Introduction
Entre le XIe et le XIIIe siècle, la Méditerranée est à la fois un espace d’échanges et de conflits. Trois grandes civilisations s’y rencontrent : la Chrétienté latine d’Occident, l’Empire byzantin d’Orient et le monde musulman. Chacune possède sa propre organisation politique et religieuse, mais toutes interagissent par le commerce, la diplomatie, la circulation des savoirs et la guerre.
Les croisades, lancées par les papes et prêchées par des figures religieuses, en sont l’illustration : elles traduisent à la fois la ferveur spirituelle et la confrontation entre mondes différents.
La Chrétienté latine : ferveur religieuse et expansion
La Chrétienté latine est un espace uni par le catholicisme, dirigé par le pape de Rome, mais morcelé en royaumes (France, Angleterre, Castille) et en principautés féodales.
En 1095, le pape Urbain II, au concile de Clermont, appelle les chrétiens à partir en croisade pour « délivrer » Jérusalem et les lieux saints. Son appel rencontre un immense écho. La première croisade (1096-1099) se termine par la prise de Jérusalem en 1099 et la fondation des États latins d’Orient (royaume de Jérusalem, comté de Tripoli, principauté d’Antioche).
En 1145, face à la perte d’Édesse, le pape Eugène III appelle à la deuxième croisade, prêchée par Bernard de Clairvaux, abbé cistercien. Elle mobilise des rois comme Louis VII et Conrad III, mais échoue devant Damas en 1148.
En 1187, le chef musulman Saladin, fondateur de la dynastie ayyoubide, reprend Jérusalem après la bataille de Hattin. La troisième croisade (1189-1192) réunit Richard Cœur de Lion, Philippe Auguste et Frédéric Barberousse. Elle permet quelques victoires, mais Jérusalem reste aux mains des musulmans ; les chrétiens obtiennent seulement un droit de pèlerinage.
Ces expéditions traduisent la puissance de mobilisation du pape et des prédicateurs, mais aussi les limites militaires de l’Occident.
Parallèlement, la Chrétienté connaît un essor culturel : fondation d’universités (Paris, Bologne), diffusion du droit canon, développement de l’architecture gothique.
À retenir
Les croisades expriment la ferveur religieuse et l’expansion de la Chrétienté latine. De Clermont (1095) à la troisième croisade, elles montrent la volonté d’installer durablement l’Occident en Orient, malgré des succès limités.
L’Empire byzantin : héritier de Rome et chrétienté orientale
L’Empire byzantin, centré sur Constantinople, se considère comme l’héritier de Rome. L’empereur y cumule pouvoir politique et religieux (césaropapisme, c’est-à-dire un souverain chef à la fois de l’État et protecteur de l’Église).
La foi orthodoxe y domine, et le schisme de 1054 officialise la rupture avec l’Église catholique, renforçant la méfiance avec l’Occident.
Sous Manuel Comnène (XIIe siècle), l’Empire résiste aux menaces multiples : Turcs seldjoukides en Anatolie, Normands venus d’Italie du Sud, et ambitions des Latins. Les relations avec les croisés sont ambiguës : Byzance sollicite leur aide, mais craint aussi leur puissance. En 1204, lors de la quatrième croisade, les croisés détournent leur expédition et pillent Constantinople, traumatisme qui affaiblit durablement l’Empire.
Constantinople reste néanmoins un centre économique et culturel : carrefour commercial entre Orient et Occident, célèbre pour ses soieries, et haut lieu artistique (mosaïques, icônes, basilique Sainte-Sophie).
À retenir
Héritier de Rome et foyer orthodoxe, Byzance affronte de nombreuses menaces. Le schisme de 1054 et le sac de 1204 creusent son isolement, mais Constantinople reste un carrefour commercial et culturel majeur.
Le monde musulman : diversité politique et dynamisme
Le monde musulman, né au VIIe siècle, s’étend de l’Espagne andalouse à l’Asie centrale. Au XIIe siècle, il est fragmenté. Le califat abbasside de Bagdad, bien qu’affaibli politiquement, demeure un centre intellectuel où se développent philosophie, médecine et sciences. Le califat fatimide d’Égypte décline, remplacé par les Ayyoubides de Saladin.
L’islam unit ces territoires, mais il existe une diversité religieuse : la majorité est sunnite, tandis que les chiites occupent certaines régions. Les juifs et chrétiens y vivent comme dhimmis (non-musulmans protégés, mais soumis à un impôt spécifique).
Le monde musulman est un foyer de savoirs : philosophie (Averroès), médecine (Avicenne), mathématiques (algèbre), astronomie. Les traductions arabes des auteurs grecs sont transmises vers l’Occident. Tolède, en Espagne, devient un centre de traduction où savants chrétiens, musulmans et juifs diffusent les savoirs antiques et arabes, permettant leur réception dans les universités occidentales. L’importation du papier par les Arabes favorise aussi la circulation des écrits.
L’économie est florissante : commerce d’épices d’Asie, or africain, esclaves, soieries. Les ports comme Alexandrie et Damas sont des carrefours essentiels, reliés aux villes marchandes chrétiennes comme Venise et Gênes.
Face aux croisés, des chefs comme Nur ad-Din en Syrie et Saladin incarnent la résistance musulmane. La victoire de Saladin en 1187 à Hattin, puis la reprise de Jérusalem, en font une figure majeure de l’histoire méditerranéenne.
À retenir
Fragmenté mais dynamique, le monde musulman est un centre de commerce et de savoir. Bagdad, Tolède, Alexandrie ou Damas témoignent de la vitalité intellectuelle et économique, tandis que Saladin incarne la résistance face aux croisés.
Conclusion
Entre le XIe et le XIIIe siècle, la Méditerranée est le lieu d’interactions intenses entre Chrétienté latine, Empire byzantin et monde musulman. Les croisades — de la prise de Jérusalem en 1099 au sac de Constantinople en 1204 — montrent autant la ferveur religieuse que les rivalités politiques. Mais la Méditerranée reste aussi un carrefour d’échanges commerciaux (Venise, Gênes, Alexandrie, Damas) et intellectuels (Tolède transmettant les savoirs arabes et grecs, universités de Paris et Bologne).
Au-delà du XIIIe siècle, ces équilibres évoluent : Byzance décline jusqu’à la prise de Constantinople en 1453 par les Ottomans, qui instaurent une nouvelle puissance autour de la Méditerranée. La Méditerranée médiévale apparaît ainsi comme un espace de confrontations, mais aussi de transmissions et de brassages culturels durables.
