Introduction
À la fin du XVIIIe siècle, les treize colonies anglaises d’Amérique du Nord se révoltent contre leur métropole. Ce mouvement, connu sous le nom de Révolution américaine, inaugure un nouvel âge politique fondé sur la liberté et la souveraineté du peuple.
Les colons, profondément marqués par la tradition politique britannique, se réclament des principes déjà affirmés par l’Habeas Corpus Act (1679), qui protège les citoyens contre les arrestations arbitraires, et par le Bill of Rights (« Déclaration des droits », 1689), qui limite le pouvoir royal et garantit la suprématie de la loi. En français, Habeas Corpus signifie littéralement « tu auras ton corps » : c’est le droit d’être jugé par un tribunal et non emprisonné sans procès. Ces textes, piliers de la liberté anglaise, inspirent directement les colons américains.
Mais lorsque Londres impose des impôts sans consultation des assemblées coloniales, ces sujets britanniques se sentent trahis. Soutenus par les philosophes des Lumières et par la France, l’Espagne et les Provinces-Unies (les Pays-Bas actuels), ils transforment leur révolte en un projet politique inédit : créer un État fondé sur la loi, la liberté et la représentation.
La victoire des insurgés conduit à la Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776 et à la fondation des États-Unis d’Amérique. À leur tête, George Washington, héros de la guerre et premier président, incarne la naissance d’une république nouvelle, même si son héritage demeure contrasté.
Les origines du conflit : la rupture entre colonies et métropole
Les colonies anglaises d’Amérique du Nord prospèrent au XVIIIe siècle grâce à leur commerce et à leur organisation politique autonome. Chaque colonie possède une assemblée locale élue, et les colons se considèrent comme des sujets libres du roi d’Angleterre, bénéficiant des mêmes droits que leurs compatriotes d’Europe.
Cependant, après la guerre de Sept Ans (1756-1763), l’Angleterre, victorieuse mais ruinée, décide d’imposer de nouvelles taxes pour financer sa dette et la défense du territoire américain. Le Sugar Act (Loi sur le sucre) (1764) taxe le sucre importé ; le Stamp Act (Loi sur le timbre) (1765) impose des droits sur les documents officiels et la presse.
Les colons refusent ces mesures et proclament : « No taxation without representation » (« Pas d’impôt sans représentation »). Ils dénoncent l’atteinte à un principe essentiel de la liberté anglaise : nul ne peut être taxé sans son consentement.
En 1773, la Boston Tea Party, au cours de laquelle des colons jettent des cargaisons de thé à la mer, provoque une crise majeure. Londres réplique par les Lois coercitives, qui suspendent les libertés du Massachusetts. En avril 1775, les premiers combats éclatent à Lexington et Concord, deux localités situées aujourd’hui dans l’État du Massachusetts, près de Boston. Ces affrontements marquent le début de la guerre d’indépendance.
À retenir
Les colons américains se réclament des libertés anglaises pour contester l’autorité du roi. La défense du droit devient le fondement d’une révolution politique.
La guerre d’indépendance : un conflit politique et mondial
En 1775, les colonies réunies à Philadelphie forment un Congrès continental et nomment George Washington commandant en chef de l’armée continentale. Ce riche planteur de Virginie, respecté pour sa droiture, devient le symbole de la cause américaine.
Le 4 juillet 1776, le Congrès adopte la Déclaration d’indépendance, rédigée par Thomas Jefferson. Inspirée par le philosophe anglais John Locke, elle proclame que tous les hommes possèdent des droits naturels inaliénables : la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Toutefois, cette déclaration universelle comporte des limites : les femmes, les Amérindiens et les esclaves africains ne sont pas concernés. La société américaine reste hiérarchisée, dominée par les grands propriétaires et les planteurs esclavagistes.
La guerre prend une dimension mondiale. La France entre en guerre en 1778 pour affaiblir son rival anglais ; elle est rejointe par l’Espagne en 1779 et par les Provinces-Unies en 1780. Ces puissances européennes veulent réduire la puissance maritime britannique. Des volontaires comme le marquis de La Fayette combattent aux côtés de Washington, tandis que la flotte française de Rochambeau contribue à la victoire décisive de Yorktown (1781). Le traité de Paris (1783) consacre la victoire des insurgés et reconnaît l’indépendance des États-Unis d’Amérique.
À retenir
La guerre d’indépendance américaine devient un conflit mondial opposant les puissances européennes. Avec l’aide de la France, de l’Espagne et des Provinces-Unies, les colons transforment leur révolte en victoire politique et militaire.
Les idées des Lumières et la fondation d’un État républicain
La Révolution américaine s’enracine dans la philosophie politique des Lumières, mais aussi dans la tradition anglaise de la liberté.
Le philosophe John Locke (1632-1704) soutient que l’autorité politique repose sur un contrat social, c’est-à-dire un accord libre entre les gouvernants et les gouvernés. Selon lui, la mission du gouvernement est de protéger les droits naturels : la vie, la liberté et la propriété. Si ces droits sont violés, le peuple a le droit de résister. Les colons américains reprennent ce principe pour justifier leur rupture avec la monarchie britannique.
Montesquieu, philosophe et magistrat français né en 1689, auteur de De l’Esprit des lois (1748), est une autre figure majeure des Lumières. Il y développe la séparation des pouvoirs : pour préserver la liberté, le pouvoir législatif (faire les lois), l’exécutif (les appliquer) et le judiciaire (juger selon la loi) doivent être confiés à des institutions distinctes. Inspirés par cette idée, les Américains conçoivent une constitution équilibrée où aucun pouvoir ne domine l’autre.
Jean-Jacques Rousseau, dans Du Contrat social (1762), défend la souveraineté populaire, c’est-à-dire l’idée que le pouvoir appartient au peuple. Bien que Rousseau soit peu lu dans les colonies, son idéal d’un peuple législateur rejoint l’esprit des révolutions atlantiques.
En 1787, les représentants des treize États rédigent la Constitution des États-Unis, ratifiée en 1788 et appliquée à partir de 1789. Ce texte établit un fédéralisme, c’est-à-dire un partage des compétences entre le gouvernement central et les États fédérés. Le gouvernement fédéral gère la politique étrangère, la monnaie et l’armée, tandis que chaque État conserve son autonomie pour les affaires locales (justice, éducation, impôts).
La Constitution met en œuvre la séparation des pouvoirs : le Congrès, composé du Sénat et de la Chambre des représentants, détient le pouvoir législatif ; le Président exerce le pouvoir exécutif, applique les lois et dirige la diplomatie ; enfin, la Cour suprême, au sommet du pouvoir judiciaire, veille à la conformité des lois à la Constitution. Ce système d’équilibre, appelé checks and balances (« freins et contrepoids »), empêche toute dérive autoritaire.
En 1791, les dix premiers amendements à la Constitution, appelés Bill of Rights (« Déclaration des droits »), complètent le texte fondamental. Ils garantissent la liberté d’expression, de religion et de presse, ainsi que le droit à un procès équitable.
À retenir
Les États-Unis deviennent le premier État moderne fondé sur une Constitution écrite, la séparation des pouvoirs et le respect des droits individuels, combinant l’héritage des Lumières et la tradition politique anglaise.
George Washington : père fondateur et premier président
Né en 1732 en Virginie, George Washington est un ancien officier et un riche planteur. Chef de l’armée continentale pendant la guerre, il devient le héros de l’indépendance. En 1789, il est élu premier président des États-Unis à l’unanimité.
Washington incarne les vertus républicaines : il exerce le pouvoir avec mesure, respecte la Constitution et s’efforce d’unir les treize États. Sous sa présidence, sont créées la Banque nationale, l’armée fédérale et un système fiscal commun. Il fixe aussi une règle durable : quitter le pouvoir après deux mandats, garantissant ainsi la rotation démocratique.
Cependant, cette image de vertu présente une contradiction majeure : Washington demeure propriétaire d’esclaves tout au long de sa vie, bien qu’il ait exprimé des doutes moraux sur l’esclavage à la fin de son existence. Cette ambiguïté illustre les limites du projet américain : la liberté proclamée ne s’applique pas à tous.
À retenir
George Washington symbolise à la fois la réussite du modèle républicain et ses contradictions : chef vertueux et père fondateur, il reste aussi le produit d’une société esclavagiste.
Conclusion
La Révolution américaine (1775-1783) transforme une révolte coloniale en révolution politique mondiale. En s’appuyant sur les principes du Bill of Rights anglais et sur les idées de Locke et Montesquieu, les Américains créent le premier État fondé sur une Constitution écrite, le fédéralisme et la séparation des pouvoirs.
Malgré ses limites — exclusion des femmes, des Amérindiens et des esclaves —, cette révolution devient un modèle pour le monde atlantique. Elle inspire directement la Révolution française de 1789, qui reprend à son tour les principes de liberté, d’égalité et de souveraineté populaire.
Sous la présidence de George Washington, les États-Unis inaugurent un modèle politique durable : un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, guidé par la loi et limité par la raison.
