L’identité humaine dépend-elle davantage de l’inné ou de l’acquis ?

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Dans cette leçon, tu découvriras comment l’identité humaine se construit entre ce que nous recevons à la naissance (l’inné) et ce que nous devenons grâce à la culture, à l’éducation et aux expériences. Tu apprendras à dépasser l’opposition entre nature et culture pour comprendre leur interaction dans la formation de chacun. Mots-clés : identité, inné, acquis, culture, nature, éducation

Chaque individu naît avec certaines caractéristiques physiques : un patrimoine génétique, un tempérament, une sensibilité. Mais au fil du temps, il évolue, apprend une langue, s’inscrit dans une culture, tisse des liens sociaux. Cela pose une question fondamentale : sommes-nous ce que la nature a fait de nous, ou ce que nous devenons à travers l’éducation, les expériences et la culture ?

Autrement dit, l’identité humaine — ce qui fait qu’un individu est ce qu’il est — relève-t-elle davantage de l’inné (ce qui est transmis biologiquement, antérieur à toute expérience), ou de l’acquis (ce qui résulte de l’environnement, de la culture, de l’histoire personnelle) ? Nous verrons d’abord que la nature semble poser des repères initiaux déterminants, puis que la culture transforme profondément ce que l’individu devient, avant d’interroger la possibilité d’une articulation plus souple entre ces deux dimensions.

L’inné : une part de notre identité est inscrite dans la nature

L’idée que l’identité humaine repose sur des bases naturelles s’appuie d’abord sur l’existence d’un patrimoine génétique qui détermine des traits fondamentaux : couleur des yeux, prédispositions biologiques, et, selon certains travaux, des éléments de tempérament ou de réactivité émotionnelle.

Dans cette perspective, l’individu ne naît pas vierge : il hérite d’un ensemble de caractéristiques — ce que l’on appelle son génotype — qui oriente en partie son développement. Il ne s’agit pas de dire qu’un gène « produit » directement un comportement ou une pensée, mais que certaines prédispositions peuvent rendre plus probable l’émergence de certaines aptitudes ou vulnérabilités, selon l’environnement dans lequel elles se manifestent.

Dans Le Ménon, Platon évoque la théorie de la rémiscence, selon laquelle apprendre, c’est se souvenir de vérités déjà présentes dans l’âme. Cette conception présuppose que l’homme possède en lui, dès la naissance, des contenus fondamentaux, comme les vérités mathématiques ou les idées morales, qu’il ne fait que redécouvrir. L’identité humaine reposerait alors sur une essence préexistante, que la vie incarnée viendrait obscurcir, mais non créer.

Cette position peut paraître extrême, mais elle invite à considérer que l’être humain porte déjà en lui des virtualités. Pourtant, ces virtualités ne suffisent pas à déterminer ce que l’individu deviendra effectivement : il faut encore les actualiser.

L’acquis : l’individu se forme à travers l’éducation, la culture et l’histoire

L’identité humaine ne se réduit pas à un ensemble de traits biologiques : elle se déploie dans le temps, à travers l’apprentissage, les interactions sociales et la transmission culturelle. C’est ce que souligne Émile Durkheim, pour qui l’homme devient un être social par l’éducation, qui lui permet d’intérioriser les normes, les valeurs et les rôles de sa société.

De manière plus générale, la culture façonne profondément notre manière de penser, de sentir et de percevoir le monde. Le langage que nous apprenons structure notre vision des choses ; les récits et traditions auxquels nous sommes exposés orientent notre imaginaire ; les institutions (famille, école, État) organisent nos comportements.

Claude Lévi-Strauss, dans Race et histoire, insiste sur le fait que la diversité des cultures humaines montre à quel point l’identité est acquise : selon les sociétés, les valeurs, les normes et les représentations du monde diffèrent radicalement. Cela indique que l’être humain est fondamentalement plastique, capable de s’adapter à des environnements très variés.

Même les traits que l’on croit naturels — goûts, croyances, préférences — sont largement modelés par l’environnement. On ne naît pas avec une langue, une nationalité ou une profession : on les intègre progressivement, parfois même de manière inconsciente. L’identité est donc un processus, un devenir qui dépasse les données initiales.

Une interaction complexe : l’identité humaine se construit à l’articulation de l’inné et de l’acquis

Plutôt que d’opposer radicalement inné et acquis, il convient de reconnaître que l’identité humaine se construit à l’articulation des deux. L’individu n’est ni une pure donnée naturelle, ni une simple construction sociale : il est le lieu d’un dialogue entre nature et culture.

Le philosophe Aristote, dans Éthique à Nicomaque, décrit l’homme comme un être de potentialité, qui ne devient pleinement lui-même qu’en accomplissant ce qu’il a en puissance. Ainsi, si la nature nous donne certaines dispositions, c’est par l’habitude, l’éducation et l’exercice que nous formons notre caractère moral.

Les recherches contemporaines en biologie et en psychologie du développement confirment ce modèle interactionniste : le développement humain est dépendant de facteurs à la fois internes et externes. Par exemple, un enfant peut avoir une disposition naturelle à la coordination motrice, mais c’est l’environnement familial, scolaire ou culturel qui orientera la manière dont cette capacité sera encouragée, valorisée ou inhibée.

L’identité humaine est donc une construction évolutive, au croisement de données naturelles et de parcours personnels. La liberté humaine ne consiste pas à nier ce qui est reçu, mais à élaborer une relation singulière avec cet héritage.

Conclusion

L’identité humaine ne peut être réduite ni à l’inné biologique, ni à l’acquis culturel. Elle repose sur une tension créatrice entre ce que nous recevons à la naissance et ce que nous construisons dans le temps. La nature nous fournit des dispositions, mais c’est la culture, l’histoire personnelle et les relations sociales qui leur donnent forme. L’identité n’est donc pas un bloc figé, mais une trajectoire, un équilibre toujours en mouvement entre héritage et invention de soi.