L'innovation et le progrès technique

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Dans cette leçon, tu vas explorer comment le progrès technique, moteur de la croissance, naît des choix économiques et de l’innovation. Tu comprendras aussi la dynamique de destruction créatrice, qui renouvelle les activités mais peut provoquer des bouleversements sociaux à accompagner. Mots-clés : progrès technique, innovation, croissance endogène, productivité, destruction créatrice, politiques publiques.

Introduction

Le progrès technique joue un rôle central dans les dynamiques de croissance économique. Il regroupe l’ensemble des transformations qui améliorent les méthodes de production, la qualité des produits ou l’organisation du travail. Ces évolutions permettent d’augmenter l’efficacité productive de l’économie. Contrairement à une vision ancienne où il apparaîtrait de manière imprévisible, le progrès technique est désormais considéré comme un phénomène endogène, produit par les choix économiques des agents, en particulier à travers l’innovation. Cette idée, au cœur des théories contemporaines, a été développée notamment par Paul Romer, économiste américain, prix de la Banque de Suède en sciences économiques en 2018 et figure des nouveaux keynésiens. Le progrès technique ne se limite pas à accompagner la croissance : il transforme profondément les structures économiques. En engendrant l’apparition de nouvelles activités tout en en faisant disparaître d’autres, il alimente ce que Joseph Schumpeter appelait la destruction créatrice. Comprendre cette dynamique est essentiel pour saisir les bouleversements actuels de l’économie et penser les politiques d’innovation.

Le progrès technique : une dynamique d’innovation qui accroît l’efficacité productive

Le progrès technique résulte d’un processus d’innovation. Celle-ci peut être technique (nouvelle machine), organisationnelle (nouvelle coordination des tâches), ou commerciale (nouveau canal de distribution). Elle permet d’accroître la production sans augmenter les quantités de facteurs mobilisés, c’est-à-dire en améliorant l’efficacité productive.

Cette efficacité se mesure par la productivité globale des facteurs (PGF), un indicateur qui évalue la part de la croissance économique qui ne s’explique ni par l’accumulation de capital, ni par l’augmentation de la quantité de travail. Dans les modèles de croissance, la PGF est souvent qualifiée de résiduelle, car elle reflète ce que seule l’amélioration de l’utilisation des facteurs permet d’expliquer. Elle est donc directement liée au progrès technique.

La théorie de la croissance endogène, développée entre autres par Paul Romer, insiste sur le fait que le progrès technique est produit par des choix économiques : investissement en R&D, formation, diffusion des connaissances. L’un des apports majeurs de cette théorie réside dans l’idée que les idées ont des rendements d’échelle croissants : plus une idée est utilisée, plus elle augmente l’efficacité productive. Par ailleurs, les idées sont un bien non rival : elles peuvent être utilisées par plusieurs agents en même temps sans s’épuiser, à la différence des ressources matérielles.

Cette caractéristique justifie l’intervention de l’État. En effet, les bénéfices sociaux de l’innovation sont souvent supérieurs aux bénéfices privés, ce qui entraîne un sous-investissement si l’on se repose uniquement sur les marchés. L’action publique peut alors soutenir la recherche, garantir les droits de propriété intellectuelle, mais aussi orienter les innovations via la commande publique (dans la santé, l’énergie, ou le numérique, par exemple) ou à travers des normes (environnementales, techniques ou sanitaires).

Plusieurs innovations récentes illustrent ce rôle combiné du public et du privé : les vaccins à ARN messager, les technologies solaires avancées ou les applications de l’intelligence artificielle résultent d’années d’investissements coordonnés.

À retenir

Le progrès technique repose sur l’innovation, qui permet d’augmenter la productivité globale des facteurs. Ce processus est endogène car il dépend des choix économiques et de l’intervention publique. Les idées, bien non rival aux rendements croissants, justifient un soutien actif à leur production et leur diffusion.

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La destruction créatrice : entre dynamisme économique et ruptures sociales

Le progrès technique transforme en profondeur l’économie. Il crée de nouvelles activités tout en en rendant d’autres obsolètes. Cette dynamique, qualifiée par Schumpeter de destruction créatrice, reflète la capacité de l’innovation à renouveler les structures productives.

Un exemple souvent cité est celui de l’entreprise Kodak. Si elle fut pionnière dans le développement de la photographie numérique dès les années 1970, elle n’a pas su transformer cette avance en avantage stratégique face à la montée des smartphones et au basculement vers une économie de services numériques. Ce cas illustre les freins à l’innovation interne : certaines entreprises, bien qu’innovantes, peuvent hésiter à transformer leur modèle économique, par peur de cannibaliser leurs produits historiques ou de perdre leur position dominante.

Cette dynamique se retrouve dans de nombreux secteurs. Le commerce de détail a été bouleversé par les plateformes de e-commerce, les services de transport par les applications de mobilité, et les médias traditionnels par les contenus en ligne. Si ces transformations permettent d’accroître l’efficacité et de satisfaire de nouveaux besoins, elles peuvent aussi déstabiliser des filières entières et fragiliser l’emploi.

La destruction créatrice peut donc engendrer des coûts sociaux importants. Les travailleurs dont les qualifications deviennent obsolètes peuvent connaître le chômage ou le déclassement. Certains territoires, trop dépendants d’activités menacées, peuvent entrer en déclin économique. Pour limiter ces effets, des politiques de reconversion, de formation continue, ou de mobilité professionnelle sont indispensables.

À retenir

Le progrès technique transforme l’économie en faisant apparaître de nouvelles activités et en en supprimant d’anciennes. Cette destruction créatrice stimule l’innovation et la croissance, mais elle peut provoquer des désajustements sociaux et territoriaux que l’action publique doit accompagner.

Conclusion

Le progrès technique est une composante incontournable des dynamiques de croissance. Il repose sur l’innovation et s’inscrit dans une logique endogène, fondée sur les décisions des entreprises, des institutions publiques et des individus. En améliorant l’efficacité productive, il permet une croissance durable à long terme. Mais ses effets ne sont pas neutres : en réorganisant les secteurs économiques, il provoque des ruptures qui nécessitent une attention particulière. Gouverner le progrès technique, c’est à la fois encourager l’innovation et anticiper ses conséquences. Dans un contexte de transitions numérique et écologique, cette capacité à orienter les innovations vers des objectifs collectifs est plus que jamais un enjeu décisif.