Instruction publique et démocratie : le projet des Lumières

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Dans cette leçon, tu comprends comment les Lumières et la Révolution française ont fait de l’instruction un droit fondamental, lié à la liberté, à la raison et à la citoyenneté. Tu étudies les propositions de Condorcet et des révolutionnaires pour une école laïque, égalitaire et formatrice de citoyens. Mots-clés : Condorcet, instruction publique, école républicaine, éducation Révolution française, Lumières, laïcité.

Introduction

À la fin du XVIIIe siècle, les sociétés européennes entament une réflexion décisive sur le rôle de l’éducation dans l’organisation politique. Dans le sillage des Lumières, un projet inédit s’affirme : créer un système d’instruction publique, conçu non comme un privilège social ou religieux, mais comme un droit universel. Loin de se limiter à l’enseignement des savoirs, ce projet articule étroitement instruction, liberté et citoyenneté.

Cette ambition prend forme avec une force nouvelle à travers les Cinq Mémoires sur l’instruction publique (1791-1792) rédigés par Condorcet, qui propose une école gratuite, laïque, égalitaire et étendue à toute la population. Mais il n’est pas seul à penser l’éducation dans une visée politique : d’autres révolutionnaires, comme Robespierre ou Saint-Just, insistent sur la dimension morale et civique de l’enseignement, bien que leur réflexion reste moins structurée.

Ce moment fondateur révèle plusieurs tensions majeures : entre instruction et éducation, entre raison individuelle et autorité religieuse, entre égalité d’accès et hiérarchies sociales. Ces tensions nourriront les débats éducatifs bien au-delà de la période révolutionnaire.

L’instruction au cœur du projet politique des Lumières

L’un des principes fondateurs des Lumières est de lier directement l’instruction à l’émancipation. Un peuple privé de savoirs, de capacités d’analyse ou de lecture critique ne peut ni comprendre ses droits, ni participer à la vie publique. À l’inverse, un peuple instruit est capable d’exercer sa liberté, de juger par lui-même, de prendre part à la délibération collective.

Dans ses Cinq Mémoires sur l’instruction publique, Condorcet affirme que l’instruction est un droit naturel, au même titre que la liberté ou la sûreté. Il insiste sur son caractère universel : elle doit concerner tous les citoyens, sans distinction de sexe ni de classe. L’objectif n’est pas seulement de transmettre des connaissances, mais de permettre à chacun de développer sa capacité de raisonnement, d’analyser les faits et de faire des choix éclairés.

Condorcet insiste également sur la nécessité de libérer l’école de toute forme de contrôle religieux. Pour lui, la transmission des savoirs doit être indépendante des dogmes : c’est à la raison humaine seule qu’il revient d’examiner, de juger, de comprendre. L’instruction publique doit donc être laïque afin de garantir une liberté de conscience véritable.

À retenir

Pour les Lumières, l’instruction est inséparable de la liberté politique. Elle permet à chacun d’exercer un jugement autonome et garantit l’indépendance à l’égard des autorités religieuses ou traditionnelles.

Le projet éducatif de Condorcet : égalité, laïcité et organisation rationnelle

Condorcet conçoit un système d’instruction organisé selon une progression structurée : écoles primaires dans toutes les communes, écoles secondaires, instituts spécialisés, et formations pour adultes. Il imagine une société dans laquelle chacun, à tout âge, peut accéder à des savoirs adaptés à ses besoins et à son niveau. Cette dimension anticipatrice, bien que présente dans sa pensée, ne correspond pas à ce que l’on appelle aujourd’hui la formation continue.

Il accorde une attention particulière à l’instruction des filles, qu’il juge indispensable à l’avancement de la société. Mais il ne défend pas une égalité totale des contenus : l’éducation des filles doit rester, selon lui, orientée vers leur rôle dans la famille et la société. En particulier, il ne prévoit pas pour elles un accès équivalent à l’enseignement scientifique. Son projet représente une avancée notable, mais reste limité par les mentalités de son temps.

La laïcité est un pilier central de sa conception. L’école doit être indépendante des Églises et délivrer un enseignement fondé sur la raison, l’expérience et l’esprit critique. Elle vise ainsi à produire des citoyens éclairés, capables de se forger une opinion sans subir d’influence extérieure.

À retenir

Condorcet propose un système éducatif progressif, laïque et étendu à tous. Il défend l’instruction des filles, bien qu’il ne remette pas totalement en cause la différenciation des savoirs. Son projet reste novateur, tout en étant marqué par les limites de son époque.

Les révolutionnaires : instruction, vertu et transformation sociale

À côté du projet structuré de Condorcet, plusieurs révolutionnaires, comme Robespierre, Saint-Just ou Lepeletier de Saint-Fargeau, abordent l’éducation dans leurs discours et propositions. Leur pensée est moins systématique, mais elle éclaire une autre dimension du lien entre instruction et société.

Pour eux, l’éducation doit former des citoyens vertueux, dévoués au bien commun, et capables de sacrifier leurs intérêts personnels pour l’intérêt général. Elle n’a pas seulement pour fonction de transmettre des savoirs, mais aussi de façonner des caractères, des sensibilités et des comportements républicains. L’école devient ainsi un lieu de formation morale et civique.

Ils insistent également sur les conditions sociales de l’émancipation. L’instruction seule ne suffit pas : elle doit s’accompagner de réformes économiques, d’une réduction des inégalités, et d’un accès concret à la culture et aux droits. Former un citoyen libre suppose de lui garantir les moyens matériels de l’être.

Enfin, ces débats font émerger une distinction encore aujourd’hui discutée : celle entre instruction (acquisition des savoirs) et éducation (formation globale de la personne). L’école ne doit pas seulement apprendre à lire, écrire ou compter ; elle doit aussi préparer l’individu à vivre en société, à juger, à débattre, à décider.

À retenir

Les révolutionnaires associent l’éducation à la formation civique et morale. Leur pensée met en lumière la nécessité de lier instruction et transformation sociale, pour rendre l’émancipation réellement possible.

Conclusion

Avec les Lumières, l’instruction publique devient une condition de la liberté politique et du progrès démocratique. Le projet porté par Condorcet affirme une laïcité rigoureuse, une organisation rationnelle des savoirs et une certaine ouverture à l’instruction des filles. Les révolutionnaires, quant à eux, insistent sur sa dimension morale et sociale. Ces débats fondateurs continuent de nourrir les réflexions contemporaines sur les finalités et les conditions d’une éducation réellement émancipatrice.