L’information fragmentée et horizontale à l’ère numérique

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Dans cette leçon, tu vas explorer comment l’ère numérique transforme la formation de l’opinion publique. Tu verras que la fragmentation des sources, la circulation horizontale sur les réseaux sociaux et le rôle des GAFAM redéfinissent les rapports de pouvoir autour de l’information, entre liberté, désinformation et influence géopolitique. Mots-clés : information numérique, opinion publique, réseaux sociaux, GAFAM, désinformation, démocratie.

Introduction

En janvier 2021, l’assaut du Capitole à Washington a été suivi en direct par des millions de personnes dans le monde. Mais l’événement n’a pas été raconté d’une seule voix : images amateurs diffusées sur Twitter, vidéos en direct sur Facebook, articles de presse en ligne, commentaires instantanés sur TikTok ou YouTube.

La diffusion massive de fausses informations sur l’élection présidentielle américaine a nourri la colère de certains groupes et contribué à l’assaut. Cette scène illustre une mutation profonde : à l’ère numérique, l’information est fragmentée (une multitude de sources) et horizontale (chacun peut produire et diffuser). Ces transformations, au cœur du thème HGGSP « L’information à l’ère numérique », posent une question centrale : comment l’opinion publique se forme-t-elle quand les flux d’information échappent aux circuits traditionnels et deviennent un enjeu de pouvoir entre États, entreprises et citoyens ?

La fragmentation des sources d’information

Avec Internet, l’information n’est plus concentrée entre les mains de quelques grands médias (presse, radio, télévision). Elle est désormais produite par une multitude d’acteurs : journalistes professionnels, blogueurs, associations, influenceurs, plateformes collaboratives comme Wikipédia, ou encore simples citoyens filmant une scène avec leur smartphone.

Cette abondance rend l’accès à l’information plus riche et diversifié. Mais elle entraîne une fragmentation : l’information est éclatée entre des milliers de sites, blogs, chaînes YouTube ou comptes sociaux. Cette dispersion complique la vérification et rend difficile l’établissement d’une vérité partagée. Pour l’opinion publique, cela signifie que les références collectives se dispersent : chacun ne s’informe plus dans les mêmes lieux ni au même rythme.

Exemple : un graphique du Reuters Institute (2022) montre que moins de 40 % des jeunes Européens consultent régulièrement les médias traditionnels en ligne, tandis que plus de 70 % s’informent principalement via les réseaux sociaux. Cela illustre la fragmentation des pratiques d’information et ses effets sur la construction de l’opinion publique.

À retenir

La fragmentation diversifie les voix mais fragilise la possibilité d’une opinion publique commune, car les citoyens ne partagent plus les mêmes références informationnelles.

La circulation horizontale sur les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux reposent sur une logique horizontale : l’information ne descend plus uniquement des institutions vers les citoyens, mais circule de personne à personne, en temps réel.

Cette horizontalité a des effets positifs. Elle permet une diffusion rapide, parfois salvatrice, comme lors des printemps arabes (2011). Ils n’en furent pas la cause directe, mais un relais décisif : vidéos amateurs et hashtags ont contourné la censure et permis aux mobilisations de se faire entendre à l’international.

Mais cette horizontalité a aussi un revers. Les algorithmes privilégient les contenus les plus vus ou partagés, pas nécessairement les plus fiables. Le concept de « bulle de filtres », théorisé par Eli Pariser en 2011, montre que chacun est enfermé dans un univers informationnel qui renforce ses croyances. Cette logique accentue la polarisation de l’opinion publique : les débats collectifs se transforment en affrontements entre communautés fermées.

Exemple : une capture d’écran d’un fil Twitter autour de la pandémie de Covid-19 montre la juxtaposition de témoignages fiables, de débats scientifiques et de fausses informations circulant sans hiérarchie, ce qui brouille la compréhension du public.

À retenir

La circulation horizontale favorise une information rapide et participative mais enferme parfois les individus dans des bulles de filtres, qui polarisent l’opinion publique et amplifient la désinformation.

Les nouveaux rapports de pouvoir : États, GAFAM et opinion publique

L’ère numérique ne transforme pas seulement les pratiques d’information : elle redessine les rapports de pouvoir. Les États cherchent à influencer l’opinion via la communication officielle, mais ils doivent composer avec les grandes plateformes privées.

On parle souvent des GAFAM : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. Ce sigle désigne les principales entreprises américaines du numérique, devenues des acteurs dominants de l’information en ligne. Parfois, on leur associe d’autres sigles comme « Big Tech » ou « NATU » (Netflix, Airbnb, Tesla, Uber). Pour un élève, il suffit de retenir que les GAFAM contrôlent des outils ou plateformes qui organisent l’accès à l’information mondiale.

Ces entreprises disposent d’un pouvoir géopolitique inédit : elles peuvent décider de supprimer des contenus, suspendre des comptes politiques ou, au contraire, laisser circuler des messages de propagande. Les États utilisent aussi ces plateformes comme outils de guerre informationnelle. La guerre en Ukraine en fournit un exemple : la Russie diffuse de la propagande numérique et des deepfakes, tandis que l’Ukraine mobilise Twitter et TikTok pour rallier l’opinion internationale.

La désintermédiation accentue ces tensions : les médiateurs traditionnels (journalistes, agences de presse) ne sont plus les seuls filtres de l’information. Désormais, ils sont en concurrence directe avec des sources non professionnelles (influenceurs, groupes militants, comptes anonymes) qui ne respectent pas les mêmes règles de vérification. Leur rôle évolue : plutôt que d’apporter les nouvelles en premier, ils doivent surtout affirmer leur crédibilité et garantir la vérification face au flot informationnel.

Exemple : l’affaire Cambridge Analytica (2016) a montré comment les données personnelles récoltées sur Facebook ont servi à cibler des électeurs américains avec des messages politiques personnalisés, influençant directement la formation de l’opinion publique.

À retenir

L’information numérique place l’opinion publique au cœur d’une bataille de pouvoir entre États, plateformes privées et journalistes. Les GAFAM deviennent des acteurs géopolitiques majeurs, tandis que les professionnels de l’information doivent redéfinir leur rôle.

Conclusion

L’information numérique est à la fois plus ouverte et plus fragile. Fragmentée entre d’innombrables sources et circulant horizontalement sur les réseaux sociaux, elle redonne une voix aux citoyens mais expose l’opinion publique à la désinformation et à la polarisation.

Cette évolution s’inscrit dans une histoire longue : après la guerre du Vietnam, premier conflit « télévisé », la guerre du Golfe en 1991 marque une étape pré-numérique, dominée par CNN et le contrôle des images par l’armée américaine. L’ère numérique prolonge ce basculement : la circulation devient horizontale, rapide et difficile à encadrer. De l’élection américaine de 2016 à la guerre en Ukraine, les crises récentes confirment que l’information est devenue une arme stratégique. Développer un esprit critique et analyser les documents (articles, graphiques, discours, captures d’écran) est indispensable pour comprendre comment se construit aujourd’hui l’opinion publique dans les démocraties.