La Russie depuis 1991 : une puissance en reconstruction

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Dans cette leçon, tu vas découvrir comment la Russie est passée de l’effondrement de l’URSS en 1991 à son retour sur la scène internationale sous Vladimir Poutine. Tu verras les crises économiques et politiques des années 1990, la reconstruction de la puissance grâce à l’énergie, à l’armée et à la diplomatie, mais aussi les limites qui font de la Russie une puissance incomplète. Mots-clés : Russie post-URSS, Vladimir Poutine, puissance incomplète, guerre froide, géopolitique Russie, relations internationales.

Introduction

En décembre 1991, l’URSS disparaît officiellement, laissant place à quinze États indépendants. La Russie, héritière de la majeure partie du territoire, de l’armée et du siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, paraît affaiblie et isolée. Après avoir dirigé l’un des deux pôles de la guerre froide, elle se retrouve confrontée à des crises profondes : effondrement économique, instabilité politique, perte d’influence internationale.

Pourtant, au début du XXIe siècle, la Russie réapparaît comme un acteur incontournable des relations internationales, notamment sous l’impulsion de Vladimir Poutine. Comprendre cette trajectoire permet de saisir comment une puissance déclinante a tenté de se reconstruire.

Les difficultés de l’après-URSS

Les années 1990 sont marquées par une crise économique et sociale d’une ampleur inédite. Sous la présidence de Boris Eltsine, la Russie met en place une transition brutale vers l’économie de marché, surnommée la « thérapie de choc ». Les prix sont libéralisés et les entreprises privatisées, mais les résultats sont catastrophiques : en 1992, l’inflation atteint près de 2 500 %, et le PIB chute d’environ 40 % entre 1991 et 1998. La pauvreté explose et des millions de Russes voient leur niveau de vie s’effondrer. Les privatisations massives favorisent l’émergence des oligarques, de puissants hommes d’affaires qui s’emparent des secteurs stratégiques (énergie, métaux, médias) et exercent une influence déterminante sur la politique.

Politiquement, l’État apparaît fragilisé. Les institutions démocratiques naissantes peinent à s’imposer, tandis que le pouvoir central perd de son autorité. Les deux guerres de Tchétchénie illustrent cette faiblesse : la première (1994-1996) s’achève sur les accords de Khassaviourt, un cessez-le-feu qui accorde une large autonomie aux indépendantistes tchétchènes et marque un recul de Moscou. La seconde (1999-2000), menée avec fermeté alors que Poutine arrive au pouvoir, rétablit l’autorité russe au prix d’une guerre brutale, symbolisant le retour de la puissance centrale.

À l’international, la Russie recule. Les pays d’Europe centrale et orientale rejoignent l’OTAN et l’Union européenne, tandis que les États-Unis apparaissent comme l’unique superpuissance. La Russie des années 1990 incarne ainsi une puissance affaiblie, en crise économique et en retrait diplomatique.

À retenir

Les années 1990 sont marquées par l’effondrement économique (inflation, chute du PIB), l’instabilité politique symbolisée par la Tchétchénie, et une perte d’influence internationale.

La reconstruction sous Vladimir Poutine

Arrivé au pouvoir en 2000, Vladimir Poutine fait de la restauration de l’autorité de l’État et du retour de la puissance russe ses priorités. Il met en place une « verticale du pouvoir », c’est-à-dire une centralisation accrue : réforme de la nomination des gouverneurs régionaux (désormais désignés par le président), affaiblissement des partis d’opposition et contrôle renforcé des médias. Ces réformes institutionnelles consolident un système politique autoritaire qui limite la concurrence démocratique.

L’économie bénéficie d’un contexte favorable grâce à la hausse des prix des hydrocarbures. L’État reprend directement le contrôle d’entreprises clés, comme lors du démantèlement du géant pétrolier Yukos en 2003 au profit de Rosneft, et renforce son emprise sur Gazprom. L’énergie devient un levier de puissance : la dépendance de nombreux pays européens au gaz russe permet à Moscou d’exercer une influence sur ses voisins.

Sur le plan militaire, la Russie modernise ses forces armées. L’intervention en Géorgie en 2008 marque le retour de Moscou dans son « étranger proche ». En 2014, l’annexion de la Crimée s’accompagne d’un conflit dans le Donbass, qui oppose l’armée ukrainienne à des séparatistes soutenus par la Russie. Les accords de Minsk signés en 2015 devaient mettre fin au conflit, mais leur échec prolonge la guerre jusqu’en 2022. L’invasion à grande échelle de l’Ukraine en février 2022 apparaît ainsi comme une continuité et un tournant dans la stratégie russe. En parallèle, l’intervention en Syrie en 2015, aux côtés du régime de Bachar al-Assad, permet à la Russie de sauver un allié stratégique, de garantir l’accès à une base navale en Méditerranée (Tartous) et de réaffirmer son rôle au Moyen-Orient.

Diplomatiquement, la Russie cherche à se positionner comme un contrepoids à l’Occident. Le terme BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) est utilisé dès 2001 par la banque Goldman Sachs pour désigner ces puissances émergentes, et le premier sommet officiel des BRIC a lieu en 2009 (rejoints par l’Afrique du Sud en 2010, devenant les BRICS). Cette coalition économique et politique informelle cherche à peser sur la scène internationale, mais reste limitée dans sa capacité à proposer une véritable alternative. Moscou renforce surtout ses liens avec la Chine, développe un partenariat stratégique avec l’Iran et accroît son influence en Afrique grâce aux opérations du groupe paramilitaire Wagner. Officiellement illégale en Russie, cette société est néanmoins tolérée et utilisée comme instrument de politique étrangère, notamment au Mali et en Centrafrique.

La Russie mise aussi sur son soft power. Ses médias internationaux comme Russia Today ou Sputnik diffusent un discours alternatif à celui des puissances occidentales. L’Église orthodoxe joue un rôle important dans l’identité nationale et la légitimation du pouvoir. Enfin, l’héritage scientifique et culturel, notamment dans le domaine spatial, reste un symbole de prestige, même si les coopérations internationales se réduisent depuis 2022.

À retenir

Sous Poutine, la Russie reconstruit sa puissance grâce à la centralisation du pouvoir, au contrôle des secteurs stratégiques, à la modernisation militaire, à une diplomatie active et à un soft power culturel et religieux.

Les limites d’une puissance incomplète

Malgré ce retour, la Russie reste une puissance incomplète. Cette notion désigne un État capable d’affirmer sa puissance dans certains domaines — ici le militaire et le diplomatique — mais limité dans d’autres, en particulier l’économie et la démographie.

Économiquement, la dépendance aux hydrocarbures est structurelle. En 2021, le PIB russe atteint environ 1 800 milliards de dollars, comparable à celui de l’Espagne ou du Canada, mais loin derrière les États-Unis ou la Chine. En parité de pouvoir d’achat (PPA), la Russie se classe plus haut, mais ses faiblesses demeurent : faible diversification, dépendance technologique et corruption.

Démographiquement, la situation est préoccupante. La Russie comptait environ 146 millions d’habitants en 2021, soit moins qu’en 1991. Le taux de fécondité, d’environ 1,5 enfant par femme, est très inférieur au seuil de renouvellement des générations (2,1). Cette évolution fragilise le dynamisme économique et social du pays.

L’isolement diplomatique s’est accentué depuis 2014 et encore davantage après 2022. Les sanctions occidentales limitent l’accès aux marchés financiers et aux technologies. Mais la Russie conserve des relais d’influence hors d’Occident : ses liens avec la Chine, l’Iran et plusieurs pays africains illustrent qu’elle n’est pas totalement isolée.

À retenir

La Russie est une puissance incomplète : elle s’impose militairement et diplomatiquement, mais reste limitée par son économie peu diversifiée, son déclin démographique et son isolement vis-à-vis de l’Occident.

Conclusion

Depuis 1991, la Russie a connu un parcours contrasté : affaiblie dans les années 1990 par l’effondrement économique et la perte d’influence internationale, elle a reconstruit une partie de sa puissance sous Vladimir Poutine, en s’appuyant sur l’énergie, l’armée, la centralisation du pouvoir et une diplomatie offensive. Mais cette puissance demeure incomplète, car ses atouts militaires et diplomatiques contrastent avec ses fragilités économiques et démographiques.

L’exemple russe montre que la puissance est une réalité toujours relative, qui se redéfinit dans un monde marqué par la multipolarité, les sanctions économiques et les rivalités géopolitiques.