Introduction
Mesurer la performance d’une entreprise ne se résume pas à constater si elle réalise un bénéfice. Selon les attentes des parties prenantes — dirigeants, investisseurs, partenaires financiers, salariés —, plusieurs indicateurs permettent d’évaluer la capacité de l’entreprise à générer des ressources et à rémunérer les capitaux engagés. Deux approches principales se complètent : la profitabilité, qui mesure la capacité de l’activité à produire un résultat ou une ressource, et la rentabilité, qui analyse la rémunération des capitaux investis. Comprendre ces indicateurs permet d’avoir une vision globale de la performance et de ses leviers.
Analyse de la profitabilité — exemples guidés
Excédent brut d’exploitation (EBE)
Idée clé. L’EBE mesure la performance opérationnelle pure avant amortissements, provisions, éléments financiers et impôts. Il se calcule à partir de la valeur ajoutée (VA), dont on retranche les charges d’exploitation hors dotations (charges de personnel, impôts et taxes…).
Données de départ (exemple) :
Chiffre d’affaires HT : 1 000 000 €
Consommations externes (achats consommés, sous‑traitance…) : 600 000 €
Charges de personnel : 220 000 €
Impôts et taxes (hors impôt sur les bénéfices) : 20 000 €
Subventions d’exploitation : 0 €
Étapes de calcul :
Valeur ajoutée = Chiffre d’affaires − Consommations externes = 1 000 000 − 600 000 = 400 000 €
EBE = Valeur ajoutée + Subventions d’exploitation − (Impôts et taxes + Charges de personnel)
EBE = 400 000 + 0 − (20 000 + 220 000) = 160 000 €
Lecture rapide :
Avec 160 000 € d’EBE, l’activité génère un excédent opérationnel suffisant avant amortissements et finance/impôts. Si l’EBE progresse, c’est souvent grâce à plus de VA (marges, volume) ou à une meilleure maîtrise des charges d’exploitation.
Astuce
L’EBE « se situe » dans la partie exploitation du compte de résultat, au‑dessus des dotations aux amortissements et provisions.
Résultat d’exploitation (RE)
Idée clé. Le RE intègre l’usure des actifs et les risques via les dotations aux amortissements et provisions. Il montre la performance après « coût d’usage » des moyens de production.
Données de départ (suite de l’exemple) :
EBE : 160 000 €
Dotations aux amortissements et provisions d’exploitation : 50 000 €
Étapes de calcul :
RE = EBE − Dotations d’exploitation = 160 000 − 50 000 = 110 000 €
Lecture rapide :
Le passage de 160 000 € (EBE) à 110 000 € (RE) reflète l’impact de l’amortissement des machines, véhicules, logiciels, etc.
Repère dans le compte de résultat
Le RE est après l’EBE et avant les produits/charges financiers.
Résultat courant avant impôt (RCAI)
Idée clé. Le RCAI tient compte de la structure financière (coût de la dette, produits financiers). Il reste avant impôt sur les bénéfices.
Données de départ (suite) :
RE : 110 000 €
Produits financiers : 5 000 €
Charges financières : 25 000 €
Étapes de calcul :
RCAI = RE + Produits financiers − Charges financières
RCAI = 110 000 + 5 000 − 25 000 = 90 000 €
Lecture rapide :
Les 20 000 € de coût financier net (25 000 − 5 000) réduisent le résultat de l’entreprise avant impôt. Une dette moins coûteuse ou un endettement mieux calibré améliore le RCAI.
Repère
Le RCAI apparaît en dessous du RE dans le compte de résultat, avant l’impôt sur les bénéfices.
Capacité d’autofinancement (CAF)
Idée clé. La CAF est un potentiel de financement (et non de la trésorerie immédiatement disponible). Elle mesure les flux internes que l’activité est susceptible de générer pour investir, rembourser ou distribuer. Il y a deux méthodes de calcul :
Méthode additive (à partir du résultat net)
Étape 1 : calcul du résultat net (RN). Ici, supposons aucun élément exceptionnel et un taux d’IS de 25 %.
Résultat avant impôt = RCAI = 90 000 € → Impôt = 25 % × 90 000 = 22 500 € → RN = 67 500 €
Étape 2 : réintégrer les charges non décaissées et retrancher les produits non encaissés.
Dotations (non décaissées) : 50 000 € ; Reprises (supposées 0).
CAF (additive) = RN + Dotations − Reprises = 67 500 + 50 000 − 0 = 117 500 €
Méthode soustractive (à partir de l’EBE) :
CAF (soustractive) = EBE − Impôt sur les bénéfices − Charges financières + Produits financiers
\= 160 000 − 22 500 − 25 000 + 5 000 = 117 500 €
Les deux méthodes donnent le même résultat (si l’on neutralise les éléments exceptionnels et non cash). La CAF de 117 500 € n’est pas la trésorerie du jour : elle indique la capacité théorique à financer des projets après prise en compte des éléments non décaissés/encaissés.
L’analyse de la rentabilité
La rentabilité évalue la rémunération des capitaux mobilisés, selon deux perspectives :
La rentabilité économique : calcule le rendement de l’actif économique (aussi appelé « capitaux investis »), qui correspond aux capitaux propres (capital, réserves, résultat mis en report) additionnés aux dettes financières, hors trésorerie excédentaire. Le numérateur est généralement le résultat d’exploitation après impôt ou le RCAI.
Formule indicative :
Rentabilité économique (%) = (Résultat d’exploitation après impôt / Actif économique) × 100
La rentabilité financière : rapporte le résultat net comptable après impôt aux seuls capitaux propres.
Formule indicative :
Rentabilité financière (%) = (Résultat net / Capitaux propres) × 100
La comparaison de ces deux ratios permet d’identifier l’effet de levier.
Exemple chiffré simplifié :
Actif économique : 1 000 000 €
Capitaux propres : 500 000 €
Dettes financières : 500 000 €
Résultat d’exploitation après impôt : 80 000 €
Coût de la dette : 4 % (soit 20 000 € d’intérêts)
Rentabilité économique = 80 000 / 1 000 000 × 100 = 8 %
Résultat net = 80 000 – 20 000 = 60 000 €
Rentabilité financière = 60 000 / 500 000 × 100 = 12 %
Ici, comme la rentabilité économique (8 %) est supérieure au coût de la dette (4 %), l’endettement augmente la rentabilité financière. Mais si la rentabilité économique tombait à 3 %, l’effet de levier deviendrait négatif, réduisant la rentabilité des capitaux propres.
À retenir
La rentabilité économique mesure le rendement de l’actif économique, la rentabilité financière celui des capitaux propres. L’effet de levier peut améliorer la rentabilité financière mais augmente aussi le risque lié à l’endettement.
Conclusion
L’analyse de la profitabilité et de la rentabilité offre une vision globale de la performance d’une entreprise. Les indicateurs de profitabilité, issus du compte de résultat, montrent la capacité à générer des résultats et un potentiel de financement. Les ratios de rentabilité évaluent la rémunération des capitaux investis et propres. Comprendre l’effet de levier, ses opportunités et ses risques permet aux décideurs d’adapter leurs choix financiers et stratégiques.
