La Constitution de 1958 et la Ve République française

icône de pdf
Signaler
Dans cette leçon, tu apprendras comment la Constitution de 1958 a marqué un tournant dans l’histoire politique de la France, avec la création de la Ve République. Tu découvriras ses principales caractéristiques, comme le renforcement du pouvoir exécutif et la rationalisation du parlementarisme, et comment elle a façonné la stabilité politique du pays. Mots-clés : Constitution de 1958, Ve République, Charles de Gaulle, pouvoir exécutif, Parlement, Conseil constitutionnel.

Introduction

La Constitution de 1958 représente une rupture historique dans l’histoire politique de la France, établissant les bases d'un nouveau régime : la Ve République. Ce régime se distingue par un renforcement significatif du pouvoir exécutif tout en maintenant un équilibre avec le pouvoir législatif. Née dans un contexte de crise politique majeure, notamment en raison de la guerre d’Algérie, cette Constitution est portée par la volonté du général Charles de Gaulle de stabiliser le système politique français. Cette leçon retrace la genèse de cette Constitution, présente ses principales caractéristiques et évalue son impact sur le fonctionnement de la République française.

Le contexte historique de la Constitution de 1958

La France, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, vit sous la IVe République, un régime marqué par une forte instabilité politique. L’incapacité chronique des gouvernements à diriger efficacement, en raison des fréquents changements ministériels, aggrave cette situation. La guerre d’Algérie, qui éclate en 1954, accentue les divisions internes : le gouvernement français, profondément divisé sur l'indépendance algérienne, ne parvient pas à trouver de solution politique claire, exacerbant ainsi la crise institutionnelle.

En mai 1958, une crise décisive éclate : des partisans de l’Algérie française prennent le contrôle du gouvernement général à Alger et réclament le retour au pouvoir de Charles de Gaulle. Face au risque d'un coup d'État militaire et devant l’incapacité des autorités de la IVe République à résoudre cette crise, le président René Coty fait appel à de Gaulle. Ce dernier accepte à condition de pouvoir réformer les institutions. Le 1er juin 1958, de Gaulle est investi président du Conseil et obtient les pleins pouvoirs pour rédiger une nouvelle constitution.

La rédaction et l’adoption de la Constitution

La rédaction de la Constitution est confiée à un comité présidé par Michel Debré, alors ministre de la Justice, et composé d’experts en droit constitutionnel. Ce comité produit rapidement un texte soumis à référendum. La Constitution de 1958 est approuvée par une large majorité lors du référendum du 28 septembre 1958, avec plus de 79 % des suffrages exprimés en sa faveur. Elle est promulguée le 4 octobre 1958, marquant ainsi le début officiel de la Ve République.

Les caractéristiques de la Constitution de 1958

La Constitution de 1958 introduit des innovations majeures dans le fonctionnement des institutions françaises :

Renforcement de l’exécutif

Le président de la République voit ses pouvoirs considérablement renforcés. Élu initialement pour sept ans (réduit à cinq ans en 2000), il dispose de prérogatives importantes, telles que :

  • La nomination du Premier ministre : Bien que nommé par le président, le Premier ministre doit nécessairement avoir la confiance de l'Assemblée nationale. Cela assure un équilibre institutionnel entre l’exécutif présidentiel et la majorité parlementaire, garantissant une certaine stabilité gouvernementale.

  • La dissolution de l'Assemblée nationale : Le président peut dissoudre l'Assemblée nationale et provoquer des élections législatives anticipées.

  • Les pouvoirs exceptionnels en cas de crise grave : L'article 16 de la Constitution permet au président de prendre des mesures exceptionnelles pour protéger la République en cas de crise majeure. De Gaulle y a eu recours en 1961 lors du putsch d’Alger, mais il s’est abstenu de l’utiliser pendant les événements de mai 1968 malgré une situation tendue. Bien que, depuis 1958, il n'a donc été utilisé qu'une seule fois, l'existence de cet article est remis en question jusqu'à nos jours.

Ces prérogatives contribuent à une présidentialisation du régime ; le terme est récent mais c'est justement le renforcement du pouvoir présidentiel qui a été sujet à discussion, notamment lors des périodes de cohabitation, comme sous la présidence de François Mitterrand (deux cohabitations en 1986-1988 et en 1993-1995), où la coexistence d’un président et d’un Premier ministre issus de majorités politiques différentes met en évidence les tensions institutionnelles. L

Le rôle du Premier ministre

Le Premier ministre est responsable devant le Parlement, mais dispose d’une réelle autonomie pour mener la politique de la nation. Son pouvoir repose sur la confiance parlementaire, garantie d’un équilibre institutionnel. Cependant, il peut être limité par des dispositifs comme la procédure du 49-3.

Rationalisation du parlementarisme

Le Parlement, composé de l’Assemblée nationale et du Sénat, voit ses pouvoirs encadrés afin d’éviter l’instabilité gouvernementale. Les motions de censure sont soumises à des procédures strictes et le gouvernement peut recourir à l’article 49-3 pour adopter un texte sans vote, à moins qu’une motion de censure ne soit votée par l’Assemblée. Cette procédure a été utilisée à plusieurs reprises, par exemple lors des réformes des retraites sous les présidences de Jacques Chirac, François Hollande et plus récemment Emmanuel Macron.

Création du Conseil constitutionnel

Cette nouvelle institution veille au respect de la Constitution en contrôlant la conformité des lois. À partir de 1971, le Conseil élargit le bloc de constitutionnalité, intégrant la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, renforçant ainsi la protection des libertés publiques. Le Conseil constitutionnel joue un rôle majeur dans la régulation de la vie politique et juridique française.

L'impact de la Constitution de 1958

La Constitution de 1958 transforme profondément le paysage politique français, apportant une stabilité gouvernementale qui faisait défaut sous la IVᵉ République. La présidentialisation voulue par de Gaulle permet une action plus efficace de l'État, mais elle soulève aussi des critiques, certains dénonçant une concentration excessive du pouvoir présidentiel.

Les débats sur l’équilibre institutionnel restent ainsi d’actualité, comme en témoignent les réformes successives : réduction du mandat présidentiel à cinq ans en 2000, ou révision constitutionnelle de 2008 visant à renforcer les pouvoirs du Parlement.

Conclusion

La Constitution de 1958 constitue un tournant décisif dans l’histoire politique française. En instaurant la Ve République, elle apporte la stabilité nécessaire pour faire face aux défis de l’époque. Si elle a su s’adapter aux évolutions de la société française, les questions autour de l’équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif continuent d’animer le débat démocratique. En ce sens, cette Constitution demeure un pilier central des institutions françaises, offrant aux citoyens la possibilité de réfléchir aux évolutions institutionnelles face aux défis contemporains.