Introduction
La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) est un conflit d’une ampleur inédite, marqué par des crimes de guerre, des violences extrêmes et des crimes de masse qui bouleversent les normes juridiques, morales et politiques du XXᵉ siècle. Pour la première fois, des États organisent, planifient et mettent en œuvre la destruction totale de populations civiles, au nom de projets idéologiques radicaux. Comprendre ces violences permet de saisir les ruptures majeures introduites par la guerre dans l’histoire contemporaine.
Le contexte et les acteurs des crimes de guerre
Le conflit s’inscrit dans une logique de radicalisation idéologique, portée par des régimes totalitaires. Ces derniers font de la violence un instrument central de transformation du monde, abolissant la distinction entre civils et militaires au profit d’une stratégie de guerre totale.
En Allemagne, le régime nazi associe expansion territoriale et purification raciale. Juifs, Roms, Slaves, opposants politiques, homosexuels ou Témoins de Jéhovah sont désignés comme des ennemis à éliminer. Le projet d’extermination prend forme dès 1941, notamment avec l’invasion de l’URSS. Le régime de Vichy, en France, ne se limite pas à l’application des ordres allemands : il adopte une législation antisémite propre, parfois antérieure aux exigences nazies, comme le montrent les statuts des Juifs (3 octobre 1940, 2 juin 1941) ou l’organisation de la rafle du Vélodrome d’Hiver (juillet 1942), opérée par la police française.
Le Japon impérial, engagé dans une guerre de conquête en Asie orientale, légitime la brutalité militaire au nom d’une idéologie impérialiste et raciale. Dans les territoires occupés, les armées japonaises multiplient les violences contre les civils, notamment en Chine.
Ces régimes s’appuient sur des structures militaires, administratives et policières capables de mettre en œuvre des politiques de destruction systématique.
Les violences systématiques et les crimes de masse
La Shoah : Le génocide des Juifs d’Europe est orchestré par le régime nazi. Près de six millions de Juifs sont assassinés, dans les camps d’extermination (Auschwitz-Birkenau, Treblinka, Sobibor), mais aussi à travers les exécutions de masse menées par les Einsatzgruppen, dès l’été 1941, dans les territoires de l’Est. Cette « Shoah par balles » frappe particulièrement l’Ukraine, la Biélorussie et les Pays baltes, avec la complicité de collaborateurs locaux. La conférence de Wannsee (janvier 1942) ne décide pas de l’extermination, déjà entamée, mais en coordonne la mise en œuvre à l’échelle européenne. D’autres groupes sont également persécutés : les Roms (victimes d’un génocide reconnu), les handicapés mentaux (programme Aktion T4), les prisonniers soviétiques, ainsi que les opposants politiques, homosexuels ou Témoins de Jéhovah. La persécution de ces derniers varie selon les contextes nationaux, mais leur traque participe d’une logique d’uniformisation idéologique.
Remarque pédagogique : il convient de distinguer les camps de concentration, destinés initialement à l’internement des opposants et des indésirables, des camps d’extermination, conçus spécifiquement pour la mise à mort industrielle des déportés, principalement des Juifs et des Roms.
Le massacre de Nankin (décembre 1937 – janvier 1938) : Lors de la prise de la capitale chinoise par l’armée japonaise, entre 150 000 et 200 000 civils sont tués, et des dizaines de milliers de femmes sont violées. Si les estimations varient, le consensus historique se situe autour de 200 000 morts. Ce massacre illustre la brutalité de l’occupation japonaise, marquée par un mépris radical des populations conquises.
Les violences contre les civils en Europe de l’Est : Les nazis mènent une guerre d’anéantissement dans les territoires soviétiques : massacres de masse, déportations, famine organisée, destruction de villages. Plus de trois millions de prisonniers de guerre soviétiques meurent de privations ou d’exécutions. Les populations polonaises, ukrainiennes et biélorusses sont également visées dans le cadre de plans de germanisation (comme le Generalplan Ost).
Les bombardements stratégiques alliés : Des villes comme Dresde, Tokyo ou Hambourg sont détruites par des raids aériens massifs, causant des centaines de milliers de morts civils. Ces bombardements poursuivent un objectif militaire revendiqué : désorganiser l’économie ennemie, briser le moral des populations et hâter la capitulation. Ils ne relèvent pas de crimes de guerre au sens juridique strict, mais s’inscrivent dans une logique de guerre totale. Leur inclusion dans l’analyse des violences vise à en souligner le caractère massif et controversé, sans établir de symétrie avec les politiques d’extermination.
Les conséquences des crimes de guerre
Humainement, la guerre laisse derrière elle des millions de morts, des sociétés traumatisées, des communautés anéanties. Les survivants portent les séquelles physiques et psychologiques de ces violences. Les déplacements de populations, les familles décimées, les destructions massives bouleversent durablement les équilibres sociaux et culturels.
Sur le plan juridique, la guerre provoque la création de juridictions exceptionnelles : le Tribunal militaire international de Nuremberg (1945-1946) juge les principaux dirigeants nazis, tandis que le Tribunal de Tokyo (1946-1948) poursuit les responsables japonais. Ces procès consacrent les notions de crime contre l’humanité, de crime de guerre et de crime contre la paix. Ils reconnaissent la responsabilité individuelle, y compris pour les chefs d’État, et établissent des normes juridiques internationales encore en vigueur aujourd’hui.
Politiquement, ces crimes entraînent une refondation des relations internationales. La création de l’Organisation des Nations unies (1945), la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) et les conventions de Genève (1949) témoignent d’une volonté de prévenir de telles violences. Ces événements contribuent aussi à l’affaiblissement des empires coloniaux et alimentent les mouvements de décolonisation, portés par une exigence universelle de dignité et de justice.
Conclusion
Les crimes de guerre et les violences de masse de la Seconde Guerre mondiale sont au cœur d’une rupture historique. Ils ne relèvent pas de dérives accidentelles, mais constituent l’aboutissement de logiques politiques et idéologiques portées par des États modernes. Ces violences ont redéfini les rapports entre guerre et droit, entre pouvoir et responsabilité, entre mémoire et justice.
La reconnaissance de ces violences, leur mémoire, et leur qualification juridique ont profondément transformé le rapport des sociétés contemporaines à la guerre. Préserver la mémoire de ces crimes, défendre les droits humains et lutter contre les idéologies de haine demeurent des exigences fondamentales pour prévenir leur résurgence.