Introduction
Publiée en 1791, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges s’inscrit dans le parcours « Écrire et combattre pour l’égalité ». En reprenant et en détournant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’autrice dénonce l’oubli des femmes dans les principes proclamés par la Révolution française. Ce texte est un manifeste qui revendique l’égalité des droits entre les sexes et, plus largement, l’émancipation de tous les opprimés.
L’auteure et son époque
Olympe de Gouges, née Marie Gouze en 1748 à Montauban, devient veuve à 18 ans. Libérée de l’autorité d’un mari qu’elle n’a pas choisi, elle s’installe à Paris, change de nom et commence une carrière littéraire. Elle est guillotinée en novembre 1793 pour avoir critiqué certains choix des révolutionnaires.
Olympe de Gouges fait de l’écriture un véritable outil d’engagement politique. Elle mobilise la langue pour défendre ses idées avec clarté et vigueur, en particulier dans la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, où elle développe des arguments précis et percutants.
Toutefois, la réception de son œuvre soulève encore des débats. Ses pièces de théâtre ont parfois été jugées maladroites ou trop directes, et son style a pu paraître moins abouti que celui des grands auteurs classiques. Mais ces critiques sont à relativiser : elles reflètent aussi les résistances de son époque face à une femme qui écrivait et intervenait dans l’espace public.
On sait également qu’elle dictait souvent ses textes, pratique courante à l’époque. Certains y ont vu un signe d’approximation dans sa maîtrise de l’écrit, d’autres plutôt une méthode pratique. Ces incertitudes n’enlèvent rien à la force de son engagement : Olympe de Gouges assume une parole originale, simple et énergique, qui affirme la légitimité des femmes à intervenir dans le débat public.
Son époque est celle des Lumières, marquée par la critique de l’absolutisme, des privilèges et de l’esclavage. Voltaire, Montesquieu, Diderot et d’autres défendent la liberté et l’égalité, mais leurs revendications excluent encore les femmes. Après la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, de nombreuses inégalités demeurent : les femmes n’ont ni droits politiques, ni autonomie juridique, ni véritable accès à l’éducation. L’esclavage dans les colonies ne sera aboli qu’en 1794 (première abolition), puis rétabli et aboli de nouveau en 1848.
À retenir
Olympe de Gouges s’inscrit dans l’esprit des Lumières, mais elle pousse plus loin l’idéal égalitaire : elle revendique des droits pour les femmes et pour les esclaves, élargissant ainsi la promesse d’égalité.
Le titre
Le titre Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne parodie volontairement celui de 1789. La féminisation affiche la thèse : si les droits sont vraiment universels, ils doivent inclure les femmes. Le titre pose donc, d’emblée, la question de l’égalité.
À retenir
Le titre détourne celui de 1789 pour révéler la contradiction d’un universalisme qui oublie la moitié de l’humanité.
Structure et résumé de l’œuvre
La Déclaration reprend la logique du texte de 1789, mais en la féminisant et en l’argumentant :
1. Épître dédicatoire à Marie-Antoinette (hors programme de Première). Choix ambigu : la reine incarne à la fois le pouvoir monarchique (donc une alliée potentielle capable d’influer) et une figure très critiquée par les révolutionnaires. Cette adresse peut dérouter : elle vise à frapper les esprits et à placer la revendication au plus haut niveau, au risque d’entretenir un malentendu sur la position d’Olympe vis-à-vis de la monarchie.
2. Adresse aux hommes (hors programme) : rappel d’un principe d’égalité naturelle entre les sexes.
3. Préambule : reprise du préambule de 1789, féminisé et réorienté vers l’inclusion des femmes.
4. 17 articles : affirmation des droits civils et politiques des femmes (liberté, égalité, sûreté, propriété, participation à la loi et aux charges publiques).
5. Postambule : appel aux femmes à s’emparer elles-mêmes de leur libération.
6. Contrat social entre l’homme et la femme (hors programme) : proposition d’un cadre conjugal fondé sur l’égalité des partenaires.
À retenir
En calquant sa structure sur 1789, Olympe montre par l’exemple que chaque article peut et doit inclure explicitement les femmes.
Les thèmes majeurs
La référence à la Déclaration de 1789
Olympe de Gouges inscrit son texte dans la continuité de 1789 tout en en montrant les limites. L’universalisme proclamé reste théorique si les femmes en sont exclues. La féminisation des articles révèle ce biais et propose une extension cohérente des droits.
À retenir
Le texte dévoile l’angle mort de 1789 et en propose la correction : l’universalité pour toutes et tous.
L’égalité des sexes
Le mot « féminisme » n’existe pas encore, mais Olympe en pose les fondements : égalité civile, politique et sociale ; accès à la loi, à la citoyenneté, à la propriété, au divorce, à l’éducation. Elle refuse l’argument de l’infériorité naturelle et montre que l’exclusion est sociale et juridique.
À retenir
L’égalité n’est pas un « supplément » : c’est la condition de légitimité d’un régime qui se dit fondé sur les droits.
La lutte contre toutes les oppressions
Olympe étend sa critique à l’esclavage colonial et défend une égalité véritablement universelle. Sa démarche relie les combats : droits des femmes, droits des personnes réduites en esclavage, droits des plus faibles.
À retenir
La cohérence d’Olympe : un même principe d’égalité vaut pour tous les êtres humains.
Conclusion
La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne élargit la promesse de 1789 en y intégrant les femmes et, plus largement, tous les oubliés de l’égalité. Par la parodie du texte fondateur, la clarté des 17 articles et l’appel à l’action, Olympe de Gouges fait entrer la question des droits des femmes dans l’espace public moderne. Sa voix, longtemps marginalisée, résonne aujourd’hui comme un jalon majeur dans l’histoire des luttes pour l’égalité.
