Rivalités et coopérations dans les espaces maritimes

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Dans cette leçon, tu vas comprendre pourquoi les espaces maritimes sont au cœur des enjeux géopolitiques actuels : ressources, routes stratégiques, tensions régionales et coopération internationale. Tu découvriras aussi comment le droit de la mer tente de réguler ces rivalités et de protéger les écosystèmes marins. Mots-clés : géopolitique maritime, droit de la mer, ZEE, routes maritimes, ressources marines, gouvernance des océans.

Introduction

Les espaces maritimes jouent un rôle fondamental dans les équilibres géopolitiques contemporains. Ils assurent plus de 90 % du commerce mondial, concentrent d’importantes ressources naturelles (halieutiques, énergétiques, minérales), et sont traversés par des enjeux de souveraineté, de sécurité, d’environnement et de gouvernance mondiale.

À la croisée des intérêts économiques et stratégiques, ces espaces suscitent à la fois des coopérations entre États et organisations internationales, et des rivalités, souvent exacerbées par l’exploitation des ressources et le contrôle des routes maritimes stratégiques. Le cadre juridique de référence, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), signée à Montego Bay en 1982, structure ces rapports, mais reste partiellement contesté ou difficile à appliquer.

Le droit de la mer : un cadre commun entre souveraineté et liberté

La Convention de Montego Bay organise les espaces maritimes en plusieurs zones :

  • Les eaux territoriales (jusqu’à 12 milles marins) sont placées sous la pleine souveraineté de l’État côtier.

  • La zone économique exclusive (ZEE) s’étend jusqu’à 200 milles marins : l’État y possède des droits exclusifs d’exploitation des ressources (pêche, sous-sol, énergie), mais n’exerce pas une souveraineté totale.

  • La haute mer, au-delà des ZEE, est un espace commun mondial, ouvert à tous les États.

Ce découpage s’accompagne d’un principe fondamental : la liberté de navigation, c’est-à-dire le droit pour tous les navires, quels que soient leur pavillon ou leur statut, de circuler librement en haute mer et dans les ZEE, tant qu’ils ne portent pas atteinte aux droits de l’État côtier. Cette distinction entre souveraineté exclusive et liberté de navigation est souvent à l’origine de contentieux, notamment dans les ZEE.

Par exemple, certains États contestent le passage de navires militaires étrangers dans leur ZEE, tandis que d’autres revendiquent le droit de naviguer librement. Ce débat est au cœur des tensions en mer de Chine méridionale, où la Chine tente de restreindre cette liberté dans une zone qu’elle considère comme relevant de son contrôle.

À retenir

Le droit de la mer repose sur un équilibre entre souveraineté économique et liberté de navigation. Cette distinction est souvent à l’origine de tensions entre États.

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Rivalités autour des ressources et des points de passage

Les espaces maritimes stratégiques concentrent les tensions géopolitiques les plus marquées, qu’il s’agisse de revendications territoriales ou du contrôle des grands détroits et canaux internationaux.

Les exemples sont nombreux :

  • En mer de Chine méridionale, la Chine revendique une zone délimitée par la « ligne en neuf traits », empiétant sur les ZEE de plusieurs voisins (Philippines, Vietnam, Malaisie…). Malgré une condamnation internationale en 2016, elle militarise les îlots qu’elle contrôle.

  • Le détroit d’Ormuz, passage stratégique pour les exportations pétrolières du Golfe, est une zone de tension constante entre l’Iran, les États-Unis et leurs alliés.

  • Le détroit de Malacca, entre l’Indonésie, la Malaisie et Singapour, est l’une des routes commerciales les plus fréquentées au monde.

  • Le canal de Suez, qui relie la Méditerranée à la mer Rouge, est vital pour le commerce entre l’Europe et l’Asie.

  • La mer Noire, depuis 2022, est également devenue un espace de conflit, notamment entre la Russie et l’Ukraine. La Russie y mène des blocus, des attaques sur les ports et perturbe le transport maritime.

  • Dans l’Arctique, la fonte des glaces provoquée par le réchauffement climatique ouvre de nouvelles routes maritimes et suscite des revendications territoriales de la part de la Russie, du Canada, des États-Unis et de pays européens.

À retenir

Le contrôle des points de passage stratégiques et des zones de ressources marines donne lieu à des rivalités croissantes. Ces tensions reflètent la recomposition des rapports de force mondiaux.

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Coopérations régionales et internationales : des régulations indispensables

Pour répondre à ces tensions et réguler l’usage des mers, de nombreuses formes de coopération ont vu le jour. Certaines relèvent des organisations internationales :

  • L’Organisation maritime internationale (OMI) établit les règles de sécurité maritime, de prévention des accidents et de lutte contre la pollution.

  • L’Organisation hydrographique internationale (OHI) standardise les cartes marines et facilite la navigation.

  • L’Organisation des Nations unies (via le COPUOS pour l’espace extra-atmosphérique, ou par son Assemblée générale) soutient les grands accords multilatéraux comme la Convention de Montego Bay.

D’autres relèvent de structures régionales spécialisées, comme les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP), qui encadrent la pêche dans des zones spécifiques. Par exemple :

  • La CIAT (Commission interaméricaine du thon tropical) dans l’océan Pacifique.

  • L’ICCAT (Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique) dans l’Atlantique nord.

Des efforts sont également menés dans le cadre du traité BBNJ, adopté en 2023, qui vise à protéger la biodiversité marine au-delà des juridictions nationales. Il encadre l’exploitation de la haute mer et prévoit le partage équitable des bénéfices scientifiques (notamment des découvertes génétiques ou biologiques) issus de ces espaces.

La France joue un rôle majeur dans cette gouvernance : elle participe aux négociations internationales, contrôle une vaste ZEE et dispose de moyens militaires pour intervenir dans les océans, notamment dans l’Indo-Pacifique. Elle promeut une approche fondée sur le droit, la durabilité et la protection des biens communs maritimes.

À retenir

Des organisations internationales et régionales régulent les usages maritimes. La France y joue un rôle important, en s’appuyant sur sa ZEE étendue et sa diplomatie maritime.

Ressources, pressions et gouvernance écologique

Les mers sont riches en ressources, mais aussi vulnérables. Elles concentrent :

  • Des ressources halieutiques, essentielles pour la sécurité alimentaire.

  • Des hydrocarbures offshore (pétrole, gaz).

  • Des nodules polymétalliques, concrétions riches en métaux rares (manganèse, nickel, cobalt), présents dans les grands fonds marins.

L’exploitation minière potentielle en haute mer, encore peu encadrée, inquiète les scientifiques et les ONG. Elle pourrait endommager des écosystèmes marins encore mal connus.

D’autres menaces pèsent sur les milieux : pêche illégale, pollution plastique, acidification des océans, marées noires. Les tensions liées aux quotas de pêche, comme celles observées entre chalutiers français et britanniques après le Brexit, montrent que même les ressources côtières font l’objet de conflits économiques vifs.

Une gouvernance écologique s’impose : elle passe par des aires marines protégées, des quotas partagés, et une coopération scientifique plus large.

À retenir

Les ressources marines sont convoitées, mais leur exploitation menace les équilibres écologiques. Une gouvernance partagée est nécessaire pour garantir leur durabilité.

Conclusion

Les espaces maritimes sont à la fois des ressources vitales, des axes stratégiques et des biens communs fragiles. Ils concentrent des tensions géopolitiques majeures, mais aussi des efforts de régulation et de coopération. Le droit de la mer, les organisations internationales et les accords récents montrent que la gouvernance maritime existe, mais qu’elle doit s’adapter à des enjeux nouveaux : pression démographique, changement climatique, montée en puissance de nouveaux acteurs.

Dans ce contexte, la France, par son étendue maritime, son rôle diplomatique et ses capacités navales, a une responsabilité particulière pour défendre un modèle fondé sur la paix, la durabilité et le respect du droit international.