Le génocide des Arméniens

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Découvre comment, en pleine Première Guerre mondiale, l’Empire ottoman organise déportations et massacres qui causent la mort de plus d’un million d’Arméniens. Tu verras les origines de cette persécution, le rôle du Comité Union et Progrès et les conséquences humaines et mémorielles de ce génocide. Mots-clés : génocide arménien, Empire ottoman, Jeunes-Turcs, déportations, Première Guerre mondiale, diaspora arménienne.

Introduction

Au début du XXe siècle, l’Empire ottoman est un État affaibli, traversé par des tensions nationales et religieuses. Parmi ses sujets, la communauté arménienne, chrétienne, vit dispersée dans l’est anatolien et dans plusieurs grandes villes. Déjà victime de violences à la fin du XIXe siècle, elle se retrouve, en pleine Première Guerre mondiale, au cœur d’une politique de répression et d’extermination menée par les autorités du Comité Union et Progrès (CUP), parti au pouvoir issu du mouvement des Jeunes-Turcs. Ce drame, qui prend une dimension génocidaire en 1915, marque l’une des pages les plus sombres du conflit.

Les Arméniens dans l’Empire ottoman avant 1914

Les Arméniens forment une minorité importante, estimée à environ deux millions de personnes au début du XXe siècle. Leur implantation est ancienne, principalement dans les provinces orientales de l’Anatolie — vilayets d’Erzurum, Van, Bitlis, Harput, Diyarbakır, Sivas — mais aussi dans des villes comme Constantinople ou Smyrne.

Sous le régime du sultan Abdülhamid II, entre 1894 et 1896, la communauté subit les massacres hamidiens : les historiens estiment entre 100 000 et 300 000 morts lors de répressions menées contre des mouvements de revendication pour plus d’égalité et de protection face aux violences locales. Ces événements laissent un traumatisme durable et renforcent la méfiance des autorités ottomanes à l’égard des Arméniens, perçus comme susceptibles de s’allier avec les puissances chrétiennes.

À retenir

Avant 1914, les Arméniens sont déjà marginalisés politiquement et ont subi des violences massives à la fin du XIXe siècle.

Les événements de 1915

En 1914, l’Empire ottoman rejoint les Empires centraux dans la guerre mondiale. Au printemps 1915, les autorités du CUP accusent les Arméniens de collusion avec l’ennemi russe, alors que des combats se déroulent sur le front du Caucase.

Le 24 avril 1915, à Constantinople, plusieurs centaines d’intellectuels et notables arméniens sont arrêtés et déportés. Ce jour est considéré comme le début du génocide des Arméniens.

Dans les mois qui suivent, une vaste campagne de déportations est mise en place : hommes, femmes et enfants sont forcés de quitter leurs villages pour marcher vers les déserts de Syrie et de Mésopotamie, en particulier les régions d'Alep et Deir ez-Zor. Les convois sont décimés par la faim, la soif, les maladies et les attaques. De nombreux massacres sont commis en chemin ou dans les camps, où les conditions de vie sont inhumaines. Ces violences et déplacements forcés se poursuivent jusqu’à l’automne 1916, même si leur intensité décroît après cette date.

À retenir

Entre 1915 et 1916, déportations et massacres organisés par le CUP visent à détruire la population arménienne.

La réaction internationale

Dès le 24 mai 1915, la Triple Entente (France, Royaume-Uni, Russie) publie une déclaration commune accusant l’Empire ottoman de « crimes contre l’humanité et la civilisation ». Cette expression est employée de manière précoce, bien avant sa définition juridique après 1945, et témoigne de la gravité perçue des faits.

Pour autant, la guerre en cours limite les moyens d’action. Les témoignages de diplomates, missionnaires et journalistes étrangers circulent, mais aucune intervention militaire directe n’est engagée pour arrêter les massacres. Après la guerre, les responsables Jeunes-Turcs fuient ou sont jugés par contumace lors de procès organisés à Constantinople entre 1919 et 1920, sans que des sanctions internationales durables ne soient mises en place.

À retenir

Les puissances alliées dénoncent publiquement les massacres, mais la guerre empêche toute action efficace pour protéger les Arméniens.

Conséquences humaines et politiques

Le bilan humain est terrible : on estime qu’entre 1 et 1,5 million d’Arméniens périssent entre 1915 et 1916. La destruction de la présence arménienne touche surtout les provinces orientales anatoliennes où les villages arméniens sont vidés de leurs habitants. Les survivants trouvent refuge dans les pays voisins (Syrie, Liban, Iran) ou s’exilent plus loin, donnant naissance à une diaspora arménienne présente en Europe, en Amérique et au Moyen-Orient.

Sur le plan politique, le génocide des Arméniens laisse une trace profonde dans l’histoire contemporaine : il devient un sujet de mémoire et de revendication pour la reconnaissance internationale. La République turque, proclamée en 1923 à la suite de la chute de l’Empire ottoman, refuse pendant des décennies de reconnaître ces événements comme un génocide, alimentant des tensions diplomatiques persistantes.

À retenir

Le génocide entraîne la disparition quasi totale des Arméniens dans leurs régions historiques et la formation d’une diaspora mondiale.

Conclusion

Le génocide des Arméniens, survenu en pleine Première Guerre mondiale, est l’aboutissement de décennies de tensions et de violences à l’égard d’une minorité perçue comme suspecte par les autorités ottomanes. Les massacres hamidiens de 1894-1896 en avaient été un sinistre prélude. Entre 1915 et l’automne 1916, les déportations, exécutions et privations massives anéantissent la présence arménienne en Anatolie orientale, jusqu’aux déserts de Syrie. Si la Triple Entente dénonce publiquement ces crimes, le contexte de guerre empêche toute action directe. Ce drame, longtemps nié par ses auteurs, demeure un élément majeur de la mémoire arménienne et un jalon essentiel dans l’histoire des crimes de masse au XXe siècle.