Donner accès à la connaissance : grandes étapes de l’alphabétisation des femmes du XVIe siècle à nos jours dans le monde

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Dans cette leçon, tu découvres l’histoire mondiale de l’alphabétisation féminine, de ses premiers accès inégaux à ses conquêtes récentes, encore fragiles. Tu verras comment l’école, les luttes féministes et les politiques internationales ont permis des progrès majeurs, malgré des inégalités persistantes. Mots-clés : alphabétisation féminine, histoire de l’éducation, inégalités de genre, scolarisation des filles, savoirs et émancipation, éducation mondiale.

Introduction

Lire, écrire, comprendre et transmettre : ces capacités fondamentales ne relèvent pas seulement d’un apprentissage technique. Elles sont profondément liées à la place que les sociétés accordent aux individus dans l’espace public. Longtemps, les femmes ont été exclues ou marginalisées dans l’accès au savoir écrit, en raison de constructions sociales et politiques qui les cantonnaient à la sphère domestique.

L’alphabétisation – au sens strict, la maîtrise de la lecture et de l’écriture – s’est développée progressivement, à des rythmes inégaux selon les sociétés, les continents et les classes sociales. Ce processus historique, toujours en cours, révèle des rapports de pouvoir mais aussi des stratégies d’émancipation.

Cette leçon retrace les grandes étapes de l’alphabétisation féminine dans une perspective mondiale, en intégrant les expériences de l’Europe, des mondes coloniaux et postcoloniaux, des sociétés musulmanes ou américaines. Elle met aussi en lumière le rôle des luttes féminines, des institutions éducatives et des organisations internationales.

Entre ouverture limitée et lettrisme sélectif (XVIe-XVIIIe siècles)

L’époque moderne ne marque pas un début absolu de l’alphabétisation féminine : dans diverses régions du monde, des femmes accèdent au savoir écrit, souvent dans des cadres religieux ou élitaires.

En Europe, l’apprentissage de la lecture s’ouvre timidement aux filles, surtout dans les milieux urbains ou bourgeois. L’objectif est essentiellement religieux : lire la Bible ou les catéchismes. L’écriture, en revanche, reste peu diffusée. Des femmes éduquées se distinguent comme épistolières (auteures de lettres) ou poétesses lettrées, mais elles appartiennent à une minorité sociale.

Dans le monde islamique, des femmes musulmanes sont alphabétisées dans les madrasas (écoles religieuses), où elles peuvent étudier le Coran et parfois la grammaire ou la poésie. Certaines deviennent enseignantes, transmettent des hadiths ou composent des recueils spirituels.

Dans l’Amérique coloniale espagnole, des figures comme Sor Juana Inés de la Cruz (Mexique, XVIIᵉ siècle) témoignent d’un accès élitaire à l’écriture féminine, dans des contextes souvent religieux. Cette intellectuelle autodidacte et critique a lutté pour son droit à l’instruction face aux autorités ecclésiastiques.

Partout, l’accès des femmes au savoir reste donc socialement restreint, encadré par les normes religieuses ou patriarcales, mais des foyers d’alphabétisation féminine existent, même hors d’Europe.

À retenir

Du XVIe au XVIIIe siècle, l’alphabétisation féminine progresse lentement, dans des contextes très encadrés et inégalitaires, mais elle n’est pas absente du monde islamique ou des colonies latino-américaines.

XIXe siècle : expansion scolaire et premières conquêtes professionnelles

Le XIXe siècle marque une phase d’élargissement progressif de l’instruction des filles, en lien avec les réformes éducatives et la montée des États-nations. En Europe, des lois scolaires imposent la création d’écoles pour les filles :

  • En France, les lois Guizot (1833) et Ferry (1881-1882) généralisent l’accès à l’école primaire gratuite et obligatoire, y compris pour les filles.

  • Les institutrices deviennent un pilier de cette scolarisation. La féminisation du corps enseignant primaire se développe, notamment dans les campagnes.

Cette alphabétisation reste cependant différenciée :

  • Les programmes scolaires pour filles mettent l’accent sur la religion, la morale, les travaux domestiques.

  • L’accès au baccalauréat et à l’université est très tardif et limité aux élites.

Dans les empires coloniaux, les autorités développent une alphabétisation sélective. Le but est souvent une assimilation partielle : former des femmes capables de remplir leur rôle dans la société coloniale (mères chrétiennes, auxiliaires du pouvoir), sans remettre en cause les hiérarchies raciales et de genre.

À retenir

Le XIXe siècle marque une généralisation partielle de l’alphabétisation des filles, mais dans une perspective hiérarchisée, différenciée et encadrée, tant en Europe que dans les colonies.

XXe siècle : démocratisation inégale et rôle des luttes féminines

Le XXe siècle voit une massification scolaire, c’est-à-dire une augmentation rapide et généralisée du nombre d’élèves, filles comprises, à tous les niveaux. Dans les pays occidentaux :

  • Les filles accèdent progressivement au secondaire, puis à l’université.

  • La mixité scolaire devient la norme à partir des années 1960-1970.

  • Dans les années 1980-1990, les femmes deviennent majoritaires dans l’enseignement supérieur dans les pays de l’OCDE.

Ces avancées s’appuient sur des luttes féministes concrètes : elles revendiquent le droit à une éducation égale, l’entrée dans toutes les disciplines, la révision des manuels, ou encore la reconnaissance des savoirs critiques (questionnement des inégalités, des stéréotypes, de la place des femmes dans l’histoire et les sciences).

Dans les pays du Sud, les progrès sont plus hétérogènes :

  • La décolonisation permet la création de systèmes éducatifs nationaux.

  • De nombreux pays adoptent des plans pour la scolarisation des filles.

  • Des freins subsistent : mariages précoces, pauvreté, instabilité politique.

À partir des années 1990, les ONG et les institutions internationales prennent un rôle croissant :

L’UNESCO, l’UNICEF et la Banque mondiale appuient des programmes d’alphabétisation.

Les Objectifs du millénaire pour le développement (2000-2015), puis les Objectifs de développement durable (depuis 2015), fixent comme priorité l’égalité d’accès à une éducation de qualité.

À retenir

Le XXe siècle voit une ouverture importante des systèmes éducatifs aux femmes, portée par les luttes féministes et l’engagement des institutions internationales, mais les inégalités régionales restent profondes.

XXIe siècle : alphabétisation globale et nouveaux défis

Aujourd’hui, la majorité des filles accèdent à l’école primaire dans le monde. Les taux d’alphabétisation féminine ont progressé dans toutes les régions. Mais selon l’UNESCO, près de deux tiers des adultes analphabètes sont encore des femmes, en particulier dans les zones rurales d’Afrique subsaharienne ou d’Asie du Sud.

Les défis contemporains sont multiples :

  • Barrières sociales : normes patriarcales, violences sexistes, réticence des familles.

  • Facteurs économiques : frais scolaires, travail domestique, coût du transport.

  • Conflits et déplacements forcés, qui affectent d’abord les filles.

À cela s’ajoutent des enjeux plus récents :

  • La fracture numérique : les filles ont souvent moins accès aux outils numériques, aux compétences informatiques et aux contenus en ligne.

  • La ségrégation scolaire : les femmes restent peu présentes dans les domaines scientifiques, techniques ou décisionnels, dits stratégiques (sciences, ingénierie, mathématiques).

Des actions sont menées pour répondre à ces problèmes :

  • Politiques d’incitation à la scolarisation des filles.

  • Modèles féminins inspirants dans les carrières scientifiques ou techniques.

  • Appui de programmes internationaux visant à rendre l’école plus inclusive.

À retenir

L’alphabétisation féminine progresse au XXIe siècle, mais de nouvelles inégalités apparaissent, notamment dans l’accès au numérique, aux filières scientifiques ou à des compétences critiques essentielles à l’émancipation.

Conclusion

De la madrasa ottomane aux écoles républicaines, des luttes féministes aux objectifs de développement durable, l’histoire de l’alphabétisation féminine reflète à la fois des rapports de domination et des dynamiques de résistance. Les avancées sont considérables, mais les écarts de genre dans l’accès au savoir – à l’école, dans l’université ou dans le numérique – demeurent forts.

Garantir un accès réel, complet et égalitaire à la lecture, à l’écriture et aux savoirs pour toutes les femmes du monde reste un enjeu majeur du XXIe siècle, tant pour la justice sociale que pour la construction d’un monde plus démocratique.