La guerre du Golfe de 2003 et ses prolongements

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Dans cette leçon, tu vas analyser les conséquences géopolitiques de la guerre d’Irak de 2003, menée sans mandat clair de l’ONU. Tu comprendras comment cette intervention a fragilisé l’État irakien, alimenté les violences communautaires et favorisé l’émergence de Daech. Mots-clés : guerre d’Irak 2003, droit international, multilatéralisme, occupation américaine, guerre civile, État islamique.

Introduction

En mars 2003, les États-Unis et le Royaume-Uni lancent une intervention militaire contre l’Irak de Saddam Hussein, sans mandat explicite du Conseil de sécurité de l’ONU. Cette opération, officiellement baptisée « Operation Iraqi Freedom » (« Libération de l’Irak ») par les autorités américaines, est justifiée par la volonté de neutraliser des armes de destruction massive présumées et de lutter contre le terrorisme. Elle marque une rupture majeure avec le multilatéralisme — c’est-à-dire la coopération des États dans le cadre d’organisations internationales, en particulier l’ONU — en privilégiant une logique d’action unilatérale. Cette guerre, souvent appelée « seconde guerre d’Irak », s’inscrit dans le prolongement des tensions issues du conflit de 1991, mais inaugure une nouvelle séquence faite de violences armées, d’effondrement institutionnel et de déstabilisation régionale durable. Son étude permet de mieux comprendre les effets à long terme d’une guerre sans légitimité internationale claire.

Une intervention sans mandat explicite : contournement du droit international

Les États-Unis et le Royaume-Uni justifient leur intervention par la résolution 1441 adoptée en novembre 2002. Celle-ci rappelle que l’Irak est en « violation matérielle » de ses obligations de désarmement, mais elle ne donne pas automatiquement le droit d’employer la force. Elle prévoit le retour des inspecteurs et stipule que toute nouvelle violation devra faire l’objet d’un « examen par le Conseil de sécurité ». Aucune nouvelle résolution autorisant explicitement l’usage de la force n’a été votée.

Malgré cela, en mars 2003, les forces américaines et britanniques lancent l’invasion de l’Irak, sans l’aval formel du Conseil. Cette décision est critiquée par plusieurs puissances, dont la France, la Russie et la Chine. En septembre 2004, Kofi Annan, alors Secrétaire général de l’ONU, déclare que cette guerre est « contraire au droit international ».

Cette rupture avec le droit multilatéral et l’absence de consensus affaiblissent l’autorité de l’ONU. L’opération illustre l’usage stratégique du droit international par des puissances dominantes agissant en dehors du cadre collectif prévu par la Charte des Nations unies.

À retenir

L’intervention de 2003 repose sur une lecture controversée de la résolution 1441. En l’absence de mandat clair de l’ONU, elle rompt avec le multilatéralisme et fragilise l’autorité du droit international.

De la chute du régime à l’occupation : désintégration de l’État irakien

Le régime de Saddam Hussein s’effondre rapidement : Bagdad tombe en avril 2003, et l’ancien président est capturé en décembre. Mais l’après-guerre est marqué par une désorganisation totale. L’Autorité provisoire de la coalition (CPA), mise en place par les États-Unis, est dirigée par Paul Bremer. Celui-ci prend deux décisions majeures : la dissolution de l’armée irakienne et la politique de « débaasification », c’est-à-dire l’exclusion de tous les anciens membres du parti Baas des fonctions publiques.

Ce double démantèlement provoque un effondrement de l’appareil d’État et alimente un profond ressentiment, notamment dans la population sunnite, largement écartée du nouveau pouvoir. Dans ce contexte, des groupes armés émergent et mènent une guerre asymétrique — un affrontement inégal entre une armée régulière et des forces irrégulières recourant à des attentats, embuscades et guérillas urbaines. Les affrontements s’intensifient à Falloujah, Bagdad ou Najaf.

La CPA échoue à rétablir l’ordre et à bâtir des institutions légitimes. L’insécurité se généralise, et les espoirs d’une reconstruction rapide s’éloignent, tandis que la méfiance envers les forces d’occupation grandit dans une grande partie de la population.

À retenir

L’occupation de l’Irak par la CPA, marquée par la dissolution des structures étatiques et l’exclusion de nombreux Irakiens du pouvoir, favorise un long conflit asymétrique et une instabilité généralisée.

Une guerre civile interconfessionnelle et ingérences régionales

À partir de 2006, le pays bascule dans une guerre civile interconfessionnelle, c’est-à-dire un affrontement entre communautés religieuses, principalement entre sunnites et chiites. Ces deux branches de l’islam, qui se distinguent par leurs origines historiques et leurs visions du pouvoir religieux, s’opposent désormais dans un cadre d’effondrement étatique.

L’attentat contre le sanctuaire chiite d’Al-Askari à Samarra en février 2006 déclenche une vague de représailles, d’assassinats et de déplacements forcés de populations. Des milices armées s’organisent de part et d’autre : l’Armée du Mahdi, soutenue par l’Iran, du côté chiite ; des groupes sunnites insurgés, parfois liés à Al-Qaïda, du côté opposé.

La Constitution irakienne adoptée en 2005 instaure un fédéralisme théorique. En pratique, seule la région autonome du Kurdistan tire parti de cette autonomie, tandis que les autres provinces restent largement sous contrôle central ou disputées entre groupes armés.

L’Irak devient un espace de rivalité entre puissances régionales : l’Iran y accroît son influence, l’Arabie saoudite y soutient discrètement certaines factions sunnites, et la Turquie suit de près la situation dans le nord kurde. La guerre interne s’internationalise.

À retenir

À partir de 2006, l’Irak est plongé dans une guerre interconfessionnelle, nourrie par la faiblesse de l’État et par l’intervention croissante des puissances régionales.

L’émergence de Daech : un héritage de la guerre

Le retrait progressif des troupes américaines, achevé en 2011, laisse un pays profondément divisé, affaibli et sans structure institutionnelle solide. C’est dans ce contexte que se développe l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), plus connu sous le nom de Daech (acronyme arabe de son appellation). Ce groupe jihadiste parvient à conquérir de larges territoires à partir de 2013-2014.

Daech naît du croisement entre les réseaux d’Al-Qaïda en Irak — implantés depuis les années 2000 — et d’anciens cadres du régime baasiste exclus du pouvoir après 2003. À la différence d’Al-Qaïda, Daech se dote d’une logique territoriale : il cherche à contrôler un espace, à établir une administration et à imposer une théocratie autoritaire.

La guerre civile syrienne, à partir de 2011, favorise son expansion. L’effondrement des structures étatiques de part et d’autre de la frontière syro-irakienne permet à Daech de s’établir durablement, notamment à Mossoul en 2014. La proclamation d’un « califat » marque un tournant dans la dynamique jihadiste mondiale.

À retenir

Daech est l’héritier indirect de la guerre de 2003, mais aussi du chaos régional. Il naît de la convergence entre jihadistes et anciens cadres du régime irakien, et tire parti de l’effondrement des États irakien et syrien.

Conclusion

La guerre d’Irak de 2003, déclenchée sans mandat onusien, incarne une rupture profonde dans la régulation collective de la guerre. Elle illustre les conséquences d’une intervention militaire unilatérale sans stratégie de reconstruction cohérente. La chute de Saddam Hussein, loin d’ouvrir une phase de transition démocratique, provoque l’effondrement des institutions, la montée des violences intercommunautaires, l’ingérence régionale et la fragmentation durable du pays. L’émergence de Daech témoigne des effets différés d’une guerre mal préparée, dont les répercussions dépassent largement les frontières de l’Irak. Ce conflit rappelle les risques d’un usage sélectif du droit international et l’importance d’un cadre multilatéral pour prévenir les crises prolongées.