Introduction
Les réseaux sociaux sont aujourd’hui des lieux où se tissent et s’entretiennent les liens humains. Chaque utilisateur, chaque relation, chaque groupe peut être représenté sous forme de graphe, un outil mathématique utilisé pour comprendre comment les personnes sont connectées entre elles.
Dans un graphe social, les nœuds représentent les individus et les arêtes les relations entre eux (amitié, abonnements, échanges…). On peut alors étudier la structure de ce réseau grâce à plusieurs notions : le centre (la personne la plus connectée ou la plus proche des autres), le rayon (la distance minimale reliant le centre au nœud le plus éloigné) et le diamètre (la distance maximale entre deux personnes du réseau). Par exemple, dans un groupe d’amis, le centre pourrait être celui ou celle qui connaît le plus de monde, tandis que le diamètre correspondrait au nombre maximum d’intermédiaires nécessaires pour que deux personnes puissent entrer en contact.
Ces concepts permettent de comprendre la théorie du petit monde, selon laquelle les êtres humains sont bien plus proches les uns des autres qu’ils ne le pensent.
La théorie du « petit monde » : une société connectée
Dans les années 1960, le psychologue américain Stanley Milgram mène une expérience restée célèbre. Il demande à plusieurs participants d’envoyer une lettre à un inconnu en la faisant passer uniquement par des connaissances personnelles. Résultat : en moyenne, il ne faut que six intermédiaires pour relier deux individus pris au hasard aux États-Unis.
Ce constat, appelé théorie du petit monde, montre que notre société est un réseau à diamètre faible, où chacun est relié à presque tout le monde par quelques relations seulement. Autrement dit, même dans un monde immense, la distance sociale entre deux personnes est étonnamment courte.
Les réseaux sociaux numériques (Facebook, Instagram, TikTok, LinkedIn…) confirment et amplifient ce phénomène. Les analyses des données de Facebook, par exemple, indiquent qu’en moyenne, trois à quatre relations suffisent pour connecter deux utilisateurs pris au hasard dans le monde. Les algorithmes des plateformes exploitent directement ce principe : en analysant les connexions et les interactions (amis communs, abonnements, centres d’intérêt), ils te proposent des « amis que tu pourrais connaître » ou des groupes susceptibles de t’intéresser.
À retenir
La théorie du petit monde montre que tout individu est relié à n’importe quel autre par un petit nombre d’intermédiaires. Les algorithmes des réseaux sociaux s’appuient sur ce principe pour suggérer des relations et renforcer les connexions entre utilisateurs.
Bonding et bridging : deux manières de se relier aux autres
Les sociologues distinguent deux types de liens sociaux : le bonding et le bridging. Ces deux formes décrivent comment les relations se structurent dans un réseau, qu’il soit réel ou numérique.
Le bonding (de to bond, « se lier ») désigne les liens forts : ceux que tu entretiens avec ta famille, tes amis proches ou ton cercle intime. Ils assurent la solidarité, la confiance et la proximité émotionnelle. Dans un graphe, ces liens apparaissent dans des zones très denses, où les nœuds sont fortement connectés entre eux : on parle alors de communauté.
Le bridging (de to bridge, « faire le pont ») correspond aux liens faibles, qui relient des groupes ou des communautés différentes. Par exemple, une connaissance rencontrée lors d’un stage ou un contact dans un autre pays. Ces liens faibles sont essentiels, car ils permettent la circulation d’informations nouvelles, la diversité d’idées et l’ouverture vers d’autres horizons.
Les algorithmes des réseaux sociaux cherchent à maintenir un équilibre entre ces deux dimensions : ils encouragent le bonding en te connectant à ton entourage proche, mais aussi le bridging en te proposant de rejoindre de nouveaux cercles ou de suivre des comptes qui élargissent ton réseau.
À retenir
Le bonding renforce les liens existants à l’intérieur d’une communauté, tandis que le bridging crée des passerelles entre des groupes différents. Ces deux types de liens maintiennent l’équilibre entre cohésion et ouverture sociale.
Les communautés numériques et leurs effets
Les communautés sont des ensembles de nœuds densément connectés entre eux. Elles se forment naturellement sur les réseaux sociaux autour d’intérêts communs : un fandom musical, une passion sportive, une cause écologique ou une classe virtuelle, par exemple.
Ces espaces jouent un rôle positif : ils facilitent la coopération, l’entraide et le sentiment d’appartenance. Mais, lorsqu’ils deviennent trop fermés, ils risquent de créer un effet de bulle. Les algorithmes, en proposant sans cesse des contenus similaires à ceux déjà consultés, peuvent limiter la diversité des opinions et renforcer le bonding au détriment du bridging.
Prenons un exemple concret : un utilisateur qui consulte souvent des vidéos politiques d’un même courant verra son fil d’actualité progressivement rempli de contenus similaires. Cette sélection automatique réduit son exposition à d’autres points de vue et peut appauvrir la pensée critique.
C’est ce qu’on appelle une bulle informationnelle : un espace où l’on reçoit surtout des informations qui confirment ses propres opinions, créant une illusion d’unanimité.
À retenir
Les communautés numériques favorisent la cohésion, mais peuvent aussi enfermer leurs membres dans des bulles informationnelles, limitant la diversité des points de vue et la réflexion critique.
Prévenir l’isolement et la cyberviolence
Si les réseaux rapprochent les individus, ils peuvent aussi devenir le lieu de tensions et de violences numériques. La cyberviolence regroupe les comportements agressifs ou illégaux commis en ligne : moqueries, insultes, diffusion d’images sans accord, chantage ou harcèlement.
Ces actes sont punis par la loi. En France, le Code pénal sanctionne le cyberharcèlement (article 222-33-2-2) de peines pouvant aller jusqu’à trois ans de prison et 45 000 € d’amende lorsque la victime est mineure. Le droit à l’image protège chacun contre la diffusion de sa photo sans autorisation, et le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) garantit le respect de la vie privée et des informations personnelles.
Prévenir ces risques, c’est d’abord apprendre à gérer ses relations en ligne : paramétrer la confidentialité de ses comptes, refuser de relayer des messages blessants, signaler les contenus abusifs, et surtout, dialoguer avec des adultes de confiance en cas de difficulté.
À retenir
La cyberviolence (harcèlement, diffusion d’images, moqueries en ligne) est punie par la loi. Connaître ses droits, comme le RGPD ou le droit à l’image, aide à adopter un comportement numérique responsable et respectueux.
Conclusion
Les réseaux sociaux illustrent parfaitement la théorie du petit monde : quelques liens suffisent à relier des milliards d’individus. Grâce aux mathématiques des graphes, on peut comprendre comment ces liens se structurent (nœuds, arêtes, communautés, rayon, diamètre, centre) et comment les algorithmes exploitent ces connexions pour suggérer des amis ou des contenus.
Mais cette proximité numérique comporte des risques : la bulle informationnelle, l’isolement et la cyberviolence rappellent que les réseaux nécessitent un usage éclairé. En développant à la fois le bonding (liens solides) et le bridging (ouverture vers d’autres cercles), chacun peut profiter pleinement de la richesse des réseaux tout en préservant sa liberté de pensée et son bien-être numérique.
