La République entre contestations et enracinement

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Explore les grandes crises qui marquent la Troisième République entre 1880 et 1910 : luttes contre les révolutionnaires et l’Église, montée du nationalisme et de l’antisémitisme, affaire Dreyfus et loi de 1905. Tu verras comment ces épreuves ont forgé une République plus solide et laïque. Mots-clés : Troisième République, affaire Dreyfus, antisémitisme, nationalisme, séparation Église-État, lois scélérates.

Introduction

À la fin du XIXe siècle, la Troisième République existe depuis environ trente ans si l’on compte depuis sa proclamation en 1870. Mais sa consolidation institutionnelle date surtout des lois constitutionnelles de 1875, qui fixent son cadre politique. Depuis lors, le régime a gagné en stabilité, tout en restant traversé par de profondes tensions. Plusieurs forces politiques et sociales contestent son fonctionnement ou son orientation : révolutionnaires, cléricaux, nationalistes, antisémites. Chaque crise oblige la République à défendre ses principes et à affirmer son autorité. De la lutte contre l’influence de l’Église à l’affaire Dreyfus, ces affrontements façonnent l’identité républicaine et préparent la grande réforme de 1905.

Les courants révolutionnaires et leur opposition à la République parlementaire

Pour une partie du mouvement ouvrier, la République parlementaire reste perçue comme un régime bourgeois, défendant les intérêts des possédants. Les socialistes révolutionnaires et les anarchistes critiquent l’absence de réformes sociales profondes et l’injustice des conditions de travail. Les attentats anarchistes des années 1890, comme celui d’Auguste Vaillant à la Chambre des députés (1893), traduisent cette radicalisation.

Face à ces violences, les gouvernements républicains réagissent par une série de lois restrictives, appelées lois scélérates (1893-1894). Elles visent d’abord à réprimer la propagande anarchiste, mais limitent aussi plus largement la liberté d’expression, ce qui suscite des critiques dans la presse et chez certains républicains attachés aux droits fondamentaux. Dans le même temps, des courants socialistes plus modérés, comme celui de Jean Jaurès, choisissent la voie électorale pour peser sur la politique nationale.

À retenir

Les courants révolutionnaires rejettent la République parlementaire jugée trop bourgeoise, tandis que l’État combine répression et intégration progressive des socialistes réformistes.

Les tensions avec l’Église catholique

Les républicains, attachés à la laïcité, s’opposent à l’influence politique et sociale de l’Église catholique, encore puissante dans l’enseignement et la vie publique. Les lois scolaires de Jules Ferry (1881-1882) avaient déjà instauré la laïcité de l’école publique. Dans les années 1890-1900, les gouvernements radicaux, comme celui d’Émile Combes, accentuent la lutte anticléricale : limitation du rôle des congrégations, fermeture de nombreuses écoles religieuses.

Cette politique, soutenue par les milieux laïcs, provoque la mobilisation des catholiques, qui défendent la liberté de culte et d’enseignement. Le conflit culmine avec la préparation de la séparation des Églises et de l’État.

À retenir

L’affrontement entre République et Église oppose la volonté laïque des républicains à la défense par les catholiques de leurs institutions et traditions.

L’affaire Dreyfus et la montée de l’antisémitisme

Dès les années 1880, un antisémitisme politique organisé apparaît en France, illustré par Édouard Drumont et son ouvrage La France juive (1886), ou par la Ligue antisémitique. Ce climat joue un rôle dans l’« affaire Dreyfus ».

En 1894, le capitaine Alfred Dreyfus, officier juif de l’armée française, est accusé à tort d’espionnage au profit de l’Allemagne. Condamné et déporté à l’île du Diable, il devient le symbole d’une grave erreur judiciaire nourrie par les préjugés antisémites.

L’affaire divise profondément le pays. Les dreyfusards, parmi lesquels Émile Zola, Jean Jaurès et Georges Clemenceau, réclament la révision du procès au nom de la justice et des droits de l’homme. Les antidreyfusards, souvent nationalistes et antisémites, voient en Dreyfus un traître et défendent l’honneur de l’armée.

Après un second procès à Rennes en 1899, qui le reconnaît coupable avec circonstances atténuantes, Dreyfus obtient une grâce présidentielle. Il faudra attendre 1906 pour qu’il soit pleinement réhabilité par la Cour de cassation.

À retenir

L’affaire Dreyfus est à la fois un scandale judiciaire et un révélateur de l’antisémitisme politique qui se développe en France à la fin du XIXᵉ siècle.

Le nationalisme et ses manifestations

À la fin du XIXe siècle, un nationalisme intransigeant se développe, nourri par le désir de revanche contre l’Allemagne après la perte de l’Alsace-Lorraine en 1871. Ce courant, incarné par Paul Déroulède et la Ligue des patriotes, critique le régime parlementaire jugé faible face aux enjeux internationaux.

Le nationalisme se renforce aussi dans le contexte de l’affaire Dreyfus, où il s’oppose violemment aux dreyfusards. À partir de 1899, l’Action française de Charles Maurras donne à ce courant une structure idéologique plus organisée, mais son influence politique réelle ne s’affirme qu’après 1908, notamment après la condamnation de Maurras et dans le climat créé par l’affaire des fiches.

À retenir

Le nationalisme de la fin du XIXe siècle mêle désir de revanche, hostilité au parlementarisme et souvent antisémitisme, et se dote progressivement de structures plus organisées.

La loi de séparation des Églises et de l’État (1905)

Préparée sous Émile Combes mais adoptée sous le gouvernement Maurice Rouvier, la loi de 1905 met fin au régime concordataire établi sous Napoléon Ier. Elle affirme la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes, tout en interdisant toute subvention publique aux religions.

Sa mise en œuvre est tendue : elle implique l’inventaire des biens des Églises, c’est-à-dire le recensement précis de leurs bâtiments, terrains et objets de culte, pour déterminer leur statut légal. Cette opération provoque des réactions hostiles dans certaines régions et des affrontements parfois violents entre forces de l’ordre et fidèles. Malgré ces résistances, la séparation devient un principe fondamental de la vie publique française et un pilier de la laïcité.

À retenir

La loi de 1905 consacre la neutralité de l’État en matière religieuse et marque l’aboutissement d’un long conflit entre République et Église.

Conclusion

Entre 1880 et 1910, la Troisième République affronte tour à tour révolutionnaires, cléricaux, nationalistes et antisémites. Chaque crise fragilise temporairement le régime, mais contribue aussi à le renforcer en clarifiant ses principes. Des lois scélérates à la loi de séparation, en passant par l’affaire Dreyfus, le régime affirme son autorité et son attachement à la liberté de conscience et aux droits civiques. Ces combats, souvent âpres, forgent une République plus solide à l’aube du XXe siècle.