Conflits religieux et politiques en Méditerranée médiévale

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Dans cette leçon, tu comprendras comment, entre le XIᵉ et le XIIIᵉ siècle, la Méditerranée devient à la fois un champ de croisades et un carrefour d’échanges. De Jérusalem à Constantinople, croisades, rivalités commerciales et transferts de savoirs révèlent un espace à la fois divisé et uni par ses interactions. Mots-clés : croisades, Méditerranée, Byzance, Saladin, Constantinople, échanges culturels.

Introduction

Entre le XIe et le XIIIe siècle, la Méditerranée est un espace de circulation et de confrontation où se rencontrent trois grandes civilisations. À l’Ouest, la Chrétienté latine, unifiée par le catholicisme, s’étend sur l’Europe occidentale et centrale et est dirigée spirituellement par le pape de Rome. À l’Est, l’Empire byzantin, héritier de Rome et foyer du christianisme orthodoxe, a pour capitale Constantinople. Au Sud et en Orient domine le monde musulman, qui s’étend de l’Espagne andalouse à la Mésopotamie et au-delà.

Ces espaces voisins, unis chacun par une religion et un pouvoir politique fort, entrent en relation par le commerce, la diplomatie et la guerre. Jérusalem, ville sainte des trois monothéismes, concentre leurs rivalités.

Les causes des conflits : foi, pouvoir et routes commerciales

La dimension religieuse est essentielle. Jérusalem, conquise par les Arabes en 638 puis disputée entre Fatimides et Seldjoukides au XIe siècle, est un symbole fort. Pour les chrétiens, c’est la ville du Christ ; pour les musulmans, elle est liée au voyage nocturne de Mahomet. Le contrôle musulman sur la cité est perçu en Occident comme une atteinte aux lieux saints, justifiant l’appel à la croisade lancé par Urbain II au concile de Clermont en 1095.

Ces enjeux religieux s’inscrivent dans un contexte politique. Le pape entend affirmer son autorité dans une Europe marquée par la Querelle des Investitures, qui oppose au XIe siècle le pape Grégoire VII à l’empereur germanique sur la nomination des évêques. La victoire pontificale, scellée par l’accord de Worms en 1122, renforce le prestige du Saint-Siège et explique sa capacité à mobiliser la Chrétienté. L’Empire byzantin, affaibli après la défaite de Manzikert (1071) face aux Seldjoukides, demande de l’aide à l’Occident pour récupérer ses territoires perdus. Du côté musulman, les divisions entre Abbassides de Bagdad, Fatimides d’Égypte, Seldjoukides d’Anatolie puis Ayyoubides de Saladin expliquent la lenteur de leur réaction initiale.

Les routes commerciales nourrissent enfin la rivalité. La Méditerranée est le cœur des échanges : épices d’Orient, or d’Afrique, soieries d’Asie, esclaves des marges de l’Europe et de l’Afrique. Les ports de Venise, Gênes, Marseille et Barcelone sont en concurrence avec Alexandrie, Damas, Antioche et Acre. Contrôler les routes maritimes du détroit de Gibraltar et de la mer Rouge ou les caravanes transsahariennes, c’est s’assurer la maîtrise des richesses du monde connu.

À retenir

Les croisades naissent de la ferveur religieuse autour de Jérusalem, mais elles s’expliquent aussi par l’affirmation du pouvoir papal face aux rois et empereurs et par la lutte pour contrôler les routes commerciales méditerranéennes.

Les croisades et la rivalité pour Jérusalem

La première croisade (1096-1099), lancée par Urbain II, conduit à la prise de Jérusalem en 1099 et à la fondation des États latins d’Orient. Mais ces principautés chrétiennes, isolées, sont vite fragilisées.

En 1145, après la chute du comté d’Édesse, le pape Eugène III appelle à la deuxième croisade. La prédication est confiée à Bernard de Clairvaux, abbé cistercien influent, qui mobilise Louis VII de France et Conrad III d’Allemagne. Mais l’expédition échoue devant Damas en 1148, affaiblissant le prestige pontifical.

Cet échec favorise la contre-offensive musulmane. En 1187, le sultan Saladin, fondateur de la dynastie ayyoubide, bat les croisés à Hattin et reprend Jérusalem. Ce choc entraîne la troisième croisade (1189-1192), menée par Richard Cœur de Lion, Philippe Auguste et Frédéric Barberousse. Malgré quelques victoires, les croisés ne reprennent pas Jérusalem ; un accord garantit seulement aux pèlerins chrétiens l’accès au Saint-Sépulcre. La continuité entre l’échec de la deuxième croisade et les limites de la troisième illustre la fragilité durable de la présence chrétienne au Levant.

À retenir

La deuxième croisade, initiée par Eugène III et prêchée par Bernard de Clairvaux, échoue, et Jérusalem est reprise par Saladin en 1187. La troisième croisade, qui tente de corriger cet échec, confirme l’impossibilité pour l’Occident de maintenir sa domination sur la ville sainte.

Byzance entre puissance et déclin

L’Empire byzantin, centré sur Constantinople, demeure au XIᵉ siècle une puissance majeure. Sa capitale est un carrefour économique de premier plan, où convergent les routes de la mer Noire, de l’Égée et de l’Orient. C’est aussi un centre artistique et religieux, célèbre pour ses mosaïques, ses icônes et la basilique Sainte-Sophie.

Mais l’Empire est fragilisé par les Turcs seldjoukides et par le schisme religieux de 1054 qui le sépare définitivement de Rome. Les relations avec l’Occident se dégradent encore lors de la quatrième croisade : en 1204, les croisés détournent leur expédition vers Constantinople. Ce détournement s’explique aussi par les intérêts économiques de Venise, qui assure le transport maritime des croisés et souhaite renforcer sa domination commerciale. La ville est prise et pillée, et un Empire latin d’Orient s’installe jusqu’en 1261.Cet épisode constitue un traumatisme durable, qui affaiblit irrémédiablement Byzance et accélère son déclin. Ce déclin sera exploité deux siècles plus tard par les Ottomans, qui s’emparent de Constantinople en 1453.

À retenir

Byzance, puissance commerciale et culturelle, est fragilisée par les Turcs et par le schisme avec Rome. Le sac de 1204, motivé aussi par les intérêts vénitiens, installe un Empire latin et précipite le déclin qui conduira à la prise ottomane de 1453.

Conséquences : affrontements et échanges

Les conflits ont laissé une empreinte profonde. Ils nourrissent une méfiance durable entre chrétiens et musulmans et accélèrent le déclin byzantin, tout en renforçant l’Occident latin. Mais la Méditerranée reste aussi un espace de circulation et de contacts. Les ports de Venise, Gênes, Marseille et Barcelone commercent avec Alexandrie, Antioche, Acre ou Damas. Les routes maritimes et caravanières relient l’Afrique, l’Europe et l’Asie, assurant la diffusion des épices, de l’or, des soieries et des esclaves.

Les échanges intellectuels se poursuivent malgré les guerres. À Tolède ou Palerme, des traducteurs chrétiens, musulmans et juifs travaillent ensemble. La philosophie d’Aristote, redécouverte grâce aux commentaires d’Averroès, ainsi que les traités d’Avicenne sur la médecine, enrichissent les universités occidentales de Paris et Bologne. L’école de Salerne, en Italie, devient un haut lieu de la médecine, nourrie des apports grecs et arabes. Ces transferts témoignent de l’existence de contacts pacifiques, à travers des traités commerciaux, la coexistence religieuse et les échanges scientifiques.

Ainsi, les croisades ne sont pas seulement synonymes de guerre ; elles favorisent aussi la circulation des idées, des techniques et des produits, renforçant le rôle de la Méditerranée comme carrefour du monde médiéval.

À retenir

Les croisades divisent et affaiblissent Byzance, mais elles stimulent aussi commerce et culture. La transmission d’Aristote et des sciences arabes illustre l’importance des échanges pacifiques qui accompagnent les conflits.

Conclusion

Du XIe au XIIIe siècle, la Méditerranée est le théâtre d’affrontements entre Chrétienté latine, Empire byzantin et monde musulman. Les croisades, de la prise de Jérusalem en 1099 à sa reprise par Saladin en 1187, traduisent les rivalités religieuses et politiques.

Le sac de Constantinople en 1204, motivé aussi par les intérêts économiques de Venise, marque une rupture qui affaiblit durablement Byzance, jusqu’à sa chute en 1453 face aux Ottomans. Pourtant, la Méditerranée n’est pas seulement un espace de guerre : elle est aussi un lieu d’échanges commerciaux, diplomatiques et culturels, où circulent marchandises, savoirs et hommes. Carrefour de confrontations mais aussi de transmissions, elle est au cœur du monde médiéval.