Introduction
La crise économique de 1929, souvent appelée la Grande Dépression, constitue l’une des crises les plus marquantes du XXe siècle. Elle débute aux États-Unis par le krach boursier du 24 octobre 1929, connu sous le nom de « Jeudi noir », et culmine le 29 octobre, lors du « Mardi noir », lorsque la chute des cours atteint son paroxysme. Très rapidement, cette crise se propage à l’échelle mondiale, provoquant des répercussions économiques, sociales et politiques majeures. L’analyse de ces conséquences globales permet de mieux comprendre les dynamiques qui ont façonné l’histoire du XXe siècle.
L'onde de choc économique mondiale
La crise de 1929 déclenche une récession mondiale, conséquence de l’interdépendance croissante des économies. Aux États-Unis, la chute de la consommation et de l’investissement, conjuguée à l’effondrement du système bancaire, entraîne une contraction brutale de l’activité économique. Ce choc se diffuse au reste du monde par plusieurs canaux :
Diminution des échanges internationaux : les États-Unis, acteurs majeurs du commerce mondial, réduisent fortement leurs importations. Les pays exportateurs, notamment d’Amérique latine, voient leurs débouchés se tarir, ce qui provoque un effondrement de leur activité.
Chute des prix des matières premières : les pays producteurs sont frappés de plein fouet. Le Canada, l’Australie ou encore le Brésil subissent des pertes massives du fait de la baisse des cours du blé, du café ou des minerais.
Rapatriement des capitaux américains : dans les années 1920, les États-Unis avaient prêté massivement à l’étranger, en particulier à l’Europe et à l’Amérique latine. Dès le début de la crise, ces capitaux sont brutalement retirés, provoquant des crises bancaires et financières à l’échelle internationale.
Répercussions sociales et politiques
Les conséquences sociales de la crise sont d’une ampleur inédite. Le chômage de masse s’installe partout : en Allemagne, il touche jusqu’à 6 millions de personnes, soit près de 30 % de la population active. La misère s’étend, alimentant la défiance envers les élites politiques et économiques, et favorisant des bouleversements politiques.
Les gouvernements réagissent rapidement par des mesures protectionnistes. Aux États-Unis, la loi Hawley-Smoot (juin 1930) augmente fortement les droits de douane. Bien qu’adoptée après le krach, cette mesure aggrave la crise à l’échelle mondiale en réduisant davantage les échanges internationaux. D'autres pays suivent des trajectoires similaires : les droits de douane augmentent, les quotas se multiplient et les accords commerciaux bilatéraux remplacent les logiques de libre-échange multilatéral. Ce repli économique contribue à une désorganisation du commerce mondial.
Cette instabilité favorise la montée des mouvements extrémistes. En Allemagne, la crise économique accélère la radicalisation de l’opinion et renforce le poids du parti nazi, qui promet une sortie de crise et une restauration de la grandeur nationale. Dans plusieurs pays d’Amérique latine, des régimes autoritaires s’imposent. Toutefois, certaines démocraties résistent, notamment dans les pays nordiques, au Royaume-Uni, aux États-Unis ou en Suisse, où les institutions démocratiques sont maintenues malgré la crise.
Les réponses à la crise : entre interventionnisme et protectionnisme
Face à une crise d’une telle ampleur, les réponses étatiques varient selon les contextes. Si le protectionnisme constitue une réaction immédiate dans de nombreux pays, certains engagent progressivement des politiques plus ambitieuses fondées sur une intervention accrue de l’État.
Aux États-Unis, l’élection de Franklin D. Roosevelt en 1932 marque un tournant. Son programme du New Deal vise à relancer l’économie par l’investissement public, la régulation financière, le soutien à l’agriculture et la mise en place d’une première protection sociale. Cette politique rompt avec le libéralisme classique dominant jusqu’alors et préfigure un nouvel équilibre entre État et marché.
En France, les gouvernements tardent à réagir. Ce n’est qu’en 1936, avec le Front populaire, que la France procède à une dévaluation du franc et adopte certaines réformes sociales. Au Royaume-Uni, le choix est plus précoce : en 1931, le pays quitte l’étalon-or, ce qui permet une politique monétaire plus souple et amorce un redressement économique. Ces mesures traduisent une évolution des doctrines économiques, marquée par l’émergence des idées de John Maynard Keynes, dont la Théorie générale est publiée en 1936. Dès les années 1930, certaines de ses propositions commencent à influencer les politiques économiques, bien avant leur généralisation après la Seconde Guerre mondiale.
Conclusion
La crise de 1929 provoque une transformation profonde du capitalisme mondial. Par son ampleur, ses effets durables et ses conséquences politiques, elle remet en cause le libéralisme économique des années 1920. Elle contribue à affaiblir plusieurs démocraties, favorise l'émergence de régimes autoritaires, et alimente les tensions internationales, sans pour autant déterminer mécaniquement le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Elle crée cependant un contexte propice à la remise en question de l’ordre international issu de 1919.
Elle marque aussi un tournant intellectuel : la nécessité d’un rôle accru de l’État dans la régulation de l’économie devient une idée centrale dans de nombreux pays. La diffusion progressive du keynésianisme, amorcée dans les années 1930, annonce les transformations des politiques économiques d’après-guerre.
Comprendre les effets globaux de cette crise est essentiel pour saisir les recompositions économiques et politiques du XXe siècle, ainsi que pour penser les réponses possibles aux crises contemporaines.