Introduction
Imagine une entreprise où chacun ferait ce qu’il veut : les ouvriers décideraient seuls de leurs horaires, les managers fixeraient leurs propres objectifs et les actionnaires distribueraient les bénéfices sans concertation. Très vite, un tel fonctionnement mènerait au chaos.
Pour qu’une entreprise fonctionne, il faut des règles, des responsables et des mécanismes de décision clairs. C’est ce que l’on appelle la gouvernance de l’entreprise. Celle-ci s’appuie sur des rapports d’autorité et sur des choix d’organisation de la décision (plus ou moins centralisée). Ces notions sont essentielles pour comprendre comment une entreprise s’organise, arbitre entre des intérêts divergents et cherche à améliorer sa performance.
La gouvernance de l’entreprise : organiser les rapports entre parties prenantes
La gouvernance désigne la manière dont une entreprise est dirigée et contrôlée. Elle définit la répartition du pouvoir entre différentes parties prenantes, c’est-à-dire les acteurs qui ont un intérêt dans son activité : actionnaires, dirigeants, salariés, clients, partenaires financiers, voire l’État. Ces parties prenantes n’ont pas toujours les mêmes intérêts : les actionnaires peuvent vouloir des dividendes élevés, tandis que les salariés privilégient l’augmentation des salaires ou les investissements qui sécurisent l’emploi. La gouvernance sert à gérer ces conflits potentiels.
On distingue deux grands modèles :
La gouvernance actionnariale (« shareholder ») met l’accent sur la valeur pour les actionnaires. Les organes centraux sont l’assemblée générale des actionnaires et le conseil d’administration, qui nomme les dirigeants et contrôle leur action au nom des propriétaires du capital.
La gouvernance partenariale (« stakeholder ») prend en compte l’ensemble des parties prenantes, pas seulement les actionnaires. C’est le cas dans certaines coopératives où s’applique le principe « une personne = une voix », quel que soit l’apport en capital, mais aussi dans les entreprises où le comité social et économique (CSE) représente les salariés dans les décisions importantes.
En France, le cadre juridique encadre la gouvernance à travers le droit des sociétés, qui impose par exemple des règles de transparence financière et des procédures de contrôle. Depuis la loi Pacte de 2019, les entreprises peuvent inscrire une « raison d’être » dans leurs statuts et devenir des « entreprises à mission », ce qui élargit la gouvernance à des objectifs sociaux et environnementaux, au-delà de la seule rentabilité financière.
Une gouvernance efficace limite les conflits d’intérêts, réduit les coûts de coordination et améliore la performance de l’entreprise.
À retenir
La gouvernance définit la manière dont l’entreprise est dirigée et contrôlée. Elle peut être actionnariale (au service des propriétaires) ou partenariale (intégrant d’autres acteurs comme les salariés). En France, la loi Pacte a élargi la gouvernance en introduisant la « raison d’être » et l’« entreprise à mission ».
L’autorité : un pouvoir légitime pour coordonner le travail
Au cœur de l’organisation de l’entreprise se trouve l’autorité, c’est-à-dire le pouvoir reconnu à une personne d’imposer des décisions et d’obtenir obéissance. Dans l’entreprise, cette autorité repose d’abord sur une légitimité formelle, issue du contrat de travail et de la hiérarchie : le supérieur a le droit d’ordonner, le subordonné l’obligation d’exécuter.
Le sociologue Max Weber a distingué plusieurs formes d’autorité :
Hiérarchique ou rationnelle-légale : elle découle des règles et de la position dans l’organigramme. Exemple : un directeur de production a le droit, en vertu de son poste, de donner des ordres aux chefs d’atelier. L’autorité hiérarchique repose donc sur la légalité et la reconnaissance institutionnelle.
Fonctionnelle ou fondée sur la compétence : elle vient de l’expertise technique et de la maîtrise d’un savoir. Exemple : un ingénieur capable de résoudre un problème complexe est suivi par ses collègues parce que sa compétence lui donne une légitimité particulière. Cette autorité n’est pas liée directement à la hiérarchie, mais au savoir-faire.
Charismatique : elle découle de la personnalité exceptionnelle d’un dirigeant, capable de susciter l’adhésion par son charisme. Exemple : Steve Jobs était suivi non seulement parce qu’il était PDG d’Apple, mais aussi parce que sa vision et son énergie inspiraient ses salariés.
Dans la réalité des entreprises, ces formes se combinent. L’autorité hiérarchique est centrale, mais elle peut être renforcée par la compétence ou le charisme, qui facilitent l’adhésion des équipes.
À retenir
L’autorité est un pouvoir légitime qui assure la coordination. Pour Weber, elle peut être hiérarchique (fondée sur la règle), fonctionnelle (fondée sur la compétence) ou charismatique (fondée sur la personnalité). Dans l’entreprise, ces formes s’articulent autour de la hiérarchie formelle.
Centralisation et décentralisation des décisions : trouver un équilibre
Une entreprise doit déterminer son mode de prise de décision : les choix sont-ils concentrés au sommet (centralisation) ou répartis entre différents niveaux hiérarchiques (décentralisation) ?
Dans un modèle centralisé, les décisions stratégiques et opérationnelles sont concentrées au siège. Exemple : une chaîne de restauration rapide où menus, prix et communication sont décidés au niveau national. Avantage : cohérence et maîtrise des coûts. Inconvénient : manque de réactivité locale.
Dans un modèle décentralisé, le pouvoir est délégué aux échelons locaux. Exemple : un groupe hôtelier qui laisse chaque établissement adapter ses services aux attentes régionales. Avantage : souplesse et meilleure adaptation au terrain. Risque : perte d’unité ou coûts de coordination plus élevés.
En pratique, les entreprises adoptent un compromis organisationnel : la stratégie générale, qui fixe les grandes orientations (développement à l’international, lancement d’un nouveau produit), reste centralisée, tandis que les décisions opérationnelles (adaptation aux besoins locaux, gestion des équipes) sont souvent décentralisées. Le choix dépend aussi de la taille de l’entreprise et de son secteur d’activité : une PME locale a plus de facilité à centraliser, tandis qu’une multinationale doit déléguer largement pour rester efficace.
À retenir
La centralisation concentre les décisions au sommet, la décentralisation les répartit. Les entreprises cherchent un compromis : la stratégie est centralisée, l’opérationnel décentralisé, pour concilier cohérence et adaptation.
Conclusion
La gouvernance, l’autorité et l’organisation de la prise de décision sont au cœur du fonctionnement de l’entreprise. La gouvernance, qu’elle soit actionnariale ou partenariale, doit arbitrer entre des intérêts divergents et intègre désormais, avec la loi Pacte, de nouveaux enjeux sociaux et environnementaux.
L’autorité, analysée par Max Weber, repose sur la hiérarchie mais peut être renforcée par la compétence ou le charisme. Enfin, le choix entre centralisation et décentralisation traduit la recherche d’un équilibre entre cohérence stratégique et efficacité opérationnelle. Ces mécanismes ne déterminent pas seulement la performance et la cohésion interne : ils conditionnent aussi la capacité des entreprises à innover et à s’adapter aux changements économiques.
