Introduction
L’Union européenne est une construction politique originale, née progressivement des traités fondateurs. En 1957, le traité de Rome crée la Communauté économique européenne (CEE, future Union européenne), puis le traité de Maastricht en 1992 transforme cette coopération en Union européenne (UE), avec un Parlement élu au suffrage universel, une monnaie commune et des politiques partagées.
Cette construction s’inscrit dans le contexte géopolitique de la guerre froide : l’intégration européenne visait à renforcer la coopération entre pays d’Europe de l’Ouest pour faire contrepoids au bloc soviétique. Depuis lors, l’UE cherche à concilier deux dimensions : la représentation directe des citoyens et la représentation des États. Ce modèle hybride demeure au cœur des débats sur la démocratie européenne.
Des institutions au service d’une démocratie représentative directe et indirecte
L’Union européenne repose sur deux formes de démocratie représentative.
Le Parlement européen incarne la démocratie représentative directe. Élu au suffrage universel depuis 1979, il représente les citoyens européens. Ses députés votent les lois européennes avec le Conseil, adoptent le budget et contrôlent la Commission. Exemple : en 2020, le Parlement a retardé l’adoption du budget pluriannuel car il exigeait un mécanisme liant le versement des fonds européens au respect de l’État de droit en Hongrie et en Pologne.
Le Conseil de l’Union européenne et le Conseil européen incarnent une démocratie représentative indirecte, car ils représentent les gouvernements nationaux, eux-mêmes issus d’élections nationales. Le Conseil de l’UE réunit les ministres selon les domaines (agriculture, finances, environnement), tandis que le Conseil européen rassemble les chefs d’État et de gouvernement pour fixer les grandes orientations. Exemple : c’est le Conseil européen qui a adopté en 2020 le plan de relance de 750 milliards d’euros après la pandémie de Covid-19.
La Commission européenne n’est pas une instance représentative mais un organe exécutif. Elle propose les lois, gère les politiques européennes et veille à l’application des traités. Les commissaires sont désignés par les États membres, mais l’ensemble de la Commission doit obtenir l’approbation du Parlement, ce qui lui confère une légitimation indirecte. Exemple : en 2019, le Parlement a refusé la nomination de trois commissaires proposés, obligeant les gouvernements concernés à présenter d’autres candidats.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) n’est pas un organe représentatif non plus, mais un garant juridique. Elle veille à ce que les lois européennes soient respectées et protège les libertés fondamentales. Exemple : en 2021, la CJUE a confirmé que l’UE pouvait conditionner ses financements au respect de l’État de droit. Elle constitue ainsi un contre-pouvoir (mécanisme de limitation d’un pouvoir par un autre) essentiel.
À retenir
L’UE combine démocratie représentative directe (Parlement) et indirecte (Conseil), tandis que la Commission dispose d’une légitimation indirecte et que la CJUE agit comme un contre-pouvoir juridique.
Les forces d’un système original
Ce système présente des atouts. Le Parlement européen donne une légitimité démocratique à l’UE, car il est élu directement par les citoyens. Le Conseil, en associant les gouvernements, garantit que les intérêts des nations sont pris en compte. La Commission veille à l’intérêt général européen, au-delà des intérêts nationaux.
La recherche de compromis est une force : l’UE oblige 27 pays et 450 millions de citoyens à trouver un équilibre. Exemple : les négociations sur la réduction des émissions de CO₂ aboutissent à des directives qui doivent satisfaire à la fois les pays industrialisés et ceux plus dépendants du charbon.
Les citoyens disposent aussi d’outils de participation. L’initiative citoyenne européenne, créée en 2012, permet à un million de citoyens issus d’au moins sept pays de demander à la Commission d’examiner une proposition. Elle ne l’oblige pas à proposer une loi, mais à y répondre officiellement. Exemple : l’initiative « Right2Water » a poussé la Commission à renforcer la législation sur l’accès à l’eau potable.
À retenir
L’UE associe représentation des citoyens, représentation des États et participation directe via l’initiative citoyenne, ce qui lui donne une légitimité originale.
Les limites et les critiques
Malgré ces avancées, le système reste complexe et critiqué. On parle souvent de « déficit démocratique » (écart entre les décisions prises à l’échelle européenne et le sentiment des citoyens de pouvoir réellement les influencer).
Le Parlement a vu ses pouvoirs renforcés par les traités — Acte unique (1986), Maastricht (1992), Lisbonne (2007) — qui ont accru son rôle dans le vote des lois et du budget. Mais il reste limité par rapport à un parlement national : il ne peut pas proposer lui-même de lois et dépend des initiatives de la Commission.
L’abstention aux élections européennes reflète ce malaise : en 2014, seuls 42 % des électeurs ont voté. La participation est remontée à 50 % en 2019 puis à 51 % en 2024, signe d’une mobilisation plus forte mais encore inférieure aux scrutins nationaux.
Le poids des États membres limite également l’efficacité : certaines décisions, comme en fiscalité ou en politique étrangère, exigent l’unanimité, donnant à chaque pays un droit de veto. Exemple : la Hongrie a bloqué en 2022 certaines sanctions contre la Russie, freinant l’action de l’UE.
Enfin, l’UE reste une organisation hybride : à la fois supranationale (certaines politiques comme la politique monétaire sont décidées au niveau européen, par la Banque centrale européenne) et intergouvernementale (d’autres, comme la politique étrangère, restent aux mains des États). Cette dualité explique sa force mais aussi ses limites démocratiques.
À retenir
Le déficit démocratique tient à la complexité du système, aux pouvoirs limités du Parlement et au poids des États. L’UE est un système hybride : supranationale dans certains domaines (monnaie), intergouvernementale dans d’autres (politique étrangère).
Conclusion
Le fonctionnement démocratique de l’Union européenne repose sur un équilibre entre démocratie représentative directe (Parlement) et indirecte (Conseil). La Commission agit comme un organe exécutif doté d’une légitimation indirecte, tandis que la CJUE veille au respect du droit comme contre-pouvoir juridique.
L’UE a renforcé sa légitimité démocratique depuis 1979 et par ses traités successifs, mais elle reste marquée par un déficit démocratique et par son caractère hybride, partagé entre logique supranationale et logique intergouvernementale. L’avenir de la démocratie européenne dépendra de sa capacité à rapprocher ses institutions des citoyens, à clarifier ses mécanismes décisionnels et à préserver l’équilibre entre la voix des peuples et celle des États.
