Introduction
Les marchés, laissés à eux-mêmes, ne tiennent pas compte des externalités négatives, c’est-à-dire des effets défavorables qu’une activité économique peut avoir sur l’environnement sans que leur coût ne soit supporté par les responsables (pollution, émissions de gaz à effet de serre, etc.). Cette défaillance du marché justifie l’intervention des pouvoirs publics, dont le rôle est d’internaliser ces externalités, c’est-à-dire d’en faire supporter le coût par les agents économiques. Pour cela, les autorités disposent de plusieurs instruments d’action publique, qui peuvent être classés en deux grandes catégories : les instruments incitatifs (taxes, quotas, subventions) et les instruments contraignants (normes, interdictions, réglementations).
Chacun de ces leviers vise à modifier les comportements dans le sens d’une transition écologique, mais leur efficacité dépend de nombreux facteurs : contraintes sociales, politiques, économiques, ou encore effets inattendus comme les effets d’aubaine ou de rebond.
Les instruments incitatifs : modifier les comportements par les prix
Les instruments incitatifs cherchent à orienter les décisions économiques en modifiant les coûts relatifs des comportements. Ils visent à faire en sorte que les choix les plus durables soient aussi les plus rationnels sur le plan économique.
Les taxes : intégrer le coût de la pollution
Une taxe environnementale permet d’internaliser une externalité, c’est-à-dire de faire payer par le pollueur les dommages qu’il inflige à la collectivité. Elle repose sur le principe du pollueur-payeur, et vise à rendre plus coûteuses les activités polluantes afin d’en réduire l’ampleur.
Exemple : La taxe carbone, qui fait payer un prix par tonne de CO₂ émise, incite à réduire l’usage des énergies fossiles. Elle pousse les entreprises à investir dans des solutions bas-carbone et les ménages à adapter leurs consommations.
Limite : Ces taxes peuvent être perçues comme socialement injustes si elles touchent proportionnellement plus les ménages modestes. L’absence de compensation ou d’alternative accessible renforce cette inégalité.
Exemple : En 2018, la hausse de la taxe carbone a été l’un des facteurs du déclenchement du mouvement des Gilets jaunes, en France.
Les quotas : limiter globalement les émissions
Les marchés de quotas d’émission reposent sur une logique de plafond. L’État fixe une limite collective (ex : d’émissions de CO₂) et distribue ou vend des droits d’émission aux entreprises. Celles qui émettent moins que leur quota peuvent vendre leur surplus, celles qui dépassent doivent en acheter.
Exemple : Le Système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-UE) couvre des secteurs industriels comme la production d’électricité ou le ciment. Le plafond diminue chaque année pour respecter les objectifs climatiques.
Limites : Ce mécanisme exige un suivi précis, un marché bien régulé et des prix suffisamment élevés pour inciter à l’action. Des prix trop bas ou des allocations initiales trop généreuses peuvent réduire l’efficacité environnementale.
Les subventions : soutenir les comportements vertueux
Les subventions permettent de réduire le coût des comportements écologiquement favorables. Elles sont souvent utilisées pour accélérer la diffusion de technologies durables ou accompagner la transition de certains secteurs.
Exemple : Le bonus écologique à l’achat d’un véhicule électrique réduit son prix pour l’usager, facilitant son adoption. De même, les aides à la rénovation thermique incitent les ménages à améliorer la performance énergétique de leur logement.
Limites : Les effets d’aubaine réduisent l’efficacité des subventions. Il s’agit de cas où l’aide publique est versée à des agents qui auraient agi de la même façon sans soutien, ce qui limite l’impact réel de la dépense publique. Autre risque : l’effet rebond, qui apparaît lorsque les économies d’énergie réalisées conduisent à une augmentation globale de la consommation (exemple : un véhicule plus économe incite à rouler davantage).
À retenir
Les instruments incitatifs agissent sur les prix pour orienter les comportements. Leur efficacité dépend du bon calibrage des incitations et de la prise en compte des effets secondaires (aubaine, rebond, inégalités).
Les instruments contraignants : imposer des limites directes
À côté des leviers économiques, l’État peut recourir à des instruments réglementaires pour interdire, fixer des seuils ou imposer des standards techniques. Ces normes ne laissent pas le choix aux acteurs : elles s’imposent à tous.
Normes et interdictions
Les normes peuvent concerner les produits (normes d’émission, normes énergétiques), les procédés (techniques de production, de traitement) ou les comportements (interdiction de certains usages). Elles permettent d’agir rapidement sur des risques identifiés.
Exemple : L’interdiction de la vente des voitures thermiques neuves à partir de 2035 dans l’Union européenne vise à accélérer la sortie des énergies fossiles dans le secteur automobile.
Limites : Ces mesures peuvent engendrer des coûts d’adaptation élevés, notamment pour les petites entreprises. Si elles sont trop rigides ou mal adaptées, elles peuvent freiner l’innovation ou produire des effets de contournement.
À retenir
Les instruments réglementaires sont efficaces pour imposer des limites claires, mais nécessitent un encadrement rigoureux et une adaptation aux réalités techniques et économiques.
Les contraintes de l’action publique environnementale
L’efficacité des politiques environnementales ne dépend pas uniquement des outils mobilisés. Elle est aussi conditionnée par un ensemble de contraintes structurelles.
Contraintes économiques et budgétaires
Les politiques environnementales nécessitent des investissements publics massifs. En période de contraintes budgétaires, ces dépenses peuvent entrer en concurrence avec d’autres priorités. De plus, les mesures trop coûteuses peuvent peser sur la compétitivité des entreprises ou provoquer des délocalisations.
Contraintes sociales
Certaines mesures, notamment fiscales ou normatives, peuvent accentuer les inégalités. Pour être acceptées, elles doivent être compensées par des dispositifs de redistribution ou de soutien aux publics les plus exposés.
Formulation plus concise : Des politiques perçues comme injustes peuvent provoquer un rejet social, même si elles sont efficaces sur le plan écologique.
Contraintes politiques et techniques
L’élaboration des politiques environnementales se heurte à des rapports de force (groupes d’intérêt, lobbying), à des changements de majorité ou à des réticences locales. Par ailleurs, elles exigent des compétences techniques, des outils de mesure fiables, et une évaluation régulière des résultats.
À retenir
L’action publique environnementale est soumise à des contraintes multiples. Pour être efficace, elle doit être socialement juste, politiquement soutenable et techniquement maîtrisée.
Conclusion
Les pouvoirs publics disposent de deux grandes familles d’outils pour répondre aux enjeux environnementaux : les instruments incitatifs (taxes, quotas, subventions), qui modifient les comportements en jouant sur les prix, et les instruments contraignants (normes, interdictions), qui imposent des limites directes.
Ces instruments permettent d’internaliser les externalités, en corrigeant les défaillances du marché. Toutefois, leur efficacité dépend de leur conception, de leur ciblage, de leur articulation et de leur acceptabilité sociale. Une politique environnementale réussie combine plusieurs leviers adaptés à chaque situation, en tenant compte des contraintes économiques, techniques et politiques, dans une logique de transition juste et durable.
