La répartition des éléments chimiques dans l’Univers

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Dans cette leçon, tu explores la répartition des éléments chimiques depuis l’Univers jusqu’au vivant. Tu verras que l’Univers est dominé par l’hydrogène et l’hélium issus du Big Bang, que la Terre s’est différenciée en concentrant les éléments lourds dans son noyau, et que la vie repose sur la chimie universelle du carbone et des éléments CHON. Mots-clés : Big Bang, matière baryonique, différenciation planétaire, CHON, poussières d’étoiles.

Introduction

Imagine que tu ouvres une carte du ciel un soir d’été. Derrière la beauté des étoiles scintillantes se cache une question vertigineuse : de quoi est faite la matière qui compose l’Univers, notre planète et nous-mêmes ? À première vue, tout semble identique : des atomes assemblés. Pourtant, la répartition des éléments chimiques n’est pas la même dans l’espace interstellaire, dans les roches de la Terre ou dans les cellules de ton corps. Comprendre ces différences, c’est retracer une histoire qui commence avec le Big Bang il y a environ 13,8 milliards d’années, se poursuit au cœur des étoiles et trouve un écho jusque dans notre organisme.

La composition de l’Univers : l’héritage du Big Bang et des étoiles

L’Univers observable est dominé par des composantes invisibles : environ 27 % de matière noire et 68 % d’énergie sombre. La matière baryonique (la matière ordinaire qui forme les atomes, planètes et étoiles) ne représente qu’environ 5 % du contenu cosmologique total. C’est dans cette matière baryonique que l’on retrouve la répartition des éléments chimiques.

Environ 98 % de la masse de cette matière ordinaire est constituée d’hydrogène et d’hélium. Cette abondance résulte de la nucléosynthèse primordiale, quelques minutes après le Big Bang, qui a produit la quasi-totalité de l’hélium présent dans l’Univers. Les étoiles fabriquent elles aussi d’énormes quantités d’hélium par fusion nucléaire (l’hydrogène se transformant en hélium au cœur du Soleil par exemple), mais à l’échelle globale, la majorité de l’hélium observé provient bien du Big Bang.

Les autres éléments – oxygène, carbone, fer, silicium… – sont beaucoup plus rares. L’oxygène, par exemple, représente environ 1 % de la masse baryonique de l’Univers. Ces éléments se forment dans les étoiles massives par fusion nucléaire. Lors des explosions de supernovae, ces atomes sont dispersés dans le milieu interstellaire. C’est aussi dans ces événements extrêmes que se produisent les réactions nucléaires responsables de la synthèse des éléments plus lourds que le fer, comme l’or, l’uranium ou le plomb.

La compréhension de l’origine de ces éléments s’est construite progressivement. Au début du XXe siècle, en 1927, le moine catholique et astrophysicien Georges Lemaître a proposé que l’Univers est en expansion, une idée qui a conduit à la naissance de la théorie du Big Bang. Plus tard, George Gamow développa ce modèle en précisant les mécanismes de la nucléosynthèse primordiale.

En 1965, Arno Penzias et Robert Wilson découvrirent le rayonnement fossile (le fond diffus cosmologique), une preuve décisive de cette théorie. Déjà, au XIXe siècle, Fraunhofer, puis Kirchhoff et Bunsen avaient mis en évidence les raies spectrales, permettant de déterminer la composition chimique des étoiles.

À retenir

La matière baryonique (5 % du contenu de l’Univers) est dominée par l’hydrogène et l’hélium issus du Big Bang. Les éléments plus lourds, plus rares, sont forgés dans les étoiles et dispersés par les supernovae, qui produisent aussi les éléments au-delà du fer.

La composition de la Terre : la différenciation planétaire

La Terre se distingue nettement de l’Univers dans sa composition chimique. Les éléments légers comme l’hydrogène et l’hélium se sont échappés lors de la formation de la planète, en raison de leur faible masse et de l’énergie thermique élevée de l’époque. La différenciation planétaire a conduit à une séparation nette : les éléments lourds se sont concentrés dans le centre, tandis que les plus légers sont restés en surface ou se sont échappés.

Ainsi, la croûte terrestre est dominée par l’oxygène (≈ 47 %) et le silicium (≈ 28 %), suivis par l’aluminium, le fer, le calcium, le sodium et le magnésium. Ce contraste est frappant si l’on compare avec l’Univers : l’oxygène ne représente qu’environ 1 % de la masse baryonique, mais près de la moitié de la croûte terrestre. Plus en profondeur, le manteau est riche en magnésium et en fer, et le noyau est composé essentiellement de fer et de nickel. La convection du noyau externe liquide génère le champ magnétique terrestre, qui protège la planète du vent solaire.

Cette compréhension de la structure de la Terre s’est développée au fil du temps, depuis les intuitions de la géologie naissante jusqu’à l’utilisation des ondes sismiques qui ont révélé la composition interne du globe.

À retenir

La Terre est issue d’une différenciation : les éléments légers se sont échappés, les éléments lourds se sont concentrés dans le noyau. La croûte est dominée par l’oxygène et le silicium, le noyau par le fer et le nickel.

La composition des êtres vivants : une chimie universelle du carbone

Dans le vivant, la répartition des éléments est encore différente. Quatre éléments dominent : le carbone (C), l’oxygène (O), l’hydrogène (H) et l’azote (N), qui représentent environ 96 % de la masse corporelle humaine. Il faut rappeler que le corps humain est composé en moyenne de 70 % d’eau, ce qui explique la forte proportion d’oxygène et d’hydrogène.

Le carbone joue un rôle unique : il peut former quatre liaisons covalentes, ce qui lui permet de créer des molécules complexes et variées. C’est cette propriété qui en fait la base universelle de la chimie du vivant, et pas seulement chez l’humain. Toutes les formes de vie connues sur Terre reposent sur la chimie du carbone.

Les organismes présentent néanmoins des différences : les plantes contiennent proportionnellement plus de carbone (cellulose des parois), tandis que les animaux stockent davantage de calcium et de phosphore (os, dents). En plus de CHON, de nombreux oligo-éléments comme le fer, le zinc, le cuivre ou l’iode sont indispensables au fonctionnement de l’organisme.

L’histoire de la chimie du vivant remonte au XVIIIe siècle, lorsque Lavoisier montra que la respiration et la combustion obéissaient aux mêmes lois que la matière inanimée. Il posa ainsi les bases de la biochimie moderne.

À retenir

Le vivant est composé à 70 % d’eau et dominé par les éléments CHON. Le carbone est la clé de la complexité moléculaire et constitue le socle universel de la chimie du vivant.

Conclusion

De l’Univers aux cellules de notre corps, la répartition des éléments chimiques raconte une histoire commune. La matière baryonique est dominée par l’hydrogène et l’hélium issus du Big Bang, les planètes comme la Terre se sont différenciées en rejetant les éléments légers et en concentrant les éléments lourds, et la vie repose sur une chimie universelle dominée par le carbone.

L’astrophysicien Carl Sagan a résumé cette filiation par une formule célèbre : « nous sommes faits de poussières d’étoiles ». Cette idée, confirmée par les avancées de la cosmologie et de la chimie du vivant, rappelle que les atomes de nos corps ont été forgés dans les étoiles avant de voyager à travers le temps et l’espace. Elle éclaire aussi des enjeux actuels : préserver les ressources rares, maintenir les équilibres biochimiques et comprendre que notre place dans l’Univers est le fruit d’une histoire scientifique et évolutive commune.