Introduction
Lorsque tu observes une étoile dans le ciel, tu contemples bien plus qu’un simple point lumineux. Chaque étoile est une véritable forge nucléaire, où la matière se transforme en permanence. C’est dans ces fours cosmiques qu’ont été créés la plupart des éléments chimiques qui composent notre planète et nos corps. Le processus central est la fusion, qui assemble des noyaux légers pour en former de plus lourds et libérer de l’énergie. La fission, en revanche, ne joue pas ce rôle de création dans les étoiles : elle concerne seulement certains noyaux très lourds et instables (comme l’uranium ou le thorium) déjà formés, et intervient de manière secondaire dans l’histoire des éléments. Comprendre ces phénomènes, c’est relier l’histoire intime des étoiles à l’histoire globale de l’Univers.
La fusion nucléaire : moteur des étoiles et source des éléments légers
Au cœur des étoiles, les conditions sont extrêmes : la température atteint plusieurs millions de degrés et la pression y est de l’ordre de 250 milliards de fois la pression atmosphérique terrestre. Dans ce contexte, les noyaux d’hydrogène peuvent s’approcher suffisamment pour fusionner et former de l’hélium. Cette réaction libère une énorme quantité d’énergie, expliquée par la célèbre relation d’Einstein ( = Énergie exprimée en joules (), = Masse (en kilogrammes, ), = Vitesse de la lumière dans le vide, environ ). Une petite fraction de la masse se convertit en énergie lumineuse et thermique. C’est cette fusion de l’hydrogène en hélium, décrite dans les années 1930 par Hans Bethe à travers le cycle proton-proton et le cycle CNO, qui fait briller le Soleil depuis plus de 4,5 milliards d’années.
Dans les étoiles plus massives, la fusion ne s’arrête pas à l’hélium. Par une succession de réactions, elle fabrique des éléments de plus en plus lourds : carbone, oxygène, néon, magnésium, silicium, jusqu’au fer. Une étape clé est la réaction triple alpha (fusion de trois noyaux d’hélium en carbone), théorisée par Fred Hoyle en 1954, qui marque l’allumage de l’hélium dans les étoiles évoluées. Mais au-delà du fer, la fusion n’est plus une source d’énergie : elle en consomme plus qu’elle n’en libère. C’est pourquoi les étoiles ne fabriquent pas spontanément d’éléments plus lourds par fusion. Leur production nécessite d’autres mécanismes, liés à des événements cataclysmiques.
Lorsque les étoiles massives explosent en supernovae, elles dispersent dans l’espace les éléments forgés par fusion et déclenchent les conditions nécessaires à la création des éléments plus lourds via d’autres processus.
À retenir
La fusion nucléaire assemble les noyaux légers comme l’hydrogène et produit de l’énergie. Elle est le moteur des étoiles et forge les éléments jusqu’au fer, avec une étape clé : la réaction triple alpha. Au-delà du fer, la fusion ne libère plus d’énergie.
La fission nucléaire : un rôle secondaire dans l’histoire des éléments
La fission est une réaction au cours de laquelle un noyau lourd et instable se scinde en deux noyaux plus légers en libérant de l’énergie. Toutefois, à l’échelle cosmique, cette énergie est négligeable : la fission n’intervient pas dans la nucléosynthèse stellaire et n’a pas d’importance énergétique dans l’Univers. Les éléments très lourds (au-delà du fer) se forment principalement par captures de neutrons. Deux processus existent :
le processus s (« captures lentes de neutrons ») qui a lieu dans les étoiles géantes rouges : le noyau a le temps de se désintégrer entre deux captures, ce qui conduit à la formation d’éléments comme le baryum ou le strontium.
le processus r (« captures rapides de neutrons ») qui se produit lors d’événements cataclysmiques comme les supernovae ou les collisions d’étoiles à neutrons : les neutrons sont capturés bien plus vite que le temps de désintégration, ce qui permet de former des éléments plus lourds tels que l’or ou le platine. L’observation en 2017 d’une collision d’étoiles à neutrons a confirmé que ces événements sont responsables de la formation d’éléments précieux comme l’or ou le platine.
Certains noyaux lourds instables formés par ces processus se désintègrent ensuite par radioactivité, phénomène découvert par Henri Becquerel en 1896 et approfondi par Marie et Pierre Curie. Le plomb, par exemple, est un produit final stable de chaînes de désintégration de l’uranium et du thorium. De tels noyaux peuvent aussi subir une fission spontanée, mais cette réaction intervient après leur formation et n’est pas à l’origine de leur existence.
Sur Terre, la fission est exploitée comme source d’énergie dans les réacteurs nucléaires et dans certaines armes, ce qui relie directement l’histoire nucléaire des étoiles aux enjeux énergétiques contemporains. Elle est également utilisée en médecine (production de radio-isotopes pour l’imagerie et la radiothérapie).
À retenir
La fission n’est pas un mécanisme de nucléosynthèse stellaire : elle affecte des noyaux lourds déjà formés. Son rôle est négligeable dans l’Univers, mais elle est exploitée sur Terre comme source d’énergie et en médecine. Les éléments au-delà du fer proviennent surtout des captures de neutrons (processus s et r).
L’histoire de l’Univers à la lumière des réactions nucléaires
La formation des éléments chimiques s’inscrit dans une chronologie cosmique. L’Univers a environ 13,8 milliards d’années. Le moment fondateur est le Big Bang, dont le modèle a été proposé par Georges Lemaître en 1927. Quelques minutes après, la nucléosynthèse primordiale produit les premiers noyaux d’hydrogène et d’hélium, ainsi que de très petites quantités de deutérium, d’hélium-3 et de lithium-7. Aucun élément plus lourd n’est produit à ce stade : pas de carbone ni d’oxygène dans l’Univers primitif. En 1948, les travaux de Ralph Alpher, Hans Bethe et George Gamow ont permis de comprendre cette origine des premiers noyaux. Puis, dans les années 1960, la détection accidentelle du fond diffus cosmologique par Arno Penzias et Robert Wilson a confirmé de manière spectaculaire la validité du modèle du Big Bang.
Des centaines de millions d’années plus tard, les premières étoiles et galaxies se forment : c’est en elles que la fusion commence à fabriquer le carbone, l’oxygène et d’autres éléments essentiels à la vie. Dans les étoiles géantes rouges, les captures lentes de neutrons (processus s) donnent naissance à de nombreux éléments au-delà du fer. Enfin, les supernovae et les collisions d’étoiles à neutrons enrichissent l’Univers en éléments encore plus lourds grâce aux captures rapides de neutrons (processus r).
Pour comprendre ces phénomènes, les scientifiques utilisent aussi les mathématiques. La radioactivité suit une loi de décroissance exponentielle : le nombre de noyaux restants décroît de moitié à chaque demi-vie écoulée, ce qui peut être modélisé par des suites géométriques. Ces propriétés sont utilisées pour la datation radioactive. Mais attention : le carbone 14 ne permet pas de dater tous les fossiles. Il est efficace seulement pour des restes organiques récents, de moins de 50 000 ans environ. Pour les roches ou les fossiles très anciens, d’autres isotopes radioactifs (comme l’uranium 238 ou le potassium 40) sont nécessaires. Les abondances relatives des éléments chimiques sont représentées sous forme de graphes comparant l’Univers, la Terre et les êtres vivants, ce qui montre la cohérence de cette histoire cosmique.
Ces découvertes ont aussi des applications directes :
La médecine nucléaire exploite les isotopes radioactifs pour l’imagerie ou la thérapie anticancéreuse.
La géologie utilise la datation radioactive pour reconstituer l’histoire de la Terre.
La recherche énergétique explore la fusion contrôlée avec le projet ITER, pour produire une énergie propre et quasi illimitée.
L’économie mondiale dépend des terres rares, éléments issus de processus stellaires, essentiels à nos technologies numériques.
Chaque atome de ton corps porte donc la trace de cette histoire cosmique : l’hydrogène de tes cellules est né dans les toutes premières minutes de l’Univers, le fer de ton sang a été forgé au cœur d’une étoile disparue, et des éléments rares comme l’or proviennent de phénomènes cataclysmiques qui ont marqué l’histoire de la Voie lactée.
À retenir
L’Univers (13,8 milliards d’années) suit une chronologie simple : Big Bang → nucléosynthèse primordiale (H, He, traces de D, He-3 et Li) → premières étoiles et galaxies. La fusion forge les éléments jusqu’au fer ; les processus s (captures lentes) et r (captures rapides) expliquent l’origine des éléments plus lourds. La radioactivité, décrite par des lois mathématiques de décroissance, permet datation et applications médicales, avec des limites précises selon les isotopes.
Conclusion
Des premiers instants du Big Bang aux explosions d’étoiles, la formation des éléments chimiques raconte un héritage stellaire. La fusion libère l’énergie qui fait briller les étoiles et produit de nouveaux noyaux, tandis que les captures de neutrons expliquent l’origine des éléments plus lourds. La fission ne joue qu’un rôle secondaire, limitée aux noyaux instables, et reste négligeable dans l’histoire de l’Univers. Mais sur Terre, elle est devenue une source d’énergie et un outil médical pour nos sociétés. Comme l’a dit Carl Sagan, « nous sommes faits de poussières d’étoiles » : chaque atome de ton corps est le témoin de cette aventure cosmique, reliant ton existence quotidienne à la dynamique des étoiles, aux avancées scientifiques de Lemaître, Alpher, Bethe, Gamow, Hoyle et Curie, et aux grands enjeux contemporains comme l’énergie et la santé.
