Introduction
Depuis plus de deux siècles, la croissance économique a profondément transformé les sociétés. Elle a permis d’améliorer la santé, l’alimentation, l’éducation et le confort de vie. Mais ce progrès s’est accompagné d’un coût écologique majeur. L’industrialisation, l’agriculture intensive et la consommation de masse ont entraîné une exploitation excessive des ressources naturelles et une dégradation rapide de l’environnement.
Une question essentielle se pose aujourd’hui : peut-on continuer à produire et consommer davantage sans détruire la planète ? Le réchauffement climatique, la pollution et la disparition d’espèces obligent les sociétés à repenser leur modèle de développement et à imaginer une croissance compatible avec la préservation de la nature.
Comprendre la croissance économique et ses formes
La croissance économique désigne l’augmentation durable de la production de biens et de services dans un pays. Elle se mesure à l’aide du Produit intérieur brut (PIB), qui additionne la valeur ajoutée créée par toutes les entreprises, administrations et associations d’un territoire.
Cette croissance peut être de deux natures. On parle de croissance extensive lorsqu’elle repose sur l’augmentation des facteurs de production : plus de travailleurs, plus de machines, plus de terres exploitées. Par exemple, un pays qui construit de nouvelles usines ou cultive davantage de champs augmente sa production par extension. À l’inverse, la croissance intensive repose sur une meilleure productivité, c’est-à-dire sur la capacité à produire plus avec les mêmes ressources, grâce à la technologie ou à une meilleure organisation du travail.
Pendant les Trente Glorieuses (1945-1975), la plupart des pays développés ont connu une croissance à la fois extensive et intensive. Mais ce modèle, fondé sur la consommation d’énergie et de matières premières, montre aujourd’hui ses limites écologiques.
À retenir
La croissance économique correspond à l’augmentation du PIB. Elle peut être extensive (plus de moyens utilisés) ou intensive (production plus efficace).
Les impacts environnementaux de la croissance
La croissance repose sur une consommation massive d’énergie, souvent issue des énergies fossiles comme le charbon, le pétrole ou le gaz. Leur combustion libère des gaz à effet de serre (GES), responsables du réchauffement climatique. Ces gaz retiennent une partie de la chaleur du Soleil dans l’atmosphère, entraînant une hausse des températures à la surface de la Terre.
Le dioxyde de carbone (CO₂) est le principal GES. Il provient surtout des centrales électriques, des véhicules et des usines. Le méthane (CH₄), lui, est émis par l’agriculture (élevage de bovins, rizières) et les décharges. Le protoxyde d’azote (N₂O) vient des engrais chimiques utilisés dans l’agriculture, tandis que les gaz fluorés, présents dans les réfrigérateurs et climatiseurs, sont de puissants polluants.
Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la température mondiale moyenne a augmenté d’environ 1,2 °C depuis 1850, et pourrait atteindre 2,5 à 3 °C d’ici 2100 si les émissions ne diminuent pas. Cette hausse provoque des sécheresses, des incendies, des inondations et la fonte des glaces.
Mais la croissance ne se limite pas à l’énergie : elle consomme aussi d’énormes quantités de ressources naturelles. L’extraction de minerais, la déforestation ou la surpêche détruisent des écosystèmes entiers. Par exemple, en Amazonie, la forêt disparaît pour laisser place à des cultures de soja et à l’élevage de bétail.
Elle engendre aussi des pollutions multiples : l’air des grandes villes est souvent irrespirable, les océans sont envahis de plastique et les sols agricoles s’appauvrissent. En 2024, la Banque mondiale estimait que près de 90 % de la population mondiale respirait un air de mauvaise qualité, responsable de 7 millions de décès prématurés par an.
La croissance du PIB, en revanche, ne tient pas compte de ces dégradations. Lorsqu’une usine produit plus de biens, le PIB augmente, même si cette activité pollue ou abîme la santé des habitants. Ces effets non pris en compte sont appelés externalités négatives, c’est-à-dire des dommages causés à la société ou à l’environnement par une activité économique (comme la pollution d’une rivière).
À retenir
La croissance stimule la production, mais elle s’accompagne de réchauffement climatique, de surexploitation des ressources et de pollutions. Le PIB ignore ces externalités négatives, ce qui donne une image incomplète du bien-être réel.
Pourquoi la croissance actuelle n’est pas durable
Le développement durable, défini en 1987 par le rapport Brundtland, consiste à répondre aux besoins présents sans compromettre ceux des générations futures. Pourtant, la croissance actuelle reste loin de cet objectif.
Elle repose encore sur les énergies non renouvelables, dont les réserves s’épuisent. Leur exploitation détruit les milieux naturels et libère des polluants.
Elle entretient aussi la consommation de masse, soutenue par la publicité et les innovations constantes. Beaucoup de produits sont volontairement conçus pour ne pas durer : c’est ce qu’on appelle l’obsolescence programmée, c’est-à-dire le fait de fabriquer des objets qui tombent en panne ou deviennent obsolètes plus vite, afin d’encourager le rachat. Par exemple, certains téléphones ont des batteries soudées, impossibles à remplacer.
Enfin, la croissance ne respecte pas toujours les limites planétaires, un concept scientifique qui désigne les seuils à ne pas dépasser pour que la Terre reste habitable (par exemple : qualité de l’air, stabilité du climat, biodiversité, ressources en eau). Selon le Stockholm Resilience Center, six de ces neuf limites ont déjà été franchies, notamment pour le climat, la biodiversité et les pollutions chimiques.
À retenir
La croissance actuelle n’est pas durable car elle repose sur des énergies fossiles, encourage la surconsommation et dépasse plusieurs limites écologiques vitales pour la planète.
Le découplage entre croissance et environnement : un espoir ?
Certains économistes estiment possible de dissocier la croissance économique de la dégradation de l’environnement : c’est ce qu’on appelle le découplage.
Le découplage relatif se produit quand le PIB augmente plus vite que la pollution : les émissions continuent de croître, mais moins rapidement que la richesse produite. Le découplage absolu, plus ambitieux, apparaît lorsque le PIB augmente tandis que la pollution et la consommation de ressources diminuent réellement.
Le Danemark illustre cette idée : depuis 1990, son PIB a progressé d’environ 50 %, alors que ses émissions de CO₂ ont baissé de 30 %, grâce à un vaste investissement dans les énergies renouvelables, notamment l’éolien. La Corée du Sud, de son côté, a lancé un plan de croissance verte, finançant les transports propres, l’efficacité énergétique et la recherche sur les technologies vertes.
De nombreuses entreprises s’engagent aussi dans cette voie. La marque Patagonia encourage ses clients à réparer et revendre leurs vêtements pour éviter la surproduction. L’entreprise Interface, spécialisée dans les moquettes, a réduit de 96 % ses émissions de CO₂ en recyclant entièrement ses matériaux. Quant au groupe français Veolia, il investit dans le recyclage de l’eau et des déchets, participant ainsi à une économie circulaire, où les ressources sont réutilisées plutôt que jetées.
À retenir
Le découplage permet de produire davantage tout en polluant moins. Certains pays (comme le Danemark et la Corée du Sud) et entreprises (comme Patagonia, Interface et Veolia) montrent qu’une croissance plus verte est possible, même si elle reste limitée.
Les débats sur la soutenabilité
Deux grandes visions s’opposent sur la possibilité d’une croissance durable.
La soutenabilité faible estime que le capital naturel (les ressources de la planète) peut être remplacé par le capital humain ou technologique. Autrement dit, on peut détruire une forêt si l’on crée, en échange, une innovation qui améliore l’efficacité énergétique ou le recyclage. C’est la vision des partisans de la croissance verte, qui misent sur le progrès technique pour résoudre les problèmes écologiques.
La soutenabilité forte, au contraire, considère que la nature est irremplaçable. Certaines destructions — comme la disparition d’espèces ou la montée du niveau des mers — sont irréversibles. Cette approche rejoint les idées de la décroissance, qui préconise une réduction volontaire de la production et de la consommation pour préserver les écosystèmes.
Ces deux visions traduisent un débat central : faut-il compter sur la technologie pour rendre la croissance écologique, ou faut-il changer nos modes de vie pour éviter la catastrophe environnementale ?
À retenir
La soutenabilité faible fait confiance à la technologie pour compenser les dégâts écologiques. La soutenabilité forte estime, au contraire, que la nature ne peut être remplacée et qu’il faut réduire la production.
Conclusion
La croissance économique, moteur historique du développement, atteint aujourd’hui ses limites écologiques. En épuisant les ressources naturelles et en modifiant le climat, elle menace les conditions de vie des générations futures.
Le défi du XXIe siècle est de construire une croissance durable, conciliant progrès économique, équité sociale et respect de l’environnement. Cela suppose d’intégrer les coûts écologiques dans les décisions économiques, de développer les innovations vertes et de transformer nos habitudes de consommation.
La véritable richesse d’un pays ne se mesure plus seulement à son PIB, mais à sa capacité à garantir le bien-être durable de sa population tout en préservant la planète. C’est tout l’enjeu du développement durable : produire autrement, pour vivre mieux, plus longtemps et en harmonie avec la nature.
