Introduction
Face au dérèglement climatique, l’un des indicateurs les plus utilisés pour évaluer l’impact des activités humaines est l’empreinte carbone. Selon le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), il s’agit de la quantité totale de gaz à effet de serre (GES) émise directement ou indirectement par une activité, un individu, un pays ou une organisation. Cet indicateur est essentiel pour mesurer les responsabilités différenciées dans la crise climatique, et pour guider les stratégies d’atténuation.
Cette leçon précise la notion d’empreinte carbone, ses méthodes de calcul, les inégalités qu’elle révèle, et son rôle dans les scénarios d’évolution du climat élaborés par le GIEC pour le XXIe siècle.
Qu’est-ce que l’empreinte carbone ?
L’empreinte carbone correspond à la quantité totale de gaz à effet de serre émise, exprimée en équivalent dioxyde de carbone (CO₂e), pour produire et consommer un bien, un service, ou pour faire fonctionner une activité humaine. L’unité « CO₂e » permet de comparer tous les GES selon leur pouvoir de réchauffement global.
On distingue deux types d’émissions :
les émissions directes, générées localement (ex. : chauffage, déplacements en voiture).
les émissions indirectes, liées à la fabrication ou au transport de biens et services, souvent produits à l’étranger (ex. : alimentation importée, produits numériques).
L’empreinte carbone prend donc en compte les émissions sur l’ensemble du cycle de vie des biens et services, indépendamment du lieu de production. On parle d’approche par la consommation, par opposition aux calculs fondés uniquement sur les émissions territoriales.
À retenir
L’empreinte carbone mesure les émissions totales liées à un mode de vie ou à une activité.
Elle inclut les émissions directes et indirectes, localisées ou délocalisées.
Elle est exprimée en tonnes de CO₂ équivalent (CO₂e) par an.
Inégalités et disparités d’empreinte
L’empreinte carbone est très variable selon les pays, les individus, et les niveaux de consommation :
Les pays à hauts revenus ont une empreinte beaucoup plus élevée que les pays en développement.
Les 10 % les plus riches de la population mondiale sont responsables de près de 50 % des émissions, tandis que les 50 % les plus pauvres n’en émettent qu’environ 10 % (Oxfam, 2020).
En France, l’empreinte carbone moyenne par habitant est estimée à 9 à 10 tonnes de CO₂e par an, selon l’approche consommation. Elle se répartit entre plusieurs postes :
logement (chauffage, électricité, eau chaude).
transports (voiture, avion, transports collectifs).
alimentation (production, transformation, emballage, transport).
biens et services (équipements, numérique, santé, loisirs…).
Ces disparités révèlent que les modes de vie ont un impact climatique très inégal, souvent proportionnel au niveau de revenu.
À retenir
L’empreinte carbone mondiale est très inégalement répartie.
Les plus riches sont responsables d’une part disproportionnée des émissions.
En France, l’empreinte moyenne par habitant est estimée à 9–10 tCO₂e/an (approche consommation).
Objectifs climatiques et budgets carbone
Pour stabiliser le climat, l’Accord de Paris (2015) vise à limiter le réchauffement bien en dessous de +2 °C, et si possible à +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Ces objectifs s’appuient sur les travaux du GIEC, qui établit des budgets carbone mondiaux : c’est la quantité maximale de CO₂ que l’humanité peut encore émettre pour respecter un certain seuil de réchauffement.
Pour une probabilité de 67 % de rester sous +1,5 °C, le budget carbone restant est estimé à environ 250 milliards de tonnes de CO₂ (estimation 2023). Ce chiffre est sujet à révision, car il dépend notamment des incertitudes liées aux rétroactions climatiques (comme la fonte du permafrost ou la baisse de l’albédo arctique).
Les émissions mondiales actuelles de CO₂ liées aux activités humaines s’élèvent à environ 40 milliards de tonnes par an, hors autres GES. À ce rythme, le budget pour rester sous +1,5 °C serait épuisé en moins de 7 ans.
Cela signifie que pour respecter ce seuil, il faudrait ramener l’empreinte carbone individuelle moyenne mondiale à environ 2 tonnes de CO₂e par an, soit une réduction de 75 à 80 % dans les pays développés.
À retenir
Le budget carbone mondial est limité et s’épuise rapidement.
Il dépend des politiques climatiques, mais aussi de rétroactions naturelles difficilement maîtrisables.
Pour tenir les objectifs de Paris, il faut réduire fortement l’empreinte carbone moyenne.
Scénarios d’avenir selon le GIEC
Les scénarios climatiques établis par le GIEC reposent sur deux axes combinés :
des trajectoires socio-économiques partagées (SSP), qui décrivent des évolutions plausibles de la société ;
des chemins de concentration représentatifs (RCP), qui traduisent l’impact radiatif des GES (en W/m²) à l’horizon 2100.
Exemples de scénarios :
SSP1–1.9 : coopération internationale, sobriété, technologies propres, forte atténuation. Réchauffement limité à +1,5 °C.
SSP2–4.5 : trajectoire médiane, politiques d’atténuation progressives. Réchauffement d’environ +2,7 °C.
SSP5–8.5 : dépendance aux énergies fossiles, forte croissance économique et consommation énergétique. Réchauffement pouvant dépasser +4 °C.
Le scénario SSP5–8.5 est aujourd’hui considéré comme moins probable au vu des politiques climatiques engagées, même s’il reste utilisé à titre exploratoire pour illustrer les risques d’inaction.
Chaque scénario est associé à des conséquences climatiques spécifiques :
montée du niveau des mers ;
augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements extrêmes ;
perte de biodiversité, stress hydrique, déplacements de populations.
À retenir
Les scénarios du GIEC modélisent les effets du climat selon les trajectoires d’émissions.
Le respect des seuils climatiques nécessite de suivre les trajectoires les plus sobres.
Les politiques actuelles influencent fortement la trajectoire suivie.
Conclusion
L’empreinte carbone est un indicateur clé pour comprendre les effets des activités humaines sur le climat. Elle permet de relier consommation, production et responsabilité environnementale.
Les budgets carbone et les scénarios climatiques du GIEC montrent que l’humanité dispose encore d’une marge d’action, mais que celle-ci est limitée dans le temps. Réduire notre empreinte carbone est une condition nécessaire pour limiter le réchauffement climatique, dans une logique de justice climatique et de solidarité mondiale. Les choix faits aujourd’hui détermineront les conditions de vie des générations futures.
