Du conflit israélo-arabe au conflit israélo-palestinien

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Dans cette leçon, tu vas comprendre comment le conflit israélo-palestinien est passé d'une guerre interétatique à un affrontement asymétrique entre Israël et des acteurs non étatiques. Tu verras aussi pourquoi les négociations de paix échouent, malgré les médiations internationales et les résolutions de l’ONU. Mots-clés : conflit israélo-palestinien, colonisation, Intifada, accords d’Oslo, droit international, solution à deux États.

Introduction

Depuis plus de soixante-quinze ans, le conflit israélo-palestinien occupe une place centrale dans les relations internationales. Il s’inscrit dans une histoire plus large, celle des conflits entre Israël et ses voisins arabes, et cristallise des enjeux géopolitiques, identitaires et religieux profonds. De la création de l’État d’Israël en 1948 jusqu’aux tentatives contemporaines de négociation, cette situation a mobilisé une grande diversité d’acteurs étatiques et non étatiques, régionaux et internationaux. Comprendre comment on est passé d’un conflit israélo-arabe à un conflit israélo-palestinien permet d’analyser les évolutions du jeu diplomatique, les transformations des formes de guerre et les tentatives, souvent inabouties, de construire une paix durable dans la région.

De la guerre interétatique au conflit asymétrique

En 1948, l’État d’Israël est proclamé sur une partie du territoire de la Palestine mandataire, au terme d’un vote de l’ONU prévoyant un partage entre un État juif et un État arabe. Le lendemain, les armées de plusieurs pays arabes (Égypte, Syrie, Jordanie, Liban, Irak) attaquent le jeune État. C’est le début de la première guerre israélo-arabe, qui inaugure une série de conflits interétatiques : guerre des Six Jours (1967), guerre du Kippour (1973), opérations au Liban (1978, 1982). Ces affrontements, impliquant directement des États arabes et Israël, sont souvent brefs mais violents. Ils conduisent à des bouleversements territoriaux majeurs, notamment l’occupation par Israël de la Cisjordanie, de Gaza, du plateau du Golan et du Sinaï.

À partir des années 1980, la plupart des États arabes se désengagent progressivement du conflit militaire direct. L’Égypte signe un traité de paix avec Israël en 1979, la Jordanie en 1994. La Syrie, bien que conservant des revendications territoriales (notamment sur le Golan), cesse toute confrontation armée ouverte. Le conflit devient alors principalement israélo-palestinien, centré sur les territoires occupés et les revendications nationales palestiniennes.

Ce tournant s’accompagne d’un changement de nature. Le conflit devient asymétrique, c’est-à-dire qu’il oppose des forces très inégales : un État disposant d’une armée structurée et d’un arsenal moderne face à des acteurs non étatiques — des groupes qui ne représentent pas un État, comme l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ou le Hamas — utilisant des moyens militaires non conventionnels. Ces formes de combat relèvent de la guérilla, c’est-à-dire d’opérations menées par de petits groupes mobiles visant à harceler une force mieux équipée et mieux organisée. Les deux Intifadas (soulèvements populaires en 1987 puis en 2000) traduisent cette dynamique, combinant manifestations de masse, affrontements civils, attentats et répression militaire.

À retenir

Le conflit israélo-palestinien résulte de l’évolution d’un affrontement interétatique vers un conflit asymétrique, marqué par l’opposition entre un État et des groupes non étatiques mobilisant des stratégies de guérilla.

L’implication croissante des acteurs internationaux

Depuis 1948, la communauté internationale tente de réguler ou de résoudre ce conflit. L’ONU est à l’origine du plan de partage de la Palestine, mais elle échoue à en faire respecter les termes. Ses résolutions, comme la résolution 242 de 1967 appelant au retrait des territoires occupés, ne sont pas mises en œuvre.

Les années 1990 inaugurent une nouvelle séquence diplomatique. Les accords d’Oslo (1993-1995), signés entre Israël et l’OLP sous médiation norvégienne, constituent un tournant. Ils prévoient la reconnaissance mutuelle, la création d’une Autorité palestinienne autonome et un calendrier de négociations sur les questions sensibles (statut de Jérusalem, colonies, réfugiés). Si ces accords suscitent de grands espoirs, ils ne débouchent pas sur un accord définitif, notamment à cause de l’assassinat d’Yitzhak Rabin (1995), de l’essor du Hamas et de la poursuite de la colonisation.

Les États-Unis deviennent alors les principaux médiateurs, notamment lors du sommet de Camp David (2000), qui échoue à résoudre les principaux désaccords. L’ONU, la Russie et l’Union européenne se joignent aux États-Unis au sein du Quatuor pour le Moyen-Orient, créé en 2002. Ce groupe diplomatique vise à coordonner les efforts pour parvenir à un règlement négocié.

D’autres acteurs influencent indirectement le conflit. L’Iran, par exemple, soutient le Hamas et le Hezbollah. Les États du Golfe, traditionnellement hostiles à Israël, normalisent peu à peu leurs relations (comme les Émirats arabes unis avec les accords d’Abraham en 2020), affaiblissant la solidarité arabe autour de la cause palestinienne.

À retenir

La médiation internationale est constante mais rarement décisive. Si des efforts comme ceux du Quatuor ont structuré les négociations, les intérêts divergents des puissances et l’évolution du contexte régional compliquent les initiatives de paix.

Fragmentation du conflit et obstacles à la paix

Les obstacles à une paix durable sont nombreux et s’ancrent dans une dynamique de fragmentation. Le camp palestinien est lui-même divisé. Le Fatah, mouvement laïc dominant en Cisjordanie, et le Hamas, islamiste et implanté à Gaza, s’opposent politiquement et militairement depuis 2007. Cette division nuit à la représentation unifiée des Palestiniens dans les négociations.

Du côté israélien, la poursuite de la colonisation en Cisjordanie constitue un point de blocage majeur. La colonisation désigne l’installation par un État de sa population civile dans des territoires occupés militairement. Selon la résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies (2016), cette politique constitue une « violation flagrante du droit international ». Israël conteste toutefois cette lecture, estimant que la Cisjordanie n’est pas un territoire occupé au sens juridique strict. Cependant, la majorité des États membres de l’ONU ainsi que la Cour internationale de justice, dans plusieurs avis consultatifs, considèrent bien ces territoires comme occupés et soumis aux obligations du droit international humanitaire, notamment la Quatrième Convention de Genève (1949).

L’un des principaux désaccords porte sur l’avenir territorial du conflit. La solution dite « à deux États » — c’est-à-dire l’établissement d’un État palestinien aux côtés d’Israël — reste la référence pour une majorité d’acteurs internationaux. Mais elle paraît de plus en plus difficile à concrétiser du fait de l’extension des colonies, du morcellement des territoires palestiniens, et des violences récurrentes.

Les déséquilibres de puissance — en termes militaires, économiques et diplomatiques — entre Israël et les Palestiniens rendent ces négociations inégales. Le rapport de force est largement en faveur d’Israël, qui contrôle les frontières, les ressources et les mobilités. De nombreux affrontements prennent la forme d’insurrections ponctuelles, suivies de campagnes militaires de grande ampleur, comme à Gaza en 2008-2009, 2014 ou 2021.

À retenir

La paix est freinée par la division du camp palestinien, la poursuite de la colonisation, des rapports de force très déséquilibrés et l’absence de leviers contraignants pour imposer l’application du droit international.

Conclusion

Le conflit israélo-palestinien, issu des guerres israélo-arabes, a progressivement changé de nature, devenant un affrontement asymétrique et territorial entre un État et des acteurs non étatiques. Malgré de nombreuses initiatives de médiation, dont les accords d’Oslo et les efforts du Quatuor, aucun règlement durable n’a pu être trouvé. Les déséquilibres de puissance, la fragmentation politique, la poursuite de la colonisation et l’érosion du droit international empêchent toute avancée significative vers une paix négociée. Ce conflit illustre les limites de la sécurité collective dans un cadre où les intérêts géopolitiques, les mémoires historiques et les violences de terrain s’entremêlent durablement.