Introduction
Chaque personne juridique possède un ensemble de droits et d’obligations qui encadrent ses relations avec les autres. Parmi ces droits, certains ont une valeur économique : ils constituent, avec les dettes, le patrimoine de la personne. D’autres, en revanche, relèvent de la dignité et de la personnalité humaine : ce sont les droits extra-patrimoniaux, qui ne peuvent ni être vendus, ni transmis, ni saisis. À l’ère du numérique, cette distinction s’enrichit d’une nouvelle dimension : la protection des données personnelles, devenue un enjeu essentiel de la vie privée et de l’identité numérique.
Le patrimoine : l’ensemble des droits et des obligations à valeur économique
Le patrimoine correspond à l’ensemble des droits et obligations évaluables en argent appartenant à une personne physique ou morale. Il se compose de deux éléments :
les actifs (biens, revenus, créances, placements) ;
les passifs (dettes, emprunts, engagements financiers).
Traditionnellement, le droit français considérait que chaque personne ne possédait qu’un seul patrimoine, à la fois unique et indivisible. Cette règle, héritée du Code civil de 1804, a toutefois été assouplie par les réformes récentes. Depuis 2022, le statut de l’entrepreneur individuel distingue désormais le patrimoine professionnel (affecté à l’activité économique) du patrimoine personnel, qui reste protégé en cas de dettes liées à l’entreprise.
Ainsi, l’unicité du patrimoine n’est plus absolue : elle demeure la règle générale, mais la loi admet aujourd’hui certaines séparations juridiques pour mieux protéger les individus, notamment les entrepreneurs.
Exemple : un artisan peut être poursuivi pour une dette professionnelle, mais ses biens personnels (comme son logement) ne peuvent plus être saisis.
À retenir
Le patrimoine regroupe les biens et les dettes d’une personne. Il n’est plus toujours unique : depuis 2022, l’entrepreneur individuel dispose d’un patrimoine professionnel distinct de son patrimoine personnel.
Les droits extra-patrimoniaux : des droits liés à la dignité de la personne
Les droits extra-patrimoniaux sont des droits attachés à la personne en tant qu’être humain. Ils sont inaliénables (on ne peut pas les céder), insaisissables (ils ne peuvent être confisqués) et imprescriptibles (ils ne s’éteignent pas avec le temps). Ils protègent les aspects essentiels de la personnalité.
Parmi ces droits figurent :
le droit au respect de la vie privée, qui protège l’intimité de la personne (vie familiale, correspondances, état de santé, croyances, etc.) ;
le droit à l’image, qui interdit de diffuser la photographie ou la vidéo d’une personne sans son autorisation ;
le droit à l’honneur et à la réputation, qui protège contre les atteintes à la dignité ou à la diffamation.
Un exemple concret de droit extra-patrimonial lié à la création intellectuelle est le droit moral de l’auteur. Ce droit, protégé sans limite de durée, permet à un créateur (écrivain, musicien, photographe, etc.) de revendiquer la paternité de son œuvre et de s’opposer à toute modification qui en dénaturerait le sens. Il illustre le lien étroit entre la personnalité et la création artistique. Ce droit continue même après le décès de l’auteur et est transmis à ses héritiers pour en assurer le respect.
À retenir
Les droits extra-patrimoniaux protègent la personne dans sa dignité, sa vie privée et ses créations intellectuelles. Ils sont inaliénables, insaisissables et imprescriptibles.
La protection des données personnelles et de l’identité numérique
À l’ère du numérique, chaque individu laisse derrière lui une empreinte numérique : photos, recherches, messages, historiques de navigation… Ces informations forment son identité numérique, prolongement de sa personnalité dans l’espace virtuel.
Les données à caractère personnel sont définies par le Règlement général sur la protection des données (RGPD) comme toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable. Ce texte européen, entré en vigueur en mai 2018, s’applique à toute organisation, publique ou privée, qui traite les données de résidents de l’Union européenne.
Le RGPD impose aux organisations de :
traiter les données uniquement dans un but légitime (exécution d’un contrat, obligation légale, intérêt public, intérêt légitime, ou consentement de la personne) ;
informer clairement les personnes concernées sur l’usage de leurs données ;
garantir la sécurité et la confidentialité des informations collectées ;
et permettre l’exercice de plusieurs droits, comme le droit d’accès, de rectification ou d’effacement (« droit à l’oubli »).
Le consentement explicite est nécessaire lorsque les données ne sont ni nécessaires à un service, ni exigées par une obligation légale — par exemple pour l’envoi de publicités ou la création d’un profil utilisateur. En France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) contrôle l’application de ces règles et peut sanctionner les manquements.
Exemple : une entreprise doit obtenir le consentement d’un internaute avant d’utiliser ses données pour de la prospection commerciale, mais pas pour exécuter un contrat déjà signé.
À retenir
Le RGPD, en vigueur depuis 2018, protège les données personnelles des résidents de l’Union européenne. Le consentement n’est requis que lorsque le traitement n’est pas nécessaire à un service ou à une obligation légale.
Conclusion
Le patrimoine exprime la dimension économique de la personnalité juridique, tandis que les droits extra-patrimoniaux traduisent sa dimension morale et humaine. Si le patrimoine n’est plus toujours unique — notamment pour les entrepreneurs individuels —, les droits extra-patrimoniaux, eux, demeurent universels et imprescriptibles. Dans un monde désormais numérique, la protection des données personnelles prolonge cette exigence de respect de la dignité et de la vie privée, confirmant que le droit continue de placer la personne humaine au centre de l’ordre juridique.
