Introduction
Novembre 1918. Les canons se taisent sur le front occidental. Après plus de quatre ans de combats, l’Europe sort exsangue de la Première Guerre mondiale. Les pertes humaines sont immenses, les destructions matérielles considérables. Mais la paix qui s’annonce n’efface pas les rancunes ni les ambitions des vainqueurs. Les espoirs de réconciliation, incarnés par le président américain Wilson, se heurtent vite aux réalités politiques et aux tensions héritées du conflit.
Un bilan humain et matériel colossal
La guerre a coûté la vie à environ 10 millions de soldats et à 6 à 8 millions de civils, victimes des combats, des famines, des épidémies et des déplacements forcés. La France, l’Allemagne, la Russie et l’Empire austro-hongrois sont particulièrement touchés.
Sur le plan matériel, de vastes régions sont dévastées, notamment dans le nord et l’est de la France, en Belgique et en Pologne. Les terres agricoles sont ravagées, les villes détruites, les réseaux de communication désorganisés. Les économies, grevées par une dette colossale et par l’inflation, sortent très fragilisées du conflit.
À retenir
La Première Guerre mondiale laisse derrière elle un traumatisme démographique, des destructions massives et des économies affaiblies.
Les Quatorze Points de Wilson et la Société des Nations
En janvier 1918, le président américain Woodrow Wilson présente au Congrès ses Quatorze Points, programme pour une paix durable. Parmi ces principes figurent le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la liberté des mers, la réduction des armements et la création d’une organisation internationale chargée de garantir la sécurité collective.
Cette idée aboutit en 1919 à la fondation de la Société des Nations (SDN), dont le siège est fixé à Genève. Elle doit arbitrer les conflits et éviter une nouvelle guerre mondiale. Mais la SDN naît affaiblie : les États-Unis, pourtant à l’origine du projet, refusent d’y adhérer après le rejet du traité par le Sénat américain.
À retenir
Les Quatorze Points de Wilson inspirent la création de la SDN, mais l’absence des États-Unis limite fortement son efficacité.
Les traités de paix et la recomposition de l’Europe
Entre 1919 et 1923, une série de traités redessine la carte du monde.
Le traité de Versailles (juin 1919) impose à l’Allemagne de lourdes conditions : réduction de son armée à 100 000 hommes, interdiction de posséder une aviation militaire, perte de l’Alsace-Lorraine et de territoires de la Posnanie et de la Prusse occidentale, afin de créer le corridor de Dantzig qui donne à la Pologne un accès à la mer Baltique. Ce corridor sépare ainsi la Prusse orientale, restée allemande, du reste du Reich. L’Allemagne perd aussi ses colonies, confiées aux vainqueurs sous forme de mandats de la SDN et non d’annexions directes (Royaume-Uni, France, Japon). Enfin, elle est condamnée à payer 132 milliards de marks-or (décision de 1921) ; en cas de non-paiement, l’occupation de la Ruhr par les troupes françaises et belges est prévue (et mise en œuvre en 1923).
Le traité de Saint-Germain (1919) signe la fin de l’Empire austro-hongrois. L’Autriche devient un petit État indépendant, privé d’une union avec l’Allemagne. La Tchécoslovaquie et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (future Yougoslavie) sont créés, tandis que l’Italie reçoit le Tyrol du Sud et l’Istrie.
Le traité de Trianon (1920) consacre le démembrement de la Hongrie, qui perd les deux tiers de son territoire au profit de la Roumanie (Transylvanie), de la Tchécoslovaquie (Slovaquie, Ruthénie) et de la Yougoslavie (Croatie, Voïvodine).
Le traité de Sèvres (1920) prévoit le démembrement de l’Empire ottoman : l’Arménie et le Kurdistan doivent devenir indépendants, la Grèce obtient Smyrne, tandis que la France et le Royaume-Uni se partagent des mandats en Syrie, au Liban, en Irak et en Palestine. Mais la guerre d’indépendance menée par Mustapha Kémal remet en cause ce traité, remplacé par le traité de Lausanne (1923), qui reconnaît la République de Turquie dans ses frontières actuelles.
Ces traités satisfont les vainqueurs, mais créent un profond ressentiment chez les vaincus et alimentent de nouveaux nationalismes.
À retenir
Les traités de paix redessinent l’Europe et le Proche-Orient, mais suscitent de nombreuses frustrations, sources d’instabilité.
La Russie en guerre civile
La Russie, sortie du conflit par le traité de Brest-Litovsk (mars 1918), plonge dans une guerre civile. Le conflit oppose principalement les Rouges (bolcheviques) aux Blancs (monarchistes et républicains modérés), mais aussi d’autres forces : nationalistes, mouvements paysans ou groupes anarchistes, qui défendent leurs propres intérêts.
Les Alliés, inquiets de la propagation de la révolution, interviennent militairement à partir de 1918, principalement le Royaume-Uni, la France, le Japon et les États-Unis, en Sibérie, dans le nord et autour de la mer Noire. Mais ces expéditions échouent à renverser le pouvoir bolchevique. Les combats, la famine et la répression politique font des millions de victimes. En 1922, la création de l’URSS consacre la victoire des bolcheviques.
À retenir
La sortie de guerre en Russie débouche sur une guerre civile complexe et sanglante, qui aboutit à la naissance de l’URSS.
Conclusion
La Première Guerre mondiale ne s’achève pas seulement par l’armistice : elle inaugure un nouvel ordre international fragile. Les Quatorze Points de Wilson et la SDN incarnent l’espoir d’une paix durable, mais les traités imposent aux vaincus des conditions dures qui alimentent rancunes et nationalismes. À l’est, la guerre civile russe et la création de l’URSS ajoutent une fracture idéologique majeure. L’année 1918 marque donc moins la fin des tensions qu’un nouvel équilibre instable, annonciateur des crises de l’entre-deux-guerres.
