Electronégativité, liaison polarisée et polarité d'une molécule

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Découvre le concept d'électronégativité et son rôle dans la polarisation des liaisons chimiques ! Tu vas apprendre comment l'électronégativité influence la distribution des électrons dans une liaison covalente et comment cela conduit à la formation de liaisons polarisées. Explore aussi comment la polarité des molécules affecte leurs propriétés physico-chimiques, comme les températures de fusion et d'ébullition. Mots-clés : électronégativité, liaison polarisée, moment dipolaire, molécule polaire, molécule apolaire, propriétés physico-chimiques.

I. Notion d'électronégativité

  • L'électronégativité est une grandeur relative (sans unité) mesurant l'aptitude d'un atome BB à attirer vers lui les électrons d'une liaison qui le lie à un atome AA voisin.

  • Il existe plusieurs échelles permettant d'affecter une valeur d'électronégativité aux atomes (échelle de Mulliken, échelle de Pauling).

  • Évolution générale de l'électronégativité dans la classification périodique des éléments :

    \circ\quad Sur une période donnée, l'électronégativité augmente lorsqu'on se déplace de gauche à droite ;

    \circ\quad Dans une colonne donnée, l'électronégativité augmente lorsqu'on se déplace de bas en haut ;

    \circ\quad Ainsi, l'élément le plus électronégatif est le fluor FF (la colonne des gaz rares est exclue de cette considération, les gaz rares étant peu électronégatifs).

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II. Liaison polarisée

  • Liaison polarisée :

    Une liaison covalente est polarisée dès que les deux atomes liés ont des électronégativités différentes, ce qui est le cas généralement quand les deux atomes impliqués dans la liaison sont différents.

  • Exemple de liaison polarisée "classique" :

    Prenons comme exemple la molécule de chlorure d'hydrogène HClHCl. Le chlore étant plus électronégatif que l'hydrogène, les électrons de la liaison covalente entre HH et ClCl sont plus attirés par ClCl que par HH. Si on zoomait sur le doublet d'électrons liant HH et ClCl, on constaterait localement un excès de charges négatives sur ClCl (q-q) et un défaut de charges négatives (ou encore un excès de charges positives) sur HH (+q+q). La liaison est alors équivalente à un doublet de charges (q,+q)(-q,+q) séparées d'une distance dd, soit un dipôle électrique. La liaison est dite polarisée.

    Les charges q-q et +q+q, où q>0q > 0, sont appelées charges partielles, car on peut écrire q=δeq = \delta \cdot e, où 0δ<10 \leq \delta < 1 et ee est la charge électrique élémentaire valant 1,61019C1,6 \cdot 10^{-19} \, \text{C}. On note parfois δ+=+q\delta^+ = +q et δ=q\delta^- = -q les charges partielles.

  • Moment dipolaire p\vec{p} :

    \circ\quad On note p\vec{p} le moment dipolaire d'une liaison covalente polarisée. C'est un vecteur colinéaire à la liaison et orienté du pôle négatif vers le pôle positif de la liaison (qui est équivalente à un dipôle électrique).

    \circ\quad La norme de ce vecteur est proportionnelle à la distance entre les deux pôles et à la valeur absolue de la charge d'un des pôles : p=p=dq=dδep = \|\vec{p}\| = d \cdot |q| = d \cdot \delta \cdot e.

    \circ\quad La norme pp du moment dipolaire s'exprime en Debye (D), où 1D=3,335641030C.m1 \, \text{D} = 3,33564 \cdot 10^{-30} \, \text{C.m}. Les valeurs typiques de moments dipolaires pour les molécules diatomiques sont entre 0 et 11 D.

    \circ\quad Une liaison covalente est d'autant plus polarisée que son moment dipolaire a une norme élevée. Une liaison n'est pas polarisée si et seulement si son moment dipolaire est nul.

  • Moment dipolaire p\vec{p} de la liaison entre H et Cl dans la molécule de chlorure d'hydrogène :

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  • Exemple de liaison non polarisée :

    La liaison entre les atomes d'azote dans la molécule N2N_{2} est quant à elle non polarisée car les atomes liés sont les mêmes et ils ont donc les mêmes électronégativités.

  • Exemple de liaison "très" polarisée : la liaison ionique

    \circ\quad Lorsque la différence d'électronégativité entre les deux atomes impliqués dans la liaison dépasse un certain seuil, la liaison est tellement polarisée que l'atome le plus électronégatif s'approprie les électrons du doublet liant et devient un anion tandis que l'autre atome (le moins électronégatif) devient un cation. On ne parle alors plus de liaison covalente mais de liaison ionique.

    \circ\quad Prenons la molécule de chlorure de sodium NaClNaCl comme exemple : le chlore est tellement plus électronégatif que le sodium qu'il s'approprie la couverture électronique ; il garde son électron et récupère celui du sodium. ClCl va avoir un excès de charges négatives et Na un défaut de charges négatives. ClCl va devenir l'ion ClCl^{-} et NaNa l'ion Na+Na^{+}. Ce ne sont plus ici des charges partielles (δ+ , δ)(\delta^+ ~,~ \delta^-) mais des charges élémentaires (e , e)(e ~,~-e).

III. Polarité d'une molécule

  • Une molécule est un groupement d'atomes liés entre eux par une ou plusieurs liaisons covalentes. En fonction de l'électronégativité des atomes constituant cette molécule, les liaisons covalentes peuvent être polarisées, conduisant à l'apparition de charges partielles et donc de moments dipolaires. Suivant la répartition de ces charges partielles dans l'espace, la molécule aura un caractère polaire ou apolaire :

  • Polarité d'une molécule :

    \circ\quad Si la somme vectorielle des moments dipolaires des liaisons covalentes de la molécule est nulle (=0= \vec{0}), la molécule est apolaire.

    \circ\quad Si cette somme vectorielle est non nulle (0\neq \vec{0}), il existe alors dans la molécule deux pôles distincts, de charges électriques opposées. La molécule se comporte alors comme un dipôle électrique, elle est polaire.

  • Exemple d'une molécule apolaire :

    Considérons la molécule de dioxyde de carbone CO2CO_{2}. L'oxygène étant plus électronégatif que le carbone, chaque liaison entre CC et OO est polarisée, avec une charge partielle négative sur OO et une charge partielle positive sur CC (il y a donc deux charges partielles positives sur CC). On note p1\vec{p_1} et p2\vec{p_2} les moments dipolaires des liaisons :

    Les liaisons étant identiques, les moments dipolaires ont la même norme : p1=p2\|\vec{p_1}\| = \|\vec{p_2}\|.

    La molécule de CO2CO_{2} étant linéaire, p1p_1 et p2p_2 ont la même direction mais sont de sens contraires.

    On a donc : p1=p2\vec{p_1} = -\vec{p_2}. La somme vectorielle des moments dipolaires des liaisons covalentes de la molécule de CO2CO_{2} est donc nulle, p1+p2=0\vec{p_1} + \vec{p_2} = \vec{0}, cette molécule est donc apolaire.

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  • Exemple d'une molécule polaire :

    Considérons maintenant la molécule d'eau H2OH_{2}O. L'oxygène étant plus électronégatif que l'hydrogène, chaque liaison entre HH et OO est polarisée, avec une charge partielle négative sur OO et une charge partielle positive sur HH (il y a donc deux charges partielles négatives sur OO). On note p1\vec{p_1} et p2\vec{p_2} les moments dipolaires des liaisons :

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    Les liaisons étant identiques, les moments dipolaires ont la même norme : p1=p2\|\vec{p_1}\| = \|\vec{p_2}\|.

    La molécule de H2OH_{2}O étant coudée, les vecteurs p1\vec{p_1} et p2\vec{p_2} n'ont pas la même direction et leur somme ne peut donc pas s'annuler. Soit 2θ2\theta l'angle d'ouverture entre les deux atomesHH (2θ104,45°2\theta \approx 104,45°). La somme vectorielle des moments dipolaires vaut :

    p=p1+p2\vec{p} = \vec{p_1} + \vec{p_2}, de norme p=2cos(θ)p1=2cos(θ)p2\|\vec{p}\| = 2\cos (\theta) \cdot |\vec{p_1}\| = 2 \cos (\theta) \cdot |\vec{p_2}\|.

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  • Remarque : il existe une autre manière de définir la polarité d'une molécule grâce au concept du barycentre des charges partielles (le terme "barycentre" pouvant être vu comme une généralisation de la notion de centre de gravité vue pour un triangle) :

    \circ\quad Une molécule est polaire si elle possède des liaisons polarisées ET si le barycentre des charges partielles positives (noté G+G^{+}) n'est pas confondu avec le barycentre des charges partielles négatives (noté GG^{-}) ;

    \circ\quad Une molécule est apolaire si elle possède des liaisons pas ou peu polarisées OU si le barycentre des charges partielles positives (noté G+G^{+}) est confondu avec le barycentre des charges partielles négatives (noté GG^{-}).

  • A retenir :

    Quel que soit le concept utilisé, on retiendra donc que le caractère polaire ou apolaire d'une molécule est dû à la polarisation de ses liaisons et à sa géométrie.

IV. Influence de la polarité sur les propriétés physico-chimiques d'une molécule

  • La polarité d'une molécule permet d'expliquer des propriétés macroscopiques d'un corps pur constitué de cette molécule. Si les molécules de ce corps pur sont polaires, et donc équivalentes à des dipôles électriques, les pôles positifs vont attirer les pôles négatifs, et ce, d'autant plus que la polarité des molécules est élevée. L'organisation des molécules dans le corps pur va donc être dictée par ces interactions électriques attractives :

    \circ\quad A l'état solide, les molécules ont une place fixe ;

    \circ\quad A l'état liquide, les molécules bougent mais restent en contact.

  • Un changement d'état solide vers liquide ou liquide vers gazeux nécessite que l'énergie thermique des molécules soit suffisante pour vaincre les interactions électriques attractives dues à leur polarité. On en tire donc la règle générale suivante (propriété physico-chimique) :

    Plus la polarité des molécules constituant un corps pur est forte, plus les températures de fusion et d'ébullition de ce corps pur sont élevées.

  • Exemple :

    On donne les températures de fusion des composés suivants :

    \circ\quad Le silane (SiH4SiH_{4}) : -185°C ;

    \circ\quad La phosphine (PH3PH_{3}) : -133°C ;

    \circ\quad Le sulfure d'hydrogène (H2H_{2}S) : -86°C ;

    \circ\quad Le chlorure d'hydrogène (HClHCl) : -30°C ;

    ainsi que les électronégativités des atomes intervenant dans ces composés (selon l'échelle de Pauling) :

    \circ\quad HH : 2,20 ;

    \circ\quad SiSi : 1,90 ;

    \circ\quad PP : 2,19 ;

    \circ\quad SS : 2,58 ;

    \circ\quad ClCl : 3,16.

  • On se propose d'expliquer les différences entre les températures de fusion de ces quatre composés faisant intervenir l'hydrogène en se basant sur la polarité de celles-ci.

    \textcolor{purple}{\Rightarrow} Le silane SiH4SiH_{4}, analogue structurel silicié du méthane CH4CH_{4}, a la même géométrie en AX4E0AX_{4}E_{0}, c'est-à-dire une géométrie tétraédrique. Bien que les liaisons SiHSi-H soient polarisées, HH étant plus électronégatif que Si (2,20 > 1,90), la somme vectorielle des moments dipolaires des 4 liaisons SiHSi-H est nulle à cause de la géométrie de la molécule. SiH4SiH_{4} est donc apolaire. L'énergie thermique nécessaire pour faire passer le silane à l'état liquide est donc faible, d'où la température de fusion basse de -185°C.

    \textcolor{purple}{\Rightarrow} La phosphine PH3PH_{3} a la même géométrie en AX3E1AX_{3}E_{1} que l'ammoniac NH3NH_{3}, c'est-à-dire une pyramide à base triangulaire. Les liaisons PHP-H étant polarisées, elles ont chacune un moment dipolaire non nul et la somme vectorielle de ceux-ci ne s'annule pas (celle-ci est en effet un vecteur porté par la droite passant par le sommet PP de la pyramide et le centre de gravité du triangle formé par les 3 atomes HH). La molécule de phosphine est donc polaire, mais très faiblement, car les liaisons PHP-H sont peu polarisées, PP et HH ayant des électronégativités très proches (2,19 et 2,20). Par conséquent, la phosphine a une température de fusion basse également (-133°C), mais plus haute que celle du silane.

    \textcolor{purple}{\Rightarrow} Le sulfure d'hydrogène H2SH_{2}S a la même géométrie en AX2E2AX_{2}E_{2} que l'eau H2OH_{2}O, c'est-à-dire une géométrie coudée. Les liaisons HSH-S étant polarisées, la molécule de sulfure d'hydrogène est, au même titre que la molécule d'eau, polaire. Ici la polarisation des liaisons est beaucoup plus forte que pour les liaisons PHP-H de la molécule de PH3PH_{3}, la différence d'électronégativité entre HH et SS étant significative (2,58 et 2,20). La molécule de H2SH_{2}S a donc une polarité plus forte que la molécule de PH3PH_{3} et une température de fusion plus élevée (-82°C).

    \textcolor{purple}{\Rightarrow} Le chlorure d'hydrogène HClHCl a une géométrie linéaire (molécule ne comportant que deux atomes). La liaison HClH-Cl est fortement polarisée à cause de la grande différence d'électronégativité entre HH et ClCl (3,16 et 2,20), ce qui aboutit à une molécule de chlorure d'hydrogène encore plus polaire que la molécule de sulfure d'hydrogène. On a alors une température de fusion encore plus grande (-30°C).

= Merci à athrun pour avoir contribué à l'élaboration de cette fiche =