Introduction
La crise écologique actuelle — changement climatique, déforestation, effondrement de la biodiversité — met en lumière les limites du marché dans la gestion des ressources naturelles. Ces enjeux concernent souvent des biens communs mondiaux : des ressources non excluables (on ne peut empêcher personne de les utiliser), rivales (leur usage par les uns nuit aux autres) et initialement sans gestion collective instituée. C’est cette absence de règles partagées qui expose ces biens à la surexploitation. L’économie de l’environnement analyse ces situations et souligne la nécessité d’une intervention publique.
À l’échelle mondiale, cette intervention prend la forme d’une gouvernance environnementale, c’est-à-dire d’un ensemble d’accords, d’institutions et de mécanismes cherchant à organiser la coopération entre États. Cette coopération se heurte toutefois à de fortes inégalités de développement, et pose des questions centrales de justice climatique.
Biens communs mondiaux et défaillance du marché
Les marchés ne prennent pas naturellement en charge les externalités environnementales. Dans un système économique non régulé, les comportements rationnels individuels peuvent mener à des résultats collectivement inefficaces.
Biens communs et tragédie de la surexploitation
Un bien commun se distingue d’un bien public par sa rivalité (son usage prive partiellement autrui de son bénéfice) et par son non-excluabilité, sans pour autant faire l’objet, au départ, d’une gestion institutionnelle. Cela conduit souvent à une surexploitation, appelée tragédie des biens communs.
Exemple : Les ressources halieutiques sont souvent exploitées sans limite claire. Chaque acteur a intérêt à pêcher davantage avant que les autres ne vident la ressource, ce qui peut conduire à l’effondrement des stocks.
Le passager clandestin : un obstacle à la coopération
Les pays qui réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre en supportent le coût, tandis que les autres en profitent. Cette situation incite certains à ne rien faire, dans l’espoir que les efforts des autres suffiront. C’est le comportement de passager clandestin.
À retenir
Les biens communs mondiaux exigent une gestion collective. L’absence de règles partagées expose ces ressources à la surexploitation et rend la coopération difficile.
Une gouvernance environnementale mondiale inachevée
La gouvernance environnementale mondiale désigne les mécanismes par lesquels la communauté internationale cherche à organiser la protection de l’environnement à grande échelle.
Des accords volontaires, mais pas contraignants
Les grands traités (climat, biodiversité, océans, etc.) reposent souvent sur des engagements non contraignants, mais prévoient des mécanismes de transparence et de suivi. C’est le cas de l’Accord de Paris (2015), signé dans le cadre de la COP21.
Il fixe l’objectif de maintenir le réchauffement bien en dessous de 2 °C, et si possible 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Chaque État définit ses Nationally Determined Contributions (NDC), ou contributions déterminées au niveau national, qui sont revues tous les cinq ans pour encourager un rehaussement progressif de l’ambition climatique.
Une gouvernance dispersée et inégale
La gouvernance mondiale repose sur une multitude d’acteurs (États, ONG, organisations internationales comme le GIEC, le PNUE ou l’IPBES), sans autorité centrale unifiée. Cette fragmentation complique la coordination, et les engagements dépendent fortement des rapports de force géopolitiques.
Exemple : Le Protocole de Montréal (1987), sur les substances appauvrissant la couche d’ozone, reste une exception : juridiquement contraignant, il a permis une forte réduction de l’usage des CFC.
À retenir
La gouvernance mondiale de l’environnement repose sur des accords multilatéraux souvent non contraignants, articulés autour d’un suivi volontaire et de pressions diplomatiques plus que de sanctions juridiques.
Inégalités de développement et justice climatique
Les difficultés de coopération environnementale sont aggravées par les inégalités entre pays. Tous ne disposent pas des mêmes responsabilités historiques ni des mêmes capacités d’action.
Responsabilités différenciées et capacités inégales
Le principe des responsabilités communes mais différenciées, adopté lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992, reconnaît que les pays riches portent la plus grande part de responsabilité historique dans la dégradation de l’environnement, et que les pays pauvres doivent bénéficier de conditions particulières.
Exemple : L’Inde et d’autres pays du Sud revendiquent le droit à la croissance pour améliorer les conditions de vie de leur population, tout en demandant que les pays développés prennent l’essentiel des efforts et des financements.
Mécanismes de soutien et justice climatique
Pour aider les pays les plus vulnérables à faire face au changement climatique, des transferts financiers et technologiques ont été mis en place. Le plus connu est le Fonds vert pour le climat, lancé en 2010. Il prévoit un objectif global de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, mais cette promesse n’est pas encore pleinement tenue.
La justice climatique repose sur l’idée d’équité dans la répartition des efforts de lutte contre le changement climatique, en tenant compte des responsabilités passées, des capacités économiques et des vulnérabilités différenciées face aux effets du dérèglement.
À retenir
Une coopération efficace suppose de reconnaître les inégalités entre pays et de construire des mécanismes équitables de répartition des efforts, dans une logique de justice climatique.
Conclusion
L’économie de l’environnement montre que les biens communs mondiaux ne peuvent être laissés à la seule logique marchande. Leur préservation exige une coopération internationale, fondée sur des accords, des institutions et des mécanismes de régulation partagés.
La gouvernance mondiale de l’environnement, bien qu’en développement, reste fragile : elle souffre de l’absence de contrainte juridique forte, de la dispersion des acteurs et des inégalités de développement. Relever les défis écologiques du XXIe siècle suppose de renforcer cette gouvernance, de garantir la justice climatique et de concilier responsabilités différenciées et solidarité internationale. La transition écologique, pour être juste et durable, ne peut être qu’un projet commun.
