cependant, ne se font pas sans tensions : elles suscitent des critiques, résistances et réalignements stratégiques de la part d’autres puissances.

La conquête économique : connectivité et dépendance

En 2013, le président Xi Jinping lance l’initiative des Nouvelles routes de la soie, qui vise à renforcer les connexions commerciales entre la Chine, l’Asie, l’Afrique, l’Europe et l’Amérique latine. Cette stratégie repose sur :

  • Des infrastructures terrestres (routes, voies ferrées, oléoducs) en Asie centrale.

  • Une route maritime via des ports clés comme Gwadar, Le Pirée ou Colombo.

  • Un volet numérique, incluant des câbles sous-marins et des satellites de télécommunications.

L’objectif est double : sécuriser les approvisionnements stratégiques de la Chine et étendre son influence économique sur les corridors mondiaux. Pékin y voit un moyen de stimuler son économie intérieure et de renforcer sa position dans les chaînes logistiques internationales.

Mais ce projet est controversé. Des critiques occidentales, notamment américaines, évoquent une « diplomatie de la dette », selon laquelle la Chine accorderait des prêts à des États vulnérables pour obtenir ensuite des concessions stratégiques. Le cas du port de Hambantota au Sri Lanka (loué à la Chine après une incapacité de remboursement) est souvent cité. Toutefois, cette lecture est contestée : des chercheurs soulignent que les difficultés proviennent souvent de mauvaises gestions locales et qu’il n’y a pas de stratégie unifiée de dépendance orchestrée par Pékin.

À retenir

La BRI vise à étendre l’influence économique chinoise par les infrastructures. Si elle suscite des partenariats, elle alimente aussi les critiques sur l’endettement et la dépendance, selon une lecture contestée.

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La conquête maritime : affirmation territoriale et projection navale

La mer de Chine méridionale est au cœur de la stratégie maritime chinoise. Elle contient d’importantes ressources halieutiques, des gisements d’hydrocarbures et représente une voie de passage essentielle pour le commerce mondial. Pékin y revendique une vaste zone délimitée par la « ligne en neuf traits », empiétant sur les zones économiques exclusives (ZEE) d’autres pays riverains (Vietnam, Philippines, Malaisie…).

Une ZEE est un espace maritime de 200 milles marins à partir des côtes, où l’État côtier dispose de droits exclusifs d’exploitation des ressources.

Dès le début des années 2010, la Chine entame une militarisation d’îlots, qui s’accélère après l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir (2013). Elle y construit des pistes d’atterrissage, des radars, et y déploie des systèmes de missiles. En 2016, la Cour permanente d’arbitrage de La Haye juge illégales certaines revendications chinoises, au regard de la Convention de Montego Bay (ratifiée par la Chine en 1996). Pékin refuse cependant d’en reconnaître la légitimité.

La Chine développe aussi une flotte moderne, dont les capacités de projection lointaine s’accroissent. Si la seule base militaire officielle est celle de Djibouti, des ports commerciaux ou logistiques dans l’océan Indien participent à la stratégie du « collier de perles », c’est-à-dire l’ensemble des points d’appui visant à sécuriser les routes maritimes entre la Chine et l’Afrique.

À retenir

La Chine renforce sa puissance navale et conteste certaines règles du droit maritime. Sa présence en mer de Chine méridionale combine objectifs économiques, militaires et territoriaux.

L’espace et le cyberespace : autonomie stratégique et influence technologique

Dans l’espace, la Chine poursuit une logique d’autonomie stratégique et de prestige scientifique. Parmi ses avancées :

  • Le système BeiDou, concurrent du GPS américain.

  • La station orbitale Tiangong (mise en service en 2022).

  • Les missions lunaires Chang’e et la mission martienne Tianwen-1.

  • Des projets de station lunaire conjointe avec la Russie.

Mais l’espace est aussi un domaine militaire clé. En 2007, un missile chinois a détruit un satellite obsolète, démontrant ses capacités antisatellites (ASAT). Cette opération a été suivie de démonstrations similaires par les États-Unis et la Russie. La Chine développe également des systèmes de brouillage, de surveillance et de communication sécurisée.

Ces capacités relèvent d’une structure peu connue : la Force de soutien stratégique, une branche de l’armée chinoise chargée des opérations spatiales, cybernétiques et électroniques. Elle intègre les dimensions militaires du numérique, de l’information et de l’orbite terrestre.

Dans le cyberespace, la Chine impose un contrôle intérieur rigoureux et développe des réseaux numériques souverains. Elle cherche à influencer les normes techniques mondiales, par exemple via la 5G développée par Huawei, ou les standards de cybersécurité promus dans les instances internationales.

À retenir

L’espace et le cyberespace sont au cœur de la stratégie chinoise. Pékin y conjugue innovation technologique, souveraineté numérique et militarisation.

Une stratégie globale et contestée

Les conquêtes chinoises s’inscrivent dans une vision politique d’ensemble, articulée autour de la stabilité intérieure, de la montée en puissance extérieure et de la contestations des hiérarchies dominantes.

Pékin affirme vouloir une « gouvernance multipolaire », c’est-à-dire un monde sans hégémonie occidentale, où plusieurs pôles (dont la Chine) participeraient à la définition des règles internationales. Cette vision s’oppose notamment aux initiatives américaines telles que les Accords Artemis dans le domaine spatial, ou aux standards dominés par les géants du numérique occidentaux.

Mais cette volonté de redéfinition de l’ordre mondial suscite des contre-stratégies :

  • Le Quad (États-Unis, Inde, Japon, Australie) coordonne ses efforts dans la zone indo-pacifique.

  • L’AUKUS (Australie, Royaume-Uni, États-Unis) vise à contenir l’influence navale chinoise.

  • L’Union européenne renforce le contrôle sur les investissements étrangers.

Des initiatives africaines ou asiatiques cherchent à diversifier leurs partenariats pour éviter une dépendance excessive.

À retenir

La Chine veut redéfinir les règles du jeu international selon ses intérêts. Mais ses conquêtes suscitent des contrepoids stratégiques croissants, notamment en Asie et dans l’espace.

Conclusion

Les conquêtes de la Chine dans les domaines économique, maritime, spatial et numérique dessinent une stratégie cohérente et ambitieuse, guidée par le double objectif d’assurer la sécurité nationale et de renforcer son influence globale. Elles s’appuient sur une maîtrise des technologies, une diplomatie structurée, une vision politique de long terme, mais aussi une militarisation progressive.

Ces dynamiques modifient en profondeur les équilibres internationaux. Si la Chine se présente comme une force de stabilisation, ses pratiques et ses ambitions provoquent tensions, réajustements et rivalités, dans un monde de plus en plus polarisé. Les prochaines décennies verront si cette puissance émergente parvient à imposer sa vision du monde ou si elle devra composer avec un système qui lui résiste.