Introduction
En France, les campagnes ont toujours assumé plusieurs rôles, mais leur fonction dominante a longtemps été agricole. Ce poids s’est renforcé entre les années 1950 et 1970, avec la révolution agricole portée par la Politique agricole commune (PAC), la mécanisation et l’exode rural, qui ont modernisé et profondément transformé les campagnes. Aujourd’hui, elles connaissent une mutation marquée par la multifonctionnalité : si l’agriculture reste un pilier, elle coexiste désormais avec des activités industrielles, artisanales, environnementales et touristiques. Cette diversification dessine une économie rurale plus complexe, capable de s’adapter aux mutations économiques et sociales tout en remodelant les paysages et les usages.
Le rôle structurant de l’agriculture dans une économie rurale diversifiée
L’agriculture demeure essentielle pour l’aménagement des territoires, la gestion des paysages et l’identité culturelle. Elle fournit des emplois directs et indirects – dans la transformation, le transport ou la commercialisation – et conserve un lien fort avec les traditions culinaires et patrimoniales.
Cependant, sa part dans l’économie rurale a diminué sous l’effet de la mécanisation, de la concentration des exploitations et de la concurrence internationale. Pour compenser, de nombreux exploitants se tournent vers des activités complémentaires : vente directe, transformation à la ferme, agritourisme. Les politiques publiques, notamment la PAC, soutiennent cette évolution en encourageant des pratiques plus durables et en finançant la diversification, comme les produits de qualité ou les projets environnementaux.
À retenir
L’agriculture reste un pilier des campagnes, mais elle est désormais intégrée à une économie rurale diversifiée. La PAC accompagne cette évolution en soutenant à la fois la production et la diversification.
Les nouvelles fonctions des espaces ruraux
Les campagnes ne se limitent plus à la seule production agricole. Elles remplissent désormais plusieurs fonctions complémentaires.
La fonction résidentielle se développe avec l’installation de ménages attirés par le cadre de vie, le coût plus faible du logement et le télétravail. Les « néo-ruraux » venus des villes dynamisent les commerces, mais accentuent aussi la pression foncière.
La fonction industrielle et artisanale se concentre surtout dans les franges rurales proches des grandes villes et des grands axes de transport. On y trouve des ateliers, des petites usines, mais aussi des plateformes logistiques de transport et de stockage, qui profitent de la disponibilité du foncier et de la main-d’œuvre.
La fonction environnementale est essentielle : préservation de la biodiversité, protection de l’eau, stockage du carbone, lutte contre l’érosion. De plus en plus de projets d’énergies renouvelables (éoliennes, panneaux solaires, méthanisation) trouvent place dans ces espaces.
Enfin, la fonction touristique attire une clientèle en quête d’authenticité : tourisme vert, loisirs de plein air, patrimoine architectural ou œnotourisme. Ces activités créent des emplois, saisonniers ou permanents.
À retenir
La diversification des fonctions rurales renforce l’attractivité des campagnes, mais modifie leur organisation sociale et accentue les tensions liées à l’usage des sols.
Les effets de la multifonctionnalité sur l’économie et la société rurales
La multifonctionnalité élargit les sources de revenus et limite la dépendance à un seul secteur. Elle contribue à maintenir la population, à recréer des services de proximité et à stimuler l’innovation locale. Les programmes publics de revitalisation, en France comme dans l’Union européenne, soutiennent cette dynamique à travers des financements pour les infrastructures, les formations et les projets collectifs.
Socialement, elle attire des profils variés : agriculteurs, artisans, salariés du tertiaire, retraités, néo-ruraux. Cette diversité enrichit la vie locale mais peut aussi créer des tensions : concurrence pour l’usage des sols, opposition entre objectifs économiques et environnementaux, transformation des paysages par de nouvelles infrastructures.
À retenir
La multifonctionnalité dynamise l’économie et la société rurales, mais impose une gestion équilibrée entre développement économique, environnement et cohésion sociale.
Exemples de reconversion et de diversification
En France, les vignobles du Bordelais et de la Champagne associent production viticole et œnotourisme, en combinant visites, hébergements et restauration. Dans le Massif central, des exploitations agricoles sont reconverties en gîtes ou en ateliers artisanaux, participant à la revitalisation de villages.
En Espagne, la Castille-La Manche valorise son patrimoine littéraire autour de Don Quichotte, son agriculture céréalière et ses projets d’énergies renouvelables, tandis que la Rioja ou la Catalogne restent les grandes régions viticoles emblématiques.
En Afrique de l’Est, le Kenya et la Tanzanie illustrent la diversification : agriculture vivrière, cultures d’exportation (café, thé, fleurs coupées) et tourisme fondé sur les safaris et les parcs nationaux coexistent.
Au Brésil, le Centre-Sud, notamment l’État de São Paulo, illustre la reconversion grâce à la production d’éthanol de canne à sucre, tandis que d’autres régions anciennement tournées vers l’élevage extensif se diversifient avec l’agroforesterie.
À retenir
La diversification s’appuie sur les ressources locales et sur des stratégies variées : agriculture de qualité, tourisme, énergies renouvelables ou agro-industries.
Conclusion
Les espaces ruraux ne se définissent plus uniquement par l’agriculture. Leur économie repose désormais sur un équilibre entre agriculture, résidentiel, industrie, artisanat, logistique, environnement et tourisme. Cette multifonctionnalité, encouragée par les politiques publiques françaises et européennes, soutient la vitalité des campagnes. Elle impose toutefois une gestion fine des ressources et des usages, afin de préserver la cohésion sociale et les équilibres environnementaux, dans un contexte marqué par la transition écologique et la recherche d’un développement durable.
