Introduction
Lorsque tu tiens un caillou dans ta main ou que tu passes une radio médicale, tu es peut-être en contact avec un phénomène invisible et pourtant fondamental : la radioactivité. Certains noyaux atomiques, instables par nature, se transforment spontanément en d’autres noyaux plus stables en émettant des particules ou des rayonnements. Cette découverte, faite en 1896 par Henri Becquerel, a montré pour la première fois un phénomène spontané, sans réaction chimique, révélant une propriété intime du noyau. Rapidement, Pierre et Marie Curie ont approfondi cette piste, isolant de nouveaux éléments radioactifs (polonium, radium). Quelques années plus tard, Ernest Rutherford a identifié les différents types de rayonnements (), formulé la loi de désintégration radioactive et ouvert la voie au modèle nucléaire de l’atome. La radioactivité est à la fois un outil puissant pour dater les âges géologiques, soigner certaines maladies et un phénomène qui exige de grandes précautions, car ses rayonnements peuvent être nocifs. Au XXe siècle, Irène et Frédéric Joliot-Curie ont découvert la radioactivité artificielle, ouvrant la voie à de nouvelles applications. Mais elle a aussi marqué l’histoire avec les bombes atomiques et les catastrophes nucléaires, rappelant les risques immenses associés à cette énergie.
L’instabilité des noyaux et la loi de décroissance radioactive
Tous les noyaux ne sont pas stables. La stabilité dépend du rapport entre le nombre de protons et de neutrons. Quand ce rapport est trop déséquilibré, le noyau peut se transformer : on dit qu’il est radioactif. Cette transformation s’accompagne de l’émission de particules ou de rayonnements, identifiés par Rutherford dès le début du XXe siècle :
Particules alpha () : ce sont des noyaux d’hélium (2 protons et 2 neutrons). Peu pénétrantes, elles sont arrêtées par une feuille de papier, mais très ionisantes (elles arrachent des électrons aux atomes).
Particules bêta () : ce sont des électrons () ou des positons () émis lors de la transformation d’un neutron en proton, ou l’inverse. Plus pénétrantes que les particules alpha, elles sont stoppées par quelques millimètres d’aluminium.
Rayonnements gamma () : ce sont des ondes électromagnétiques très énergétiques, sans masse ni charge. Très pénétrants, ils nécessitent des écrans de plomb ou de béton pour être atténués.
La radioactivité est aléatoire : impossible de prévoir quand un noyau précis va se désintégrer. Mais si l’on observe un grand nombre de noyaux, on constate une décroissance continue du nombre de noyaux restants, décrite par la loi de désintégration radioactive, formulée par Rutherford et Soddy en 1902 :
où est le nombre initial de noyaux, le temps écoulé et la demi-vie.
Pour comprendre cette loi, on peut utiliser deux représentations pédagogiques :
Les suites géométriques, qui donnent une vision simplifiée : au bout d’une demi-vie, il reste la moitié des noyaux, au bout de deux demi-vies, un quart, etc. Ce modèle discret est pratique pour raisonner.
La fonction exponentielle, qui décrit la décroissance réelle, continue et progressive dans le temps.
Les graphes de décroissance radioactive sont ainsi des courbes lisses, et non des paliers successifs.
À retenir
La radioactivité est un phénomène spontané qui résulte de l’instabilité de certains noyaux. Identifiée et décrite par Rutherford, elle obéit à une loi exponentielle continue, modélisée par des suites géométriques (simplifiées) ou par une fonction exponentielle (réelle).
La datation par la radioactivité
La loi de décroissance permet d’utiliser certains isotopes comme de véritables horloges naturelles. En mesurant la proportion de noyaux radioactifs restants et de noyaux produits, on peut estimer l’âge d’un objet ou d’une roche.
Un exemple célèbre est la datation au carbone 14. Formé en permanence dans l’atmosphère par les rayons cosmiques, il est intégré par les organismes vivants. À leur mort, l’apport cesse et le carbone 14 décroît avec une demi-vie de 5 730 ans. Cette méthode ne s’applique qu’aux restes organiques récents (bois, os, tissus…), jusqu’à environ 50 000 ans. Au-delà, la quantité de carbone 14 devient trop faible pour être détectable, ce qui explique pourquoi elle ne peut pas dater les fossiles anciens.
Pour les temps géologiques, on utilise d’autres isotopes à longue demi-vie, comme l’uranium 238 (4,5 milliards d’années) ou le potassium 40 (1,25 milliard d’années). C’est grâce à ces méthodes, appliquées aux météorites, que les scientifiques ont pu établir que la Terre s’est formée il y a environ 4,57 milliards d’années.
À retenir
Le carbone 14 permet de dater les matières organiques récentes (moins de 50 000 ans). Les isotopes à longue demi-vie, appliqués aux roches et météorites, ont permis de déterminer l’âge de la Terre (4,57 milliards d’années).
La radioactivité au service de la médecine et de la société
La radioactivité n’est pas seulement une horloge : elle est aussi un outil médical précieux. En imagerie, des isotopes comme le technétium-99m servent de traceurs pour visualiser le fonctionnement d’organes. En thérapie, la radiothérapie utilise des rayonnements ionisants pour détruire des cellules cancéreuses, et la curiethérapie place une source radioactive près de la tumeur. Un rayonnement est dit ionisant lorsqu’il possède assez d’énergie pour arracher un ou plusieurs électrons à un atome ou une molécule, modifiant sa structure chimique. Ces rayonnements peuvent provoquer des mutations dans l’ADN, c’est-à-dire des modifications durables du matériel génétique.
Ces applications exigent des précautions strictes. Pour quantifier l’exposition, on utilise deux unités :
Le Gray (Gy) mesure l’énergie absorbée par unité de masse,
Le Sievert (Sv) prend en compte l’effet biologique du rayonnement sur l’organisme.
Les personnels médicaux utilisent donc des protections (tabliers plombés, écrans) et limitent les temps d’exposition. Les doses reçues par les patients sont calculées avec précision pour maximiser l’efficacité tout en minimisant les risques.
Mais la société doit aussi gérer les risques environnementaux : pollution radioactive, stockage des déchets, accidents industriels. Les catastrophes de Tchernobyl (1986) et de Fukushima (2011) ont marqué l’histoire par leurs impacts sanitaires et écologiques durables. Enfin, la radioactivité a été utilisée à des fins militaires : les bombes atomiques de 1945 ont montré la puissance destructrice de cette énergie.
À retenir
La radioactivité est un outil médical et scientifique majeur, mais elle impose des règles strictes. Les doses reçues sont mesurées en Gray et en Sievert. Elle soulève aussi des enjeux environnementaux (déchets, accidents) et historiques (usage militaire).
Conclusion
La radioactivité est une propriété spontanée de certains noyaux, révélée par Becquerel et approfondie par les Curie, puis caractérisée par Rutherford qui identifia les types de rayonnements et formula la loi de désintégration. Elle obéit à des lois mathématiques précises comme la décroissance exponentielle. Elle a permis de dater la Terre (4,57 milliards d’années) grâce aux météorites et de soigner des millions de patients avec les isotopes médicaux. Mais elle pose aussi des défis de sécurité : protection des individus, gestion des déchets et prévention des risques. Elle illustre parfaitement la double face du progrès scientifique : source de découvertes et d’applications, mais aussi de dangers, qui exigent vigilance et responsabilité.
