L'internationalisation de la chaîne de valeur

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Dans cette leçon, tu vas comprendre comment les firmes transnationales organisent la production à l’échelle mondiale en fragmentant les étapes selon les atouts de chaque pays. Tu verras aussi les avantages et les limites de ces chaînes de valeur mondiales, ainsi que les enjeux de souveraineté et de relocalisation. Mots-clés : chaînes de valeur mondiales, firmes transnationales, fragmentation de la production, relocalisation, compétitivité, souveraineté économique.

Introduction

Avec l’intensification de la mondialisation, de nombreux biens sont aujourd’hui produits dans plusieurs pays à la fois. Les étapes de conception, de fabrication, d’assemblage et de distribution sont réparties selon les avantages comparatifs de chaque pays : coûts salariaux, compétences, infrastructures ou fiscalité. Ce phénomène, piloté par les firmes transnationales (FTN), s’appelle l’internationalisation de la chaîne de valeur, ou chaîne de valeur mondiale (Global Value Chain, GVC). Il transforme profondément l’organisation de la production, le commerce international et les relations économiques entre États. Cette fragmentation permet de gagner en efficacité, mais soulève aussi des enjeux majeurs en matière de souveraineté, d’éthique, d’environnement et de géopolitique.

Le fonctionnement des chaînes de valeur mondiales

Une chaîne de valeur désigne toutes les étapes qui permettent de créer un produit, depuis sa conception jusqu’à sa distribution. Lorsqu’elles sont réparties entre plusieurs pays, on parle de chaîne de valeur mondiale.

Par exemple, dans le cas de l’iPhone (Apple) :

  • La conception est assurée aux États-Unis.

  • Les puces électroniques sont fabriquées à Taïwan.

  • L’écran provient du Japon ou de Corée du Sud.

  • L’assemblage final est réalisé en Chine.

  • La distribution mondiale est assurée depuis les grandes zones économiques (Amérique du Nord, Europe…).

Ce modèle repose sur la division internationale des tâches : chaque pays prend en charge l’étape qu’il peut réaliser de façon plus efficace ou moins coûteuse. Les FTN conservent le contrôle des fonctions stratégiques (recherche, marque, marketing) et sous-traitent les étapes de fabrication ou d’assemblage.

À retenir

Les chaînes de valeur mondiales permettent de répartir les étapes de production entre plusieurs pays selon leurs avantages comparatifs. Les FTN en assurent la coordination globale.

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Les logiques économiques de la fragmentation

L’internationalisation de la production répond à plusieurs objectifs :

  • Réduction des coûts : en externalisant les étapes intensives en main-d’œuvre vers des pays à bas salaires.

  • Accès à des savoir-faire spécifiques (ex. : électronique à Taïwan, textile au Bangladesh).

  • Proximité des marchés de consommation, pour s’adapter aux attentes locales ou réduire les délais.

  • Optimisation fiscale : certaines FTN utilisent les prix de transfert (prix fixés entre filiales d’un même groupe) pour transférer artificiellement les bénéfices vers des pays à faible fiscalité.

Ces chaînes s’appuient aussi sur des économies d’échelle (réduction du coût unitaire quand la production augmente), qui peuvent être internes à une entreprise ou externes grâce à la concentration d’activités similaires dans une même région.

À retenir

Les chaînes de valeur mondiales visent à produire plus efficacement en combinant spécialisation, technologie, logistique et stratégies fiscales.

Enjeux et critiques des chaînes de valeur mondiales

Avantages

Gains d’efficacité globaux.

Prix plus bas pour les consommateurs.

Accès au commerce mondial pour de nombreux pays en développement.

Limites

Dépendances critiques : certains pays deviennent vulnérables en cas de crise (exemple : pénurie de semi-conducteurs).

Captation de la valeur : la valeur ajoutée, c’est-à-dire la richesse réellement créée à chaque étape, est souvent concentrée dans les pays qui maîtrisent la technologie, la marque et la distribution.

Conditions sociales et environnementales dégradées : certaines entreprises externalisent dans des pays peu contraints sur le plan des droits sociaux ou de l’environnement.

Tensions géopolitiques : les tensions entre les États-Unis et la Chine, ou la course au contrôle de ressources critiques, révèlent les enjeux de pouvoir liés à la maîtrise des chaînes.

Face à ces critiques, des initiatives émergent :

  • Le commerce équitable ou les labels sociaux/environnementaux garantissent une rémunération plus juste et des conditions de production acceptables.

  • En France, la loi sur le devoir de vigilance (2017) impose aux grandes entreprises de surveiller le respect des droits humains et environnementaux tout au long de leur chaîne de sous-traitance.

À retenir

Les chaînes mondialisées créent de l’efficacité, mais génèrent des déséquilibres dans la répartition de la richesse, des vulnérabilités stratégiques et des risques sociaux et écologiques.

Reconfigurer les chaînes : relocalisation, résilience et souveraineté

La pandémie de Covid-19 et les crises géopolitiques ont conduit plusieurs États à repenser la dépendance aux chaînes de valeur mondiales. Trois types de réponses émergent :

  • Relocalisation : rapatrier certaines productions sur le sol national.

  • Relocalisation de proximité (nearshoring) : déplacer une activité vers un pays plus proche géographiquement.

  • Souveraineté économique : capacité à produire en autonomie ce qui est jugé vital.

Les États encouragent aussi des stratégies de réindustrialisation verte : relancer l’industrie sur leur territoire en investissant dans des technologies moins polluantes.

Ces réorganisations sont complexes et coûteuses, mais elles visent à améliorer la résilience (capacité à encaisser les chocs) et à sécuriser les approvisionnements essentiels.

À retenir

Face aux fragilités des chaînes mondiales, les États développent des stratégies de relocalisation, de transition écologique et de renforcement de leur autonomie productive.

Conclusion

L’internationalisation des chaînes de valeur est au cœur de l’économie mondiale contemporaine. Elle permet une production segmentée, optimisée à l’échelle planétaire, sous la direction des firmes transnationales. Si ce modèle a permis une baisse des coûts et une intégration des pays émergents, il génère aussi des inégalités dans la répartition de la valeur ajoutée, des dépendances critiques et des tensions géopolitiques croissantes. Les crises récentes ont ravivé les réflexions sur la résilience industrielle, la souveraineté économique et la nécessité de chaînes plus équitables et durables. Les politiques publiques, les consommateurs et les entreprises ont désormais un rôle à jouer pour orienter ces chaînes vers une logique plus responsable, s’appuyant sur des instruments concrets comme la loi sur le devoir de vigilance ou les certifications environnementales.